Jardin Atlantique, Les 30 ans du jardin impossible

La section Art des jardins de la SNHF a souhaité rendre hommage au Jardin Atlantique, prouesse technique, jardin impossible, qui fête ses 30 ans. L’occasion de revisiter un quartier hautement emblématique de la capitale, celui de Montparnasse, à la lumière des enjeux et des interrogations
de notre époque. Cet anniversaire était organisé en deux temps le 22 juin : une visite et une rencontre/débat.

une vie en surface étroitement liée à de mystérieuses entrailles © Michel Péna

Revisiter un jardin, expérimental à bien des points de vue, et évoquer un moment charnière des années 1970-2000 : tels étaient les objectifs de la journée du 22 juin, organisée par les membres de la section Art des jardins de la SNHF.
Le jardin Atlantique, situé à cheval sur les XIVe et XVe arrondissements de Paris, au-dessus des voies de la gare Montparnasse, jardin impossible, jardin malgré tout, est aujourd’hui bien vivant et prouve combien le jardin public est indispensable aux citadins. Paris, ville moderne, conçue par Haussmann et Alphand à la fin du XIXe siècle, possédait un potentiel à conquérir avec les communes limitrophes, annexées en 1860, enfermées dans l’enceinte de Thiers (1841 et 1844). Une trame verte, où la nature et les arbres jouent un rôle structurant essentiel, nous a été léguée en héritage. La seconde moitié du XXe siècle rêve de renouveau urbain, imagine Manhattan et des gestes architecturaux forts. Le projet Maine-Montparnasse bouleverse un quartier implanté dans le paysage parisien de façon très particulière : culture, affaires, vie nocturne. Inaugurée en 1973, la tour marque à jamais le paysage intra-muros mais reste unique dans le ciel de Paris. Pourtant, le projet Maine-Montparnasse n’oublie pas le jardin. Les aménageurs composent avec lui, inventent, innovent, allant jusqu’à créer un nouveau concept : le jardin sur dalle !

Vue aérienne de la gare Montparnasse avant la réalisation des travaux © D.R.

Du dessous au dessus

La journée d’anniversaire du 22 juin s’est déroulée en deux temps et a commencé par une visite sur le terrain le matin. Elle a permis de découvrir les dessous du Jardin Atlantique, le seul jardin « que l’on visite par les racines »… Guidée par Michel Péna, son concepteur, les jardiniers et les conférenciers de la Deve (Direction des espaces verts et de l’environnement de la Ville de Paris), cette journée a montré combien la vie en surface est étroitement liée à de mystérieuses entrailles. Les prouesses techniques qui ont permis de créer cet ilot de verdure, directe-ment implanté au-dessus des voies de la gare Montparnasse, sont toujours aussi performantes ! Le dialogue entre usagers, promeneurs occasionnels, concepteur et gestionnaires du site se révèle, lui, spontané et riche. Au vu de l’affluence, une seconde visite a dû être organisée le 29 juin, tout aussi réussie.

Une rencontre/débat

L’après-midi, une rencontre/débat entre professionnels et grand public, dont les habitants du quartier, était organisée à la mairie du XVe arrondissement. Elle se déroulait sous les fresques de la salle des mariages, qui rappellent le passé horticole et maraîcher d’un arrondissement toujours vert et novateur dans ce domaine. Hasard du calendrier, la première forêt urbaine de la capitale était inaugurée quelques jours plus tôt, place de Catalogne. Le débat, ouvert par Jean-Pierre Gueneau, président de la SNHF, était animé par la journaliste Sylvie Ligny, Michel Péna et Jean-François Coffin, membre de la section. Il abordait plusieurs thèmes qui montrent l’originalité du jardin et l’actualité des questions qu’il soulève. Car les années écoulées permettent de dresser un bilan et de s’interroger : la ville moderne peut-elle être fertile ? Le Jardin Atlantique, jardin d’expérimentation, cas d’école et laboratoire de tous les possibles il y a trente ans, peut-il servir d’exemple ? Du jardin à la Nature en ville, la troisième nature est-elle une réalité ou une utopie ? Quelles leçons tirer de ce site emblématique ?

Accueilli par Laurent Racapé, adjoint au maire chargé de l’Environnement et des Espaces verts de la mairie du XVe arrondissement de Paris, le débat/rencontre a été riche en témoignages © J.-F. Coffin

Rêve de modernité

Michel Péna a évoqué avec passion le contexte et la prouesse technique que sa réalisation imposait à tous les acteurs du projet. Christiane Blancot* a rappelé le rêve de modernité qui guidait les aménagements de la capitale dans les années 1970-1980. Simon Tixier a évoqué les jardins parisiens face à ces transformations. Bernard Landau a prouvé qu’à cette époque les jardins n’étaient pas oubliés. Emmanuelle Kalfon a rappelé l’implication des habitants du quartier. Delphine Biot a partagé son expérience personnelle au sein de la Deve durant cette période charnière et Serge Muller a parlé d’arbres et de nature en ville en dressant un bilan des espèces plantées, de leurs besoins et de leur évolution au fil des ans.

Jardin Atlantique aujourd’hui : un jardin impossible est né ! © Michel Péna

Il n’était pas une utopie

Trente ans après sa création, le Jardin Atlantique est toujours là pour nous livrer ses plus intimes secrets et son vécu de trentenaire ! Il prouve chaque jour qu’un jardin public peut transformer la vie d’un quartier. Bien ancré dans le paysage parnassien le jardin impossible joue pleinement son rôle environnemental et… social. Havre de paix, coupé des immeubles environnants, espace de liberté pour les enfants, terrain de sport pour les adultes, parenthèse dans la ville, le jardin a su prouver, sur la durée, qu’il n’était pas une utopie ! Au-delà, il nous invite à penser « jardin » lorsque l’on aménage ou transforme de nouveaux quartiers de la capitale. Aujourd’hui, les citadins revendiquent à juste titre la possibilité de vivre en ville différemment. Surpopulation, vie trépidante et réchauffement climatique sont des réalités auxquelles toutes les grandes capitales sont confrontées. Le jardin public répond à un besoin vital. La nature en ville ne peut suffire. Il faut des lieux de partage, d’échanges, des lieux de vie, donc il faut aussi réinventer la ville intra-muros, trouver un nouvel équilibre entre bâti et non-bâti, prévoir de nouveaux jardins et… franchir le périphérique en prenant en compte le paysage francilien.

Michel Péna commente la genèse et l’évolution du Jardin Atlantique © J.-F. Coffin

Sylvie Depondt
Conservateur général de la Ville de Paris, présidente de la section Art des jardins de la SNHF

*- Christiane Blancot, architecte et urbaniste, responsable du pôle
évolutions urbaines de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur)
– Simon Texier, professeur d’histoire de l’art à l’Université de Picardie
Jules-Verne et secrétaire général de la commission du Vieux Paris
– Bernard Landau, architecte voyer honoraire de la ville de Paris
– Emmanuelle Kalfon, présidente du conseil syndical secondaire
8-20 Mouchotte
– Delphine Biot, paysagiste DPLG
– Serge Muller, professeur émérite, chercheur à l’Institut de systématique,
évolution, biodiversité, Muséum national d’Histoire naturelle