Jacques Hennequin : L’art et la maquette
Qui aurait pu penser que Jacques Hennequin deviendrait un spécialiste réputé de la maquette de jardins en trois dimensions ? Surtout pas lui dans sa jeunesse, même si, tout petit, il en était déjà passionné !
Quand il a eu l’âge de décider quel parcours professionnel entamer, Jacques Hennequin a choisi de suivre une formation technique en électronique, poussé par ses parents car elle concernait des « métiers à la mode ». Après un BTS, il entre à la télévision en 1970, à l’ORTF (Office de radio diffusion-télévision française) qui deviendra, en 1975, la SFP (Société française de production). Il y occupe différentes fonctions.
Il commence comme ingénieur vision, puis « truquiste » (effets spéciaux), devient adjoint technique du réalisateur, intègre le service administratif à la postproduction pour finir comme commercial dans ce service. Finalement, la restructuration de l’ORTF en SFP aboutit à plusieurs plans de licenciements dont l’un, en 1995, concerne Jacques Hennequin. Se pose alors la question de son avenir. « Qu’est-ce que je sais faire ?
Qu’est-ce que je peux faire ? J’avais 48 ans et cet âge était déjà considéré comme trop vieux. » À l’époque, Jacques habitait un pavillon avec un petit jardin. « J’adorais la nature. D’où l’idée de combiner mes goûts et, pourquoi pas, créer des maquettes de jardins ? »
Villandry, le début d’un succès
Afin d’avoir un cadre juridique pour son activité, il crée en 1998 la société JH3D, toujours active. Mais il lui faut se faire connaître. Il réalise alors la maquette du potager du château de Villandry (Touraine) dont il soumet une photo à Henry Carvallo, le propriétaire. Celui-ci, séduit, lui commande alors la maquette de l’ensemble du domaine. Jacques s’exécute et crée une maquette de trois mètres par quatre, « en douze morceaux »…
Et c’est le point de départ de son activité, Jacques se servant de ce premier travail pour promouvoir son art. Les matériaux qu’il utilise sont entièrement naturels : mousses, lichens, laine, carton, bois, sciure, sable… Le seul écart qu’il se permet est l’usage du polystyrène pour les arbres et les reliefs. L’impression 3D, qui prend un essor dans tous les domaines, n’est pas encore au point pour l’aider à réaliser ses maquettes, notamment pour la confection des arbres.
Dans toute la France
Jacques estime avoir confectionné plus de cent maquettes en vingt-six ans. Elles se trouvent éparpillées dans toute la France, notamment chez les propriétaires des lieux « maquettés » ! Il réalise ou a réalisé plusieurs catégories de maquettes : des domaines qui existent comme le Grand Trianon ou les hortillonnages d’Amiens (Somme), des maquettes pour les chambres d’Agriculture qui veulent montrer les paysages, outils pédagogiques pour le public, des jardins ouvriers, des domaines disparus. « On me commande parfois exclusivement des bâtiments, comme des châteaux, tel celui d’Ambleville (Val-d’Oise). »
« Je ne me suis jamais payé de salaire avec la réalisation de mes maquettes », avoue Jacques. « Comment déterminer un prix à partir des heures de travail difficiles à évaluer ? » Comme il fallait bien vivre, il travaillait parallèlement en usine, puis à la célèbre Librairie des Jardins, aux Tuileries, gérée par Françoise Simon, mais qui a dû fermer ses portes.
Un musée pour Jacques
Pour son travail, Jacques a besoin de place. Après avoir occupé un atelier de 100 m² que le propriétaire a voulu récupérer, il a dû rapatrier une bonne partie de son matériel dans son appartement de Saint-Mandé (Val-de-Marne) où les cinq pièces sont arrivées à saturation. Divers matériaux, papiers pour plans, pinceaux, « tour », outils, documentation prennent une place considérable. Que se passera-t-il quand Jacques devra quitter cet appartement ? « Je pense à mes enfants, qui devront gérer tout cela ! »
C’est du côté de la province qu’est arrivée une solution providentielle. Le musée Nuage Vert, à Argentat-sur-Dordogne en Corrèze (https://nuage-vert.com/), à qui Jacques a donné un certain nombre de ses maquettes, accueille également aujourd’hui nombre de ses archives, dont une importante collection de 70 000 photos de jardins classées par département.
Hortesia, pour sortir des maquettes
L’activité de Jacques ne s’arrête pas aux maquettes. Passionné de découvrir et faire découvrir des lieux remarquables, il crée une association dans ce but « à condition que la visite soit assurée par le propriétaire du lieu ». Ainsi naît, en 2010, Hortesia . Il organise des sorties, tout d’abord dans des jardins, mais aussi dans des lieux insolites comme, récemment, le musée de la Faculté de pharmacie de Paris. La fréquence des sorties est d’une par mois, et d’un ou deux week-ends de trois jours par an, regroupant à chaque fois une vingtaine de participants. Hortesia recense près d’une centaine d’adhérents, dont sept ou huit associations, moyennant une cotisation annuelle de quinze euros. « Parallèlement, il fallait que je puisse correspondre avec les adhérents », souligne Jacques. Il commence par rédiger une petite lettre qui va vite évoluer et devenir Hortesia News, regroupant un maximum d’informations sur les manifestations touchant au jardin. Hortesia News compte dix numéros par an, recense 600 adresses, pour un minimum de 800 lecteurs. Une petite subvention de la Fondation des parcs et jardins lui permet de financer un graphiste pour le guide Hortesia*.
Pour élargir ses compétences et relations, il adhère à la SNHF depuis de nombreuses années : « Je m’étais dit que je devais connaître encore mieux le milieu du jardin mais aussi être connu. » Aujourd’hui, Jacques Hennequin, avec l’œil toujours aussi vif, voire espiègle derrière ses lunettes, ne délaisse pas la confection de maquettes. « J’ai envie d’en faire encore, cela me démange en permanence, mais rien que pour mon plaisir. »
Jean-François Coffin
Journaliste et membre du Comité de rédaction de Jardins de France
* www.parcsetjardins.fr/actualites/presse-et-edition/hortesia-le-guide-mars-2024-2275