Gérer les plantes rudérales dans les jardins
Indésirable pour les uns, utile pour les autres, la flore rudérale s’invite dans les potagers, les massifs de fleurs et d’arbustes, au pied des arbres, dans les allées, les cours ou encore aux abords des bâtiments. Plus ou moins envahissante selon la plante, le type de sol et le climat, cette végétation fait partie intégrante de nos jardins. Si vous souhaitez la gérer, il faut mettre en balance les bénéfices et les risques liés à chaque espèce.
À l’instar du paysagiste Gilles Clément, concepteur du jardin en mouvement, on peut aimer flâner dans des jardins où vagabondent les fleurs sauvages et exotiques. Cette démarche vise à favoriser la biodiversité. Il est important de laisser des coins de nature dans son jardin pour assurer les chaînes alimentaires fonctionnelles entre les animaux (dont les insectes) et les plantes. Mais aussi naturel soit-il, un jardin ne peut laisser complètement la place à la flore spontanée, sans quoi il deviendrait une friche. C’est là qu’intervient le jardinier, qui conçoit, agence, sème, plante et entretient son petit bout de planète, afin qu’il réponde à des objectifs d’ordre utilitaire, esthétique, écologique ou vivrier. Il importe de rechercher un équilibre biologique entre les différentes composantes végétales de l’écosystème jardin.
Quid des plantes rudérales ?
Parmi la flore spontanée des jardins, espaces végétalisés et infrastructures (JEVI), les espèces rudérales, souvent pionnières, constituent un groupe important : amarante réfléchie, capselle bourse-à-pasteur, chardon des champs, chiendent rampant, clématite des haies, géranium herbe à Robert, laiteron maraîcher, liseron des champs, ortie dioïque, oseille ou patience, pâquerette, plantain majeur, prêle des champs, renouée persicaire, séneçon vulgaire, vergerette du Canada, etc.
Ces plantes se développent en dehors ou au sein des cultures, en zones urbaines (allées, bermes, trottoirs, bords de clôtures, pieds de murs, zones résidentielles ou d’activités, parkings, décombres) ou rurales (accotements routiers, fossés, ripisylves, lisières de bois). Les formations rudérales, quoique délaissées en principe par l’homme, sont liées à sa présence ou à son voisinage.
Sur les lieux de passage notamment, les espèces involontairement introduites sont nombreuses, dont des invasives pouvant proliférer avec le changement climatique.
On trouve donc diverses plantes rudérales dans les milieux ouverts et anthropisés, plus ou moins entretenus, dont certaines espèces envahissantes qui apprécient les terrains irrigués, amendés et fertilisés des jardins. Face à ce risque potentiel d’enherbement, des observations régulières et une gestion raisonnée sont nécessaires.
Que faire pour maîtriser les plantes rudérales indésirables ?
La flore rudérale est localement non désirée, soit au sein des cultures, soit dans les zones délaissées, sans considération de sa valeur écologique, médicinale ou alimentaire. Dans les milieux cultivés, on l’appelle plutôt flore adventice, car elle entre en compétition avec les plantes cultivées vis-à-vis de l’espace, de l’eau, de la lumière et des nutriments. Elle peut aussi causer des allergies (par exemple, l’ambroisie à feuilles d’armoise ou la berce géante du Caucase) ou héberger des maladies et ravageurs (plante relais ou réservoir ; par exemple, la capselle bourse-à-pasteur conserve la rouille blanche des crucifères et peut contaminer le radis ou les choux sensibles). Avant toute action sur des plantes rudérales indésirables, il est important d’identifier les espèces. En général, les méthodes de désherbage visent à éliminer les espèces indésirables, au plus tard avant la phase de la reproduction sexuée (graines) ou végétative chez les espèces vivaces (racines tubérisées, drageons, bulbilles, rhizomes, stolons).
À titre préventif, on peut pailler le sol (potager, massifs de fleurs), planter des végétaux couvre-sol (pieds de murs, pieds d’arbres, talus), pratiquer l’écopâturage (oies, moutons), aménager les cours et allées (géotextile entre la terre et les matériaux de surface, pavage, dallage, bitumage bicouche, enrobé, béton désactivé).
Les méthodes curatives sont l’arrachage manuel, le désherbage mécanique (couteau, gouge, binette, sarcleuse, méthode du faux-semis, racloir, brosse rotative ou nettoyeur à jet haute pression sur un sol imperméable, désherbeur mécanique de chemins motorisé pour les grandes surfaces perméables), le désherbage thermique (flamme directe, infrarouge, eau chaude, mousse chaude, désherbeur électrique à propulsion d’air chaud) et les traitements herbicides de biocontrôle (acide pélargonique ou acétique).
Jérôme Jullien
Expert national en surveillance biologique du territoire, productions horticoles, jardins, espaces végétalisés et infrastructures, ministère chargé de l’Agriculture (DGAL-SDSPV)
POUR EN SAVOIR PLUS
– Fried G. 2017. Guide des plantes invasives. Éditions Belin, collection guide des fous de nature, 302 p.
– Jullien J. 2021. Désherber bio : les solutions zéro phyto pour jardins, potagers, cours, allées… Ulmer, collection Mini-Maxi, 64 p.
– Jullien J. 2021. Adapter son jardin au changement climatique : état des lieux et solutions. Éditions Eyrolles et Sang de la terre, 232 p.
– Jullien J, Jullien E. 2019. Le grand livre du potager sans pesticides. Éditions Eyrolles et Sang de la terre, collection Le jardin écologique, 598 p., environ 1 500 photos et dessins.