Gérard Aymonin, une passion : la botanique

Anne-Marie Slézec

 

Professeur honoraire au Muséum national d’Histoire naturelle, l’un des meilleurs spécialistes français de la flore européenne, Gérard Aymonin est aussi un voyageur infatigable qui a exploré et étudié la végétation de très nombreux pays. Connaître et transmettre ses connaissances, telles sont les missions de ce grand savant qui a encore beaucoup à partager.

 

Les spécimens sont conservés depuis des années entre les feuilles du papier journal de l'époque à laquelle ils ont été cueillis © S GerbaultNé à Paris en 1934, Gérard Aymonin entre au lycée Montaigne à 12 ans. Sur les conseils d’Armand Moine, professeur de sciences naturelles, il se joint, deux ans plus tard, aux excursions botaniques et entomologiques du Muséum national d’Histoire naturelle. Dès 1950, il est admis à y travailler.
Curieux de nature, homme de terrain, il élargit ses connaissances en paléontologie, géologie, zoologie. Sur concours de la fondation nationale Zellidja, en 1953, il effectue un périple sur le thème " La protection de la nature en France méridionale[1].". En 1954, se tient à Paris et à Nice le 8ème congrès international de botanique, présidé par Roger Heim. Gérard Aymonin y participe et conduit uneexcursion dans les Alpes, qu’il avait parcourues à vélo. Cette circonstance l’oriente vers la systématique et l’écologie végétales.

 

Un parcours ardent pour les plantes

Après sa licence, en 1956, puis son diplôme d’études supérieures, il envisage une carrière d’enseignant en préparant l’agrégation. Une opportunité va changer cette orientation : un poste d’assistant est libre dans la chaire de phanérogamie qui gère l’herbier national déposé au Muséum. Encouragé par Paul Jovet[2] (1896- 1991) en 1957, Henri Humbert2 (1887-1967) l’accueille au laboratoire qu’il dirige depuis 1931.
Abandonnant l’agrégation, Gérard Aymonin entame ainsi une carrière de chercheur. Mobilisé en Algérie de 1961 à 1963, il ne manquera pas d’herboriser, lorsque le service le lui permet3. À son retour, il reprend sa place en phanérogamie, sous la direction d’André Aubréville (1897-1982)[2], titulaire de la chaire de 1958 à 1968.
En 1964, Gérard Aymonin est nommé maître-assistant, puis sous-directeur en 1967. Sa carrière se poursuit sous les directions de Jean-François Leroy (1915-1999)[2] puis Philippe Morat. En 1990, il est nommé professeur au Muséum.


 

À l’avant-garde de la protection de la flore sauvage

Avant son entrée officielle au Muséum, le naturaliste s’était préoccupé dans les années 1952-1953 de la sauvegarde de la nature sillonnant les, Pyrénées, la Camargue.  Une population non répertoriée de camélée des Alpes (Daphne cneorum L.) fut découverte lors d’une exploration au pays basque. Cette Thyméléacée est alors un objet de recherches sur une grande partie de son aire où elle est souvent menacée. Ce thème fut le sujet du diplôme de 1957.
Plus tard, G. Aymonin étendit ses études sur les Thyméléacées d’Afrique, de Madagascar, de la Nouvelle-Calédonie. Les analyses in situ, comparées aux herbiers, souvent anciens, permirent d’évaluer la variabilité de l’espèce et parfois même de supposer sa variation, comme de dégager des phénomènes de régression ou d’extension.
Le recensement de tels éléments dans les approches taxinomiques conduit naturellement à aborder la nomenclature botanique et les questions de typification, d’où les réflexions dans le domaine de la définition de l’espèce et une ouverture indispensable vers l’histoire de la botanique et celle des herbiers.


Souci de protéger et conserver…

Au-delà des considérations en systématique fondamentale, la prise en compte des spectres de diversité floristique a guidé la démarche du chercheur pour aborder l’évolution des milieux naturels ou transformés. Prenant part avec son épouse Monique Keraudren, à la 1ère conférence internationale sur l’utilisation rationnelle et la conservation de la nature (Tananarive, 1970), Gérard Aymonin se vit confier, entre 1973 et 1978, par la direction de la protection de la nature, l’élaboration d’une liste des espèces végétales justifiant des mesures de protection. Une large enquête associant les botanistes des régions, aboutit à une synthèse nationale en 1982.
La conservation des milieux et celle des espèces, ou plus généralement la préservation de l’homme contre l’érosion progressive des ressources génétiques, constituent les axes essentiels des actions à entreprendre et à poursuivre. Elles demeurent cependant, des objectifs. Les dangers pesant sur les espèces messicoles ou les hygrophiles ont, parmi d’autres ensembles, orienté quelques politiques de sauvegarde.

Les carnets de stages de terrain en botanique et biologie végétale avec l'école normale supérieure de la rue d'Ulm © S GerbaultUne fiche avec la liste des espèces ramassées dans la nature lors d'une expédition scientifique en Iran et les notes du naturaliste Gérard Aymonin (Kandevan, Iran, 18 juillet 1958) © S Gerbault

  

Au service des étudiants et des sociétés savantes

Écolier, boulevard Arago, il avait recopié textes et figures d’un livre emprunté à la bibliothèque municipale du 13ème arrondissement de Paris, " Les fleurs des champs et des bois " de Gaston Bonnier. Ce fut sans doute là une source d’inspiration et peut être que sa nomination au Muséum avait privé G.Aymonin d’un contact avec de jeunes élèves ?
Il compensera cette lacune en organisant, au sein des activités de son laboratoire, diverses excursions originales (région parisienne, province). Les liens tissés avec l’école normale supérieure de la rue d’Ulm, l’amenèrent à y donner des conférences en phytogéographie et à conduire pour les " agrégatifs " entre 1959 et 1981, de nombreux stages sur le terrain en France. Ainsi naîtront pour l’Ouest et le Sud-Est les programmes " CCC " (Camaret-Cornouaille-Carnac) ou VVV (Vadaine-Vivarais-Ventoux).

 

De nombreuses planches botaniques attendent l'expertise scientifique. Un travail de longue haleine © S GerbaultUn voyageur aventurier

Gérard Aymonin herborise aussi audelà de nos frontières : du Portugal à la Laponie, de l’Ecosse à la Grèce et avec l’entomologiste Hubert de Lesse, c’est une expédition vers les montagnes du Taurus et l’Elbourz en Perset[3], (1958). Il récolte aussi en Amérique du nord, à Madagascar, tissant des relations qui perdurent. Membre de diverses commissions ou conseils, au fil des années : CNRS, CNPN, Parcs et conservatoires botaniques nationaux, CCVS, il est toujours confronté à la vie scientifique française ou internationale par sa maîtrise des investigations dans le " grand herbier " du Muséum.
En 1992, il participe à la 153ème édition du " Bon jardinier " en relation avec Jean-Noël Burte. Il est l’auteur de notices de référence pour l’adaptation française de l’Hortus Eystettensis, somptueuse iconographie d’un jardin d’évêché en Franconie, édité en 1613. Ses notices (Mazenod, 1987) sont traduites en allemand et en anglais. Avec son épouse dont il mit au point une dizaine de travaux posthumes (Bégoniacées, Cucurbitacées), il adapte des guides " grand public " (Plantes d’Europe, Fleurs d’appartement…). Durant plus de 25 années, il est secrétaire de la Société botanique de France, organisant séances et sessions extraordinaires. Il a publié plus de 400 articles, plus de 300 analyses. En 2010, il est associé à l’étude d’« Une collection de référence : l’herbier de Jean-Henri Fabre"[4]

 

Une référence en botanique

Naturaliste aux larges compétences, Gérard Aymonin continue de transmettre ses connaissances dans une époque où l’enseignement de la botanique  systématique présente de nombreuses carences. Il instruit et s’instruit, souvent inlassablement à l’écoute d’autrui. Ses activités au Muséum dans ce qui fut jusqu’en 2004, le laboratoire de Phanérogamie, continuent. Par ses 60 années d’expériences, d’observations, d’excursions sur le terrain, Gérard Aymonin, actif dans l’herbier national aujourd’hui en phase de modernisation, a côtoyé et côtoie des botanistes renommés de part le monde. Il a personnellement enrichi l’herbier national de 30 000 échantillons etveille à ce que les herbiers historiques et particulièrement les collections en;volumes reliés soient consultés avec égard.
Ce grand savant a parcouru le prestigieux herbier des Jussieu[2], étudié systématiquement et historiquement celui de Lamarck[2], mis en relief, en collaboration avec Cécile Aupic, les aspects insolites parmi plus de 25 000 spécimens réunis par Adanson [5]. Il ne néglige pas pour autant les herbiers moins prestigieux, comme ceux par exemple d’Ernest Malinvaud, botaniste limougeauds, René Rotgès, floriste de Corse…
Souvent questionné pour la nomenclature, des points de systématique des phanérogames et des ptéridophytes, des graphies anciennes de localités ou de récolteurs, Gérard Aymonin, professeur honoraire au Muséum, est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes français de la flore européenne Avec l’aimable relecture de Gérard Aymonin.

 

 


[1]En 1948 a été fondée à Fontainebleau l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

[2]« Du Jardin au Muséum en 516 biographies », Publications scientifiques du MNHN, Paris, (2004).

[3]Voyage botanique en Haute-montagne, de l’Atlas à la Caspienne. Sc.et Nat.,52 :20-26,9 photos (1962).

[4]Adansonia, sér.3, 32 (1) :7-29

[5] Hommes et plantes, 60 : 12-19, 19 photos, Hiver 2006-2007.

 

1 thoughts on “Gérard Aymonin, une passion : la botanique”

  1. Je me permets de vous contacter car je suis l’arrière-petite-fille de René Rotgès, qui a été Conservateur des Eaux et Forêts de la Corse dont j’ai un très beau souvenir. Ma grand-mère, sa fille, lors de son décès en 1969 a fait don de son herbier au Muséum d’Histoire Naturelle du Jardin des Plantes de Paris.
    Je serais heureuse, si cela était possible, de pouvoir rencontrer Monsieur Gérard Aymonin.
    Je vous laisse mes coordonnées à cet effet.

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