Eugène Combaz, un rocailleur fameux
Daniel Lejeune
Un jardin ne saurait être composé uniquement de plantes et de fleurs. Il emprunte nécessairement à l’architecture et au génie civil des éléments de confortement ou de structuration. Ceci est particulièrement évident dans les jardins de la Renaissance italienne. Mais aussi sous le second Empire…
À côté des ponts, des voiries, des réseaux, des fabriques, une expression particulière de l’art de construire se répète fidèlement, inlassablement dans les parcs et jardins paysagers du XIXe siècle, les confirmant dans leur vocabulaire si besoin en était : il s’agit des grottes et cascades, artificielles comme il se doit et dont des avatars plus récents se limiteront bien souvent à des balcons ou garde-corps en ciment d’art imitant un bois tristement pétrifié.
Dans cette spécialité de construction de décors, un nom s’impose sous le second Empire et la IIIe République, celui d’Eugène Combaz (1824-1881).
Étretat aux Buttes Chaumont
Collaborateur de la première heure au service des promenades, Eugène Combaz fut chargé par Alphand d’agrémenter les lacs et les ruisseaux du bois de Boulogne de grottes, de cascades et de rochers artificiels. Sa première réalisation, celle qui le rendit célèbre, fut la construction de la grande cascade de Longchamp, en 1855. Ce ne sont pas moins de 200 m3 de blocs de grès amenés de Fontainebleau qui furent artistiquement empilés. On imagine la peine et la dépense… l’une et l’autre seront dorénavant optimisées par l’emploi systématique de ciment et d’armatures de fer.
Cette technique était tout à fait maîtrisée lorsqu’il fallut créer, à une tout autre échelle, les rochers et cascades du parc des Buttes-Chaumont. En effet, après avoir purgé les falaises des anciennes carrières et créé de toutes pièces le piton qui les accompagne dorénavant en évoquant quelque peu le site d’Étretat, il s’agissait de construire de toutes pièces une grotte de 19 m de haut, avec cascade et grandes stalactites de plusieurs mètres. Ces dernières sont réalisées sur place, autour de tiges de fer fixées dans le plafond et enrobées peu à peu de ciment liquide. L’effet est saisissant et a marqué en son temps George Sand*.
*La rêverie à Paris, Paris-Guide 1867, A..Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1867
De Charenton jusqu’au Caire
La renommée de Combaz, dorénavant établi à son compte, n’avait pas attendu le 1er avril 1867, date d’inauguration des Buttes-Chaumont ou des grands aquariums de l’Exposition universelle du Champ de Mars, autre réalisation de Combaz. Elle lui avait valu d’être appelé à Liverpool par Édouard André et Hornblower pour collaborer à la construction de Sefton-Park.
On lui doit encore les grottes et barrages du bois de Vincennes, la cascade de Charenton et encore les aquariums et rochers de l’Exposition universelle de 1878…
Il avait aussi travaillé à Bruxelles et suivit Barillet-Deschamps dans ses réalisations à l’étranger, la dernière du genre étant la grotte du jardin de l’Eskebieh au Caire.
Ingénieux constructeur
Maintes fois récompensé par la Société impériale et centrale d’horticulture pour ses travaux de rocaille, son œuvre et son entreprise lui survivront à travers son fils Edmond. Ce dernier développera, en outre, une miniaturisation de sa technique pour fabriquer de petits plans-reliefs au service des architectes-paysagistes et de leurs clients.
Édouard André écrira ce commentaire dans Le mouvement horticole de 1867 « M. Combaz, le plus ingénieux de nos constructeurs actuels de rochers ». Sous sa plume, ce n’est pas rien !