En Loire-Atlantique : Le jardin « à quatre mains » de Mary et Joël
Un travail intense, animé par la passion, a permis à Mary et Joël Fruneau de transformer un pré en jardin « à l’anglaise ». Mary nous raconte son histoire.
Mary et Joël Fruneau ont hérité de l’ancienne ferme de la grand-mère de Joël avec un terrain d’un hectare, en Loire-Atlantique, à Bouguenais, près de Nantes. Avant 1992, c’était un pré sur lequel une mare avait été creusée. Habitant Paris pendant de nombreuses années, ils n’y venaient que pour les vacances scolaires. Un voisin y faisait paître ses chevaux, ce qui limitait l’entretien. Lorsqu’il a pris sa retraite, il est devenu nécessaire d’intervenir : ce fut la naissance du jardin.
La naissance d’une passion
« Seul un très vieux cognassier restait le témoin du jardin d’antan. Nous avons commencé à planter de grands arbres pour nous isoler de la route qui longe la propriété, avec des essences locales adaptées au terrain en partie humide : érables champêtres, aulnes, hêtres, frênes… ainsi que des séquoias (S. sempervirens) et métaséquoias. La structure globale était en place », précise Mary. Puis un verger de variétés anciennes a été ajouté, ainsi qu’un bois de bouleaux qui s’est avéré, par la suite, être un lieu charmant, intime, baptisé « le Coin des secrets ».
À partir de 2000, Mary et Joël commencent à fréquenter les fêtes des plantes, notamment la « Folie des plantes » de Nantes, puis celles de Bretagne, allant même jusqu’à Courson et Saint-Jean-de-Beauregard*. « Nous y avons rencontré des pépiniéristes qui nous ont fait connaître des arbres et arbustes peu courants ou venant de pays lointains. C’est ainsi qu’est née notre passion. » Ces acquisitions furent plantées de façon éparse, sans véritable plan initial. « Mon mari avait eu intuitivement une idée de l’aménagement de l’espace. Lorsque nous avons décidé de réunir les différentes plantations, la structuration sousjacente est apparue, créant des courbes, des arcs, avec une grande pelouse centrale donnant un jardin ouvert, ménageant des zones aux ambiances différentes. »
800 variétés, 200 genres
Les arbres et arbustes ont été choisis pour leur forte présence tout au long de l’année, que ce soit par leur feuillage coloré selon les saisons, leur floraison, leur fructification et même leur écorce. « Nous avons environ 800 variétés et 200 genres ! » Et Mary les a tous répertoriés dans son ordinateur. « Nous avons aussi beaucoup de vivaces, acquises lors d’échanges entre jardiniers passionnés, au sein de sociétés d’horticulture ou d’associations auxquelles nous adhérions. » Mary précise sa difficulté pour gérer certaines vivaces fleuries l’été telles que monardes, échinacées, phlox et agastaches « car il faut les dédoubler régulièrement pour qu’elles restent florifères. Avec les arbustes, c’est plus simple : on les plante et c’est tout (ou presque !). » Si Mary se sent plus à l’aise avec les arbustes qu’avec les vivaces, ces dernières représentent tout de même environ 1 000 variétés pour 300 genres ! « Peu d’annuelles, quelques bisannuelles que je laisse se ressemer dans les massifs. Comme le pavot des jardins (Papaver somniferum) qui était déjà présent dans le jardin de la grand-mère et qui revient depuis plus de cinquante ans, des digitales, des linaires (Linaria purpurea)… ainsi que de nombreux bulbes. »
Un jardin à l’anglaise
« Notre participation à la vie d’associations locales et aux voyages organisés par la SNHF nous a permis de découvrir des jardins de toutes les sortes. Notre préférence va aux jardins anglais. » Le style anglais est donc dominant, avec différentes ambiances :
• Le fond du jardin, lieu sec en plein soleil et sans arrosage, présente des plantes qui résistent à la sécheresse telles des agapanthes ou des succulentes, santolines et agaves ;
• Un parterre rouge caractérise une autre ambiance, tant au niveau des fleurs, du feuillage que des fruits : benoîte (Geum urbanum), millepertuis (Hypericum inodorum ‘Magical Red Fame’) aux feuilles et fruits se teintant de rouge, etc. ;
• Un verger fleuri dont les rangées de pommiers sont plantées de petits arbustes, de vivaces et de bulbes dans les tons bleus et pourpres ;
• Le petit jardin, à l’ambiance intime, avec ses allées de largeur réduite et ses massifs variés ;
• Deux tonnelles : l’une servant de point focal dans le verger, supporte le rosier ‘Seven Sisters’ accompagné de la clématite ‘Jackmanii’ ; l’autre, avant l’accès au verger, légèrement vêtue d’un Santaunia, d’un Akebia et d’un Kadsura japonica. S’ajoute une allée d’arcades en fer, forgées main, avec rosiers grimpants ;
• Une serre abrite une petite collection de succulentes et permet d’abriter les plantes sensibles au froid durant l’hiver. Mais elle ne sert pas à la multiplication ou aux semis, Mary s’estimant peu douée pour cette activité dans laquelle elle a connu plusieurs échecs ;
• Un potager, entièrement bio, entretenu par Joël, produisant des légumes classiques : pommes de terre, haricots, poireaux, carottes, tomates, petits pois. Il est bordé d’une haie d’arbustes à petits fruits rouges (cassis, groseilliers, framboisiers). Le jardin est en fleurs toute l’année, même durant l’hiver. Une soixantaine de camélias se relaient de novembre à mai, ensuite vient le tour des rosiers, des clématites et des hydrangeas.
Un entretien au naturel
« C’est un jardin au naturel. Nous n’utilisons aucun produit, contrairement à autrefois. L’usage de la bouillie bordelaise est rarissime. Un équilibre s’est établi, il y a beaucoup d’auxiliaires et très peu de maladies. Nous luttons contre la pyrale du buis avec les pièges à phéromones et le Bacillus thuringiensis. » La partie compost est importante, les feuilles mortes, les tontes et les broyats de tous les végétaux y sont déposés. Son épandage, soit comme amendement, soit comme paillage, a enrichi le sol plutôt argileux. Il a complètement changé sa structure, l’a rendu facile à travailler et le garde frais.
Un jardin qui apporte du bonheur
« Ce jardin nous apporte beaucoup de bonheur, même s’il nécessite un gros travail avec un suivi régulier. Au printemps, chacun y passe en moyenne quatre heures par jour. Nous continuerons à nous faire plaisir et à y travailler tant que notre condition physique le permettra. Notre jardin nous permet de garder des contacts et d’échanger. Il est une source d’équilibre, physique et mental ! »
Jean-François Coffin
Journaliste, membre du Comité de rédaction de Jardins de France
* https://www.nantes-tourisme.com/fr/evenement-culturel/la-folie-des-plantes
* https://www.domaine-de-courson.fr/
* http://www.chateaudesaintjeandebeauregard.com