Émergences et horticulture : un problème qui date !
Philippe Reignault
Si la qualité sanitaire des plantes reste un enjeu constant en horticulture, la liste des bioagresseurs responsables des principales épidémies n’a cessé de s’étoffer depuis la deuxième moitié du XXe siècle, en association avec l’intensification des échanges de semences et de végétaux et celle du trafic aérien de passagers, auxquels s’ajoutent certaines évolutions des modes de production et les changements environnementaux. Des cas d’éradication ou, à l’inverse, de réémergence ont pu être observés.
Un exemple marquant : le mildiou de la pomme de terre - © M. Javoy
L‘exemple historique le plus marquant d’émergence reste celui du mildiou de la pomme de terre en Irlande au milieu du XIXe siècle. Dans un contexte de monoculture de variétés sensibles à l’oomycète Phytophthtora infestans, une famine dramatique et une vague d’émigration massive résultante ont réduit de près des trois quarts en quelques années la population de l’île. Quelques années plus tard, les vignes françaises étaient attaquées par le champignon Erysiphe necator, agent de l’oïdium, l’oomycète Plasmopara viticola, agent du mildiou et l’insecte Daktulosphaira vitifoliae responsable du phylloxéra, et, de ce fait, menacées de disparition
Quelques exemples de microorganismes ou insectes considérés à un moment donné comme émergents depuis le XIXe siècle jusqu’à ces vingt dernières années en illustrent les causes, les conséquences et les stratégies de lutte employées dans le but de sécuriser les productions végétales.
Emergence : deux scénarios
Deux scénarios aboutissent à l’apparition de maladies (causées par des microorganismes parasites) ou infestations (dues à des insectes ravageurs) importantes :
- l’introduction d'un bioagresseur exotique, résultant de son entrée naturelle ou accidentelle, puis son établissement ;
- l’adaptation d’un parasite ou d’un ravageur autochtone mineur ou contrôlé à de nouvelles pratiques agronomiques ou conditions environnementales ;
- la capacité d’un parasite à contourner les résistances génétiques ou les moyens de lutte chimiques mis en œuvre.
Parmi les virus, le TSWV (Tomato Spotted Wilt Virus) responsable de la maladie bronzée de la tomate a émergé deux fois : en 1933, puis à la fin des années 80. Sur la période 1996-2002, la moitié des maladies émergentes sont virales. Le TSWV est transmis par des insectes de type thrips à l’intérieur desquels il est persistant. Un autre exemple de virus, le PVY (Potato virus Y) est arrivé d’Italie en 1972. Il est un enjeu majeur de la production de pomme de terre et de plants. Il a ré-émergé aux USA récemment du fait de plants infectés non-détectés.