Édito : L’Oiseau, compagnon du jardinier

Jacques Cuisin

Peut-on imaginer le jardin sans l’oiseau ? A bien y réfléchir, ce n’est pas au jardin que l’on se rend pour réaliser des observations ornithologiques. L’ornithologue ne se satisfait pas de la surface réduite du jardin, et le jardinier peste parfois contre les volatiles trop gourmands...

Cela semblait si naturel … et pourtant, il aura fallu attendre ce numéro de « Jardins de France » pour voir traiter l’un des plus réguliers compagnons du jardinier : l’oiseau. Non pas l’Oiseau avec un grand « O », mais l’oiseau du quotidien, celui qui chante, celui auquel on finit par prêter attention, celui qui rythme nos semis et nos récoltes, pour n’en évoquer que quelques traits. Un oiseau, c’est quoi ? Car finalement, ces animaux, pour si familiers qu’ils nous soient, recèlent une certaine complexité, à la fois dans leur organisation anatomique interne et externe, mais aussi dans leur organisation sociale, qu’il s’agisse de relations intra ou inter spécifiques. S’ils peuvent cohabiter dans un jardin de petite, moyenne ou grande taille, l’observateur même novice se rend rapidement compte que les oiseaux qu’il peut identifier appartiennent à des groupes, ordre, familles ou genres, très différents. La systématique, et toutes les études actuelles, permettent de mieux comprendre d’où viennent les oiseaux et comment ils ont divergé au fil du temps. Si le jardin n’est pas forcément le lieu privilégié d’observations ornithologiques, il peut tout de même réserver quelques belles surprises, spécialement en hiver ou en période de migrations. Mais à catégories différentes, stratégies comportementales différentes : telle espèce s’est trouvée incommodée par les activités humaines contemporaines et se raréfie, mais telle autre, au contraire, s’en est trouvée favorisée et se développe très rapidement. Ce développement est-il bénéfique ou non ? A partir de quel moment peut-on considérer une espèce comme invasive ? Mais l’oiseau peut aussi se révéler auxiliaire ponctuel du jardinier, qu’il consomme chenilles prédatrices ou disperse certaines graines. Les relations entre les oiseaux et les plantes ont débuté … sans doute dès l’apparition de la plume ! Granivores, frugivores, folivores, les oiseaux transportent graines et semences, parfois de manière délibérée, parfois à leur insu. En zone néo-tropicale, une co-évolution a pu être observée entre la forme de certaines fleurs et le bec d’espèces particulières de colibris. Mais il s’agit là d’exemples ultimes, la spécialisation extrême pouvant s’avérer dangereuse en cas de rupture d’équilibre écologique. L’oiseau, enfin, est aussi l’animal qui nous fait le plus rêver : chant, couleurs, mais surtout capacité à voler, à maîtriser le milieu aérien a toujours fasciné l’homme. La culture de toutes les sociétés, sous toutes les latitudes, rappelle cette aspiration, que cela soit sous forme de légendes orales, de textes élaborés, de statues, peintures murales … l’oiseau est partout, tour à tour symbole de puissance ou de douceur. Alors sachons goûter la présence des oiseaux au jardin, et favorisons leur passage ou leur séjour parmi nos fleurs et nos plantations : leur présence est un signe indiscutable de biodiversité, qui est elle-même un signe de la qualité de nos espaces de nature.