Édito : Le Japon : influences et confluences
Juliette Kuntz
Pendant la plus grande partie de l’histoire écrite, le Japon est resté éloigné de l’Occident et ignoré de lui. Mais, du jour où il rompit son isolement pour se signaler à notre attention, il ne cessa plus de nous étonner.
Les Portugais et, après eux, quelques européens arrivent au milieu du XVIe siècle mais sont chassés par le shôgun qui veut maintenir le féodalisme militaire. Les contacts avec la dangereuse Europe se limitent à la venue à Nagasaki (sud ouest de l’archipel) d’un ou deux bateaux hollandais par an. Tandis que le monde occidental est rapidement transformé par la révolution industrielle, pendant plus de deux siècles, le Japon s’isole, mais évolue lui aussi. L’instruction s’étend à toutes les classes sociales, les artisans sont les plus habiles du monde, le commerce et les finances ont une structure perfectionnée et souple. Tout est prêt pour une adaptation rapide aux usages européens. Lorsqu’en 1853, les « Navires Noirs » du commandant américain Perry pénètrent dans la baie d’Edo (actuelle Tokyo) et obligent le « pays fermé » à se rouvrir après deux cent quatorze années de retraite quasi-totale, le Japon n’est plus un pays « sous développé ».
D’une manière plus directe, la géographie a façonné l’âme japonaise. Ce chapelet d’îles volcaniques disposées en arc de cercle, renferme entre les cimes et les failles abruptes et boisées de leurs hautes montagnes de grandes plaines fertiles, des vallées parcourues de rivières aux lits larges et plats et d’innombrables parcelles de sol arable. Le Japon est aussi terre de violence : ses côtes sont situées sur le passage des ouragans, de puissants séismes l’ébranlent de bout en bout. L’extraordinaire beauté du Japon et les sinistres catastrophes qui s’abattent sur lui semblent y avoir façonné le caractère de l’homme où délicatesse et cruauté se mêlent de façon contradictoire et souvent surprenante. Depuis les temps anciens, le Japonais se classe parmi les plus féroces guerriers mais nul autre que lui n’a poussé aussi loin le raffinement dans la courtoisie, l’amour des fleurs, de l’art et de la poésie.
Le Japonais vénère sa terre. Il est élevé dans le shintoïsme, religion tournée vers la nature (l’empereur est le descendant de la déesse du soleil AMATERASU). Le shintoïsme représente l’implication de l’homme dans la nature, celle-ci est l’incarnation de l’absolu. En effet, la force vitale et l’énergie spirituelle des divinités sont présentes partout, aussi bien dans une cascade, que dans un rocher, un arbre, un oiseau, une fleur. A cette religion des premiers temps et au combien actuelle au travers des fêtes rituelles, le VIe siècle voit l’arrivée du bouddhisme. Pour nous, sans entrer dans les détails de cette philosophie, retenons que l’homme cherche à agencer la nature afin de permettre une vision du paradis. Quand les disciples de Bouddha lui ont demandé de définir l’absolu, il a sans un mot, désigné une fleur.
La densité de la population n’a pas nui à cette vénération de la nature qui est à ce point innée dans le cœur des Japonais que chaque parcelle disponible devant maison, magasin, immeuble est occupée par un élément végétal. Et chacun s’arrête pour contempler le pot, petit ou grand exposé selon la saison.
Voyons, grâce à ce dossier, comment nous aussi nous avons été et sommes fascinés par le Japon. Mais n’ignorons pas combien la France attire les Japonais !