Édito : Fibres et teintures végétales
Michel Cambornac
Quand on évoque les plantes et que l’on se pose la question de leur utilité pour l’homme, il est un domaine qui ne vient pas spontanément à l’esprit, et pourtant il a une importance économique non négligeable. Il s’agit des « plantes à fibres et des plantes tinctoriales ».
Ce dossier vous propose d’explorer ces deux grands secteurs de la production agricole qui ont eu, et ont encore pour partie, une importance historique et géopolitique majeure depuis que l’homme cherche à se vêtir et à colorer ses vêtements pour ne parler que de ces deux usages.
Commençons par les fibres. On écarte, bien sûr, les origines minérales (amiante) et les origines animales : soie, laines et autres poils….
Les recherches archéologiques nous indiquent que les premiers usages pour coudre des peaux ou attacher des outils furent en écorces et en lin. De même, en occident, le chanvre est connu depuis plus de 8000 ans. On peut cependant penser que selon les régions et les climats, l’usage de feuilles, de palmiers en particulier ou d’écorces, a précédé des usages de plantes à fibre exigeant une certaine technicité. En effet beaucoup de végétaux donnent des fibres mais peu ont la spécificité de permettre de faire un fil continu et, d’autre part, de ne pas se feutrer. En particulier, il faut pouvoir dégager les fibres de cellulose de leur gangue de pectine (rouissage) et séparer les fibres (teillage).
Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, en occident, les « textiles » étaient une économie florissante. Mais l’arrivée de la machine à vapeur, les délocalisations commencées à l’époque coloniale, ont porté un coup à cette industrie qui, de plus, a subi une révolution capitale à la fin du XIXe siècle : la fabrication industrielle des fibres synthétiques issues du goudron et du pétrole.
C’est pourquoi il n’y a vraiment que trois plantes qui ont une importance historique et économique toujours d’actualité et dont la production est liée à des conditions climatiques très exigeantes (répartition de la pluviométrie et des températures). Il s’agit du coton, du lin et du chanvre.
De même, l’usage des couleurs est aussi vieux que la civilisation humaine. Les premières sources de matières premières dans l’art pariétal (grotte Chauvet -36000 ans) furent minérales. Pour les peintures corporelles, l’homme ajouta des extraits de végétaux d’extraction facile (le henné, …). Pour teindre les fibres végétales et animales, il a fallu mettre au point des techniques complexes dont la chimie s’explique facilement aujourd’hui, mais qui furent pendant longtemps des secrets de quelques « maîtres teinturiers » : choix de l’eau d’alun, macérations, fermentations, mordançage…
Si le règne animal offre d’excellents rouges, le murex en Méditerranée et la cochenille de l’opuntia en Amérique, ce sont les végétaux qui ont été la source majeure des colorants naturels.
Ainsi, les trois couleurs nobles en occident, ont été fournies par trois plantes. Le rouge par la garance, Rubia tinctorum. Le bleu avec le pastel et l’indigo et le jaune avec le réséda, Reseda luteola. La découverte des Amériques bouleversa l’économie florissante des plantes tinctoriales dans le domaine des rouges et noirs.
Comme pour les textiles, la révolution industrielle et les progrès de la chimie organique de synthèse ont porté un coup quasi fatal aux colorants naturels.