Diagnostic de la qualité des sols

Patrice CannavoSylvain Charpentier

Diagnostiquer la qualité du sol que l’on souhaite végétaliser, revient à évaluer la fertilité de celui-ci. On parle d’ailleurs de fertilités du sol puisqu’elles regroupent la fertilité physique, chimique et biologique. Elles sont fondées sur les constituants du sol (matière minérale et organique) et la manière dont ils s’organisent (agrégation). Les fertilités dans le système sol-plante fournissent des indicateurs agronomiques permettant d’évaluer la capacité du sol à subvenir aux besoins en eau et en éléments minéraux de la plante.

La fertilité physique, chimique et biologique est fondée sur les constituants du sol en quantité très variable comme le montre ce profil d’une terre agricole sur roche mère crayeuse - © J.-F. Coffin
La fertilité physique, chimique et biologique est fondée sur les constituants du sol en quantité très variable comme le montre ce profil d’une terre agricole sur roche mère crayeuse – © J.-F. Coffin

La fertilité physique du sol est essentiellement évaluée à travers la biodisponibilité en eau et en air du sol. L’eau dans le sol se répartit entre la microporosité, qui stocke l’eau et qui est également appelée réserve utile, et la macroporosité, où l’eau s’écoule de manière gravitaire (drainage). La macroporosité est également le lieu des échanges gazeux contribuant à l’aération du sol et à l’alimentation des racines en oxygène. La coexistence de ces deux porosités est donc essentielle pour l’alimentation en eau et en air des végétaux. La macroporosité du sol, doit être d’au moins 10 % pour satisfaire les besoins en air de la plante. La réserve utile des sols est dépendante de leur texture. Sur la base d’un sol de 1 m de profondeur, la réserve utile du sol varie de 70 mm d’eau (ou 70 litres d’eau par m2 de sol) pour un sol sableux à près de 200 mm pour un sol limono-argileux (Tableau 1). Cette réserve ne peut toutefois pas être utilisée dans sa totalité sans mettre la culture en danger et un arrosage devra être lancé quand la moitié (sols sableux) ou les deux tiers (sols argileux) de son volume auront été consommés (notion de réserve facilement utilisable[1]).

Des facteurs déterminants pour la fertilité nutritive d’un sol 

La fertilité chimique du sol ou encore la fertilité nutritive peut se décliner à partir de la notion de biodisponibilité appliquée aux éléments nutritifs. On les sépare en deux groupes : les macro-éléments ou éléments structuraux (N, P, S, Ca, Mg, K[2]) et les oligo-éléments ou éléments mineurs (Fe, Mn, Cu, Zn, B[3], …). La disponibilité en macro-éléments est liée à deux processus : la libération à partir de la minéralisation de la Matière Organique (MO) (fournitures en N, P, S) et le déstockage à partir de la capacité d’échange cationique[4] (fourniture en Ca, Mg, K et un peu P). Trois grands facteurs sont donc déterminants pour la fertilité nutritive d’un sol :

  • Le taux de matières organiques,
  • Son pH et la relation au taux de saturation de sa capacité d’échange cationique,
  • Le stock d’éléments nutritifs ss (K2O, MgO, CaO, P2O5 [5],..)

Les valeurs souhaitables sont : environ 15-30 g/kg de MO (fonction du taux d’argile), un pH voisin de 6-7, et des teneurs en MgO, K2O, P2O5 (autour de 0,2g/kg). De grandes disparités sont observées. Ainsi, les jardins anciens qui ont été « bichonnés », voire sur-fertilisés depuis des générations, présentent souvent des teneurs en MO et en P2O5 très élevées (des dizaines d’années de réserves). Les jardins récents, lotissements souvent construits sur d’anciennes terres agricoles sont souvent pauvres en MO, et les autres teneurs MgO, K2O, P2O5 dépendent de l’historique.

Des millions d’êtres vivants

La fertilité biologique du sol repose sur la diversité et l’équilibre des êtres vivants du sol. La faune du sol ne représente que 0,08 % de la masse du sol et, pourtant, elle est vitale car c’est elle qui décompose la matière organique et régule la biodisponibilité des éléments nutritifs, mais aussi la biodisponibilité en eau (indirectement via l’agrégation du sol). Parmi les êtres vivants du sol, on retrouve les bactéries et actinomycètes (environ 40 % en masse des êtres vivants), les champignons et algues (environ 30 %), les vers de terre (environ 20 %), les protozoaires et nématodes (environ 5 %) et autres animaux. Ainsi, la faune du sol, c’est des centaines d’espèces, des millions d’individus et des tonnes par hectare. Rien que dans un gramme de sol naturel, on dénombre entre 100 millions et 1 milliard de bactéries, 1 à 3 mètres de mycéliums de champignons, quelques millions de protozoaires, 1 000 à 2 000 nématodes, jusqu’à 100 arthropodes et 5 oligochètes. Chaque être vivant dans le sol a une fonction spécifique, ce qui explique l’importance de leur biodiversité. Les vers de terre[6] (anéciques, épigés ou endogés) décomposent et fragmentent les litières, ils brassent la matière organique et la matière minérale et contribuent à la formation des agrégats. A l’autre bout de la chaîne, les bactéries et champignons assurent la minéralisation de la matière organique et donc la fourniture en éléments nutritifs. Cette biodiversité est préservée à condition de limiter le travail du sol (le retournement tue les vers de terre), de faire régulièrement des amendements organiques, mais également en privilégiant la rotation des cultures.

Plus de 50 paramètres analysables 

Lorsqu’on cherche à analyser la fertilité d’un sol, le nombre d’éléments d’analyse d’ordre physique, chimique et biologique est important. Il n’existe pas moins de 50 paramètres analysables ! Mais on se demande souvent s’il existe des paramètres clés ? Un premier élément de réponse peut être trouvé chez les spécialistes du sol. Le Réseau Mixte Technologique (RMT) « Sol et Territoire » a publié en 2009 les principaux paramètres descriptifs des sols naturels et cultivés, classés selon leur fréquence d’usage. Ceux dont la fréquence d’usage est supérieure à 50 % sont : le pH, le calcaire total, la densité apparente, la texture, la réserve utile, le taux de matières organiques, la teneur en cailloux et la profondeur. Ce sont également ceux qui sont les plus étudiés dans les sols urbains. Il s’agit donc de paramètres liés à la fertilité physique du sol et un peu à la fertilité chimique. En effet, ils sont relativement simples à mesurer. Mais si un seul paramètre physique du sol pose problème, il sera le facteur limitant de la fertilité globale du sol. La densité apparente du sol est le paramètre physique sur lequel il faut porter le plus d’attention car il traduit le phénomène de tassement du sol. Un sol trop tassé voit sa porosité globale diminuer et notamment sa capacité d’aération. Ce phénomène s’exprime particulièrement dans les sols urbains soumis aux fortes activités anthropiques telles que la circulation d’engins et le piétinement. Si la fertilité physique est acceptable, les points de vigilance doivent se tourner vers la fertilité chimique du sol et plus précisément le pH et le taux de matières organiques.

Tableau 1 : valeur de réserve utile en fonction de la texture du sol

Texture Réserve Utile

(mm d’eau par cm de sol)

Sableux 0.7
Sablo-limoneux 1
Sablo-argileux 1
Limono-sableux 1.45
Limono-argilo-sableux 1.75
Limoneux 1.3
Limono-argileux 1.95
Argilo-sableux 1.7
Argileux 1.75
Argilo-limoneux 1.8

[1] Pour estimer le nombre de jours où une telle situation se produit, il faut connaitre la quantité d’eau que le sol évapore et que la plante consomme chaque jour (évapotranspiration). En période estivale, où il pleut moins souvent, on peut estimer l’évapotranspiration comme égale à environ 5 mm par jour. Ainsi, si par exemple on a une plante qui s’enracine sur 50 cm de profondeur dans un sol sableux, la réserve en eau du sol sera de 35 mm et la réserve facilement utilisable sera de moitié (17.5 mm). L’autonomie en eau du sol (sans jours de pluie) sera alors de 3-4 jours.

[2] N : azote, P : phosphore, S : soufre, Ca : calcium, Mg, magnésium, K : potassium

[3] Fe : fer, Mn : manganèse, Cu : cuivre, Zn : zinc, B : bore

[4] Quantité de cations que le sol peut retenir sur la surface des constituants minéraux et organiques des sols

[5] K2O : oxyde de potassium, MgO : oxyde de magnésium, CaO : oxyde de calcium, P2O: pentoxyde de phosphore

[6] Voir l’article sur les vers de terre dans ce dossier

 

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