Développer les liens entre la SHNF et Plante & Cité
Créé en 2006 et parrainé par l’Association des maires de France, Plante & Cité est un centre national d’études et de recherche spécialisé sur les espaces verts et la nature en ville. Cette association assure le transfert des connaissances scientifiques vers les professionnels des entreprises et des collectivités territoriales.
Si des numéros de Jardins de France ont pu être enrichis par des contributions rédactionnelles régulières d’experts de Plante & Cité, nous avons souhaité ici mettre en lumière la directrice de cet organisme important, Caroline Gutleben, qui a participé à sa construction et qui en est la responsable depuis dix ans, avec beaucoup de qualités et de compétences. L’occasion de marquer cet anniversaire, autour d’un échange sur le rôle de l’horticulture ornementale au sein des collectivités territoriales.
Quel est votre parcours ? Comment devient-on directrice de Plante & Cité ?
Mon parcours professionnel est le fruit de rencontres heureuses, en particulier avec François Colson. Alors directeur de l’Institut national d’horticulture, il a pris l’initiative de la création de Plante & Cité avec le soutien des professionnels des collectivités et des entreprises. Il a entendu ma motivation pour ce projet et m’a donné la chance de participer à sa préfiguration. D’abord chargée de mission, mes compétences d’ingénieure en horticulture spécialisée en protection des végétaux ont été utiles aux premiers travaux concernant le « zéro phyto » au sein des collectivités territoriales, dans le contexte du Grenelle de l’Environnement.
Par ailleurs, j’ai assuré très tôt la coordination et la gestion de l’association avec l’appui des administrateurs. Je suis devenue directrice en 2014 après qu’a été prise la décision d’une direction salariée pour piloter le travail d’une belle équipe en croissance et pour renforcer notre capacité de représentation institutionnelle.
Plante & Cité produit des ressources qui répondent aux attentes prioritaires des professionnels. Quels sont les réflexions et travaux en cours ?
Chaque année, nous réunissons nos adhérents pour identifier et prioriser leurs attentes, qu’elles portent sur des sujets d’actualité ou des signaux émergents. Force est de constater que la source des idées ne s’est jamais tarie, tant les sujets sont nombreux, influencés par les attentes sociétales et les crises environnementales que nous vivons.
Sur le choix des végétaux en contexte de changement climatique, quelles essences choisir ? Quelles conditions de sol et de plantation recommander pour assurer leur maintien dans le temps et favoriser les fonctions écosystémiques et les services culturels que le végétal nous apporte ? Plusieurs programmes d’études se rapportent à ces sujets : AMARES sur l’observatoire de la mortalité des arbres urbains, POME sur le développement des paysages fruitiers, AVEC sur l’adaptation du végétal au climat de demain, IRRIG sur les modalités d’arrosage pour une gestion économe de l’eau dans les aménagements végétalisés. Les premiers résultats seront livrés dans les prochains mois.
S’agissant de la prise en compte de la biodiversité, l’enjeu est de concevoir et de gérer les espaces de nature pour qu’ils constituent de véritables trames écologiques fonctionnelles. Comment favoriser ces espaces dès la planification urbaine ? Comment favoriser la trame brune et les plantations de pleine terre ? Là aussi, nous avons conduit plusieurs études : PLAN sur les outils de la planification urbaine pour renforcer la place du végétal, et DESSERT avec des partenaires scientifiques sur la désimperméabilisation des sols. En particulier, la question des trames a suscité le lancement de nouveaux travaux, comme BROWNIES sur les trames brunes ou N’OUPS sur les noues végétalisées.
Face à ces enjeux, quelle place l’horticulture peut-elle avoir, quand l’écologie semble avoir pris le pas sur beaucoup de ces sujets ? Est-il possible de concilier ces deux domaines ?
Ces disciplines ne s’opposent pourtant pas sur un plan scientifique. Un peu d’étymologie permet de démystifier le sujet.
Le terme d’écologie est apparu en 1866 sous la plume du biologiste Ernst Haeckel. Il désigne l’étude des habitats naturels, des écosystèmes et de leurs êtres vivants. L’écologie s’enrichit auprès de toutes les disciplines scientifiques liées à la biologie, comme la climatologie, l’éthologie, la génétique ou les sciences des paysages.
S’agissant de l’horticulture, le vicomte Héricart de Thury, président de la Société d’horticulture de Paris, définissait ce terme introduit en français en 1924 comme la science des jardins. C’est à la fois une discipline portant sur la connaissance pratique de l’art de cultiver les plantes mais aussi sur la connaissance théorique des caractéristiques du végétal et des lois qui gouvernent leur développement sous l’influence du sol, de la chaleur, de l’exposition1…
Là où l’écologie étudie les organismes vivants, leurs interactions et leurs habitats, l’horticulture utilise les connaissances sur les phénomènes régissant le développement des végétaux pour les multiplier et les cultiver. En ville, les espaces de nature peuvent être spontanés, aménagés ou entièrement créés, mais ils sont toujours sous l’influence des activités humaines.
Ces deux disciplines sont comme les faces d’une même pièce, reliant la connaissance du fonctionnement du vivant avec les savoir-faire nécessaires pour répondre aux attentes sociétales. Les associer en milieu urbanisé est le meilleur moyen de tenir compte des contraintes urbaines tout en favorisant des espaces de nature pérennes et fonctionnels sur un plan écologique.
Qu’est-ce qui peut expliquer cette forme « d’hortibashing », soit le dénigrement de l’horticulture ?
D’abord, l’écologie n’est pas seulement une discipline scientifique. C’est aussi une idée politique (bien avant qu’elle ne devienne un mouvement politique) qui s’est construite en réaction aux pollutions et multiples dégradations de la nature, pour revendiquer la protection du vivant.
Or, les espaces verts en ville n’ont pas toujours été synonymes de vertu sur le plan environnemental. Dans les années 1970, le végétal constituait le décorum pour mettre en valeur les espaces et bâtiments publics. De cette vision équipementière ont alors résulté, dans certains espaces urbains, des aménagements paysagers très entretenus, des gammes végétales peu diversifiées, et un fleurissement intensif et exigeant. Cette végétalisation était aussi guidée par l’idée qu’on pouvait se défaire de toute contingence grâce aux progrès agronomiques et techniques : apports d’engrais sur des sols pauvres, arrosage systématique des végétaux hors-sol ou dans les périodes de sécheresse, application de pesticides pour lutter contre les maladies et ravageurs…
Bien sûr, l’entretien des espaces végétalisés a très largement évolué vers plus de sobriété et de diversité, avec une réelle prise en compte des effets sur l’environnement, mais la représentation des végétaux dits « horticoles » reste encore associée à des pratiques de gestion intensive et orientées vers des finalités strictement ornementales.
Le concept d’horticulture environnementale serait donc pour vous la bonne approche ?
Ce concept est déjà largement utilisé à l’étranger. La Royal Horticultural Society dispose d’ailleurs d’une équipe de recherche en horticulture environnementale. Les travaux visent d’une part à réduire l’empreinte environnementale des pratiques de conception et de gestion du végétal en ville, d’autre part à développer les services écosystémiques de régulation et de support, mais aussi culturels.
Il me semble que cette expression offre une ouverture intéressante pour développer de nouvelles représentations de ce que l’horticulture, en tant que discipline scientifique, peut apporter sur les sujets de durabilité et d’écologie.
Quels liens pourrait-on développer entre la SNHF et Plante & Cité ?
Les espaces verts publics ne constituent pas les seuls leviers pour agir dans un contexte de transition écologique. Il faut rappeler l’importance des jardins privés pour accueillir la biodiversité, influer sur le microclimat urbain, décharger les réseaux des eaux pluviales… À ce titre, les résultats des études que mène Plante & Cité doivent « percoler » jusqu’aux habitants. La SNHF, par son réseau et son histoire, a la capacité d’assurer ce relais vers les jardiniers amateurs.
Sur le plan documentaire, nous avons déjà une collaboration bien ancrée, grâce au vivier d’expertises et de ressources de la SNHF. Ce lien, à travers le réseau Hortidoc2, est précieux pour mutualiser nos efforts et proposer un portail d’informations centralisant les outils et ressources documentaires utiles aux acteurs de toute la filière.
Propos recueillis par Jean-Pierre Gueneau
Membre du comité de rédaction de Jardins de France
1 Oghina-Pavie Cristiana, « Horticulture et physiologie végétale au début du XIXe siècle : un espace de savoir partagé », Bulletin d’histoire et d’épistémologie des sciences de la vie, 2011/2 (Volume 18), p. 113-129. DOI : 10.3917/bhesv.182.0113.
URL : https://www.cairn.info/ revue-bulletin-d-histoire-et-d-epistemologie-des-sciences-de-la-vie-2011-2-page-113.htm
2 https://www.hortidoc.fr