Des Vosgiens passionnés en reconversion verte

Ils étaient chercheur, paysagiste, enseignant, historienne ou simplement en recherche d’emploi.
Ils ont trouvé dans l’environnement de leur département des Vosges une nouvelle dimension professionnelle, qui leur permet de répondre à leur passion de la nature.

Créateurs et animateurs de nouveaux lieux de rencontres et d’échanges, de jardins pas comme les autres, de productions locales de qualité, voici les portraits de quelques-uns de ces Vosgiens passionnés, qui, au-delà de leur reconversion, veulent également transmettre leur savoir et partager leurs connaissances.

Pour Antoine Daval, son président, La Vigotte Lab est un lieu d’expérimentation et de recherche © M.-H. Rocher-Loaëc

La Vigotte, un tiers-lieu au cœur de la forêt

Un tiers-lieu est un espace de compétence qui réunit des collectifs de citoyens engagés pour leur territoire, d’après le site dédié (https://francetierslieux.fr). C’est comme cela que se définit la Vigotte, site atypique du Girmont-Val-d’Ajol, en moyenne montagne des Vosges, espace rural d’échange, de réflexion et de partage autour de la transition écologique.
Antoine Daval, qui était chercheur spécialisé dans l’amélioration des territoires, préside désormais l’association La Vigotte Lab, dont il a été en 2021 l’un des quatre cofondateurs, pour développer des activités de recherche, de formation et de mobilisation citoyenne. L’ensemble occupe un espace de trente hectares de forêts, étangs, milieux naturels sensibles et prairies au cœur du Parc naturel des Ballons des Vosges. On y croise des scientifiques en résidence, qui étudient l’adaptation du milieu naturel au changement climatique, des randonneurs en escale à l’auberge, mais aussi des yogistes amateurs en stage d’introspection, ou une compagnie de théâtre en répétition. C’est un endroit hors-norme, qui se réinvente à chaque saison en fonction des besoins, des envies et des opportunités de ses visiteurs. Exemple de cette diversité, un parcours sonore y a été mis en place en 2023, autour des cycles de l’eau et de la forêt. Et une herboriste professionnelle s’y approvisionne en plantes locales.

Un créateur d’hôtels à insectes et refuges de biodiversité Sébastien

Levret était enseignant en écologie avant de se consacrer entièrement, en 2020, à sa passion en lançant la société et la marque déposée Jardinage entomologique, en lisière de la forêt au Val-d’Ajol. Une nouvelle étape de vie pour ce précurseur, qui a créé en 2008 les premiers « hôtels » à insectes destinés aux particuliers, entreprises et collectivités, lauréat en 2019 du Prix Audace, lancé par la Fondation Le Roch-Les Mousquetaires et l’Union des auto-entrepreneurs. Les hôtels à insectes – une appellation qu’il a préférée à celle de meubles à insectes, trop connotée au mobilier urbain attirent certaines espèces, comme les osmies et autres abeilles sauvages, les mégachiles, les coccinelles, les chrysopes, les perce-oreilles, les bourdons, offrant dans leurs différents éléments des lieux d’hibernation et de ponte. Mais ce sont surtout des outils de médiation et de sensibilisation pour tous les publics, mettant en avant l’intérêt des insectes comme acteurs de la biodiversité. Ces hôtels, devenus très populaires, sont notamment bienvenus dans les villes, pauvres en habitats naturels pour les insectes. Sébastien conseille de les adosser de préférence à un mur, avec une orientation sud/sud-est, ou plein est dans un endroit ensoleillé.
Ces hôtels à insectes sont construits en bois local, sapin, épicéa, mélèze, dans un petit atelier de 130 m, modèles standards ou à la demande sur mesure. Ils ne génèrent aucun déchet, les rebuts étant tous réutilisés, le bois notamment pour le chauffage et les copeaux en litière pour animaux. Le lieu sert aussi de cadre pour de nombreuses animations afin de transmettre ce savoir-faire.

La Vigotte occupe un espace de trente hectares au coeur du Parc naturel des Ballons des Vosges © M.-H. Rocher-Loaëc

Les Jardins en Terrasses de Plombières-les-Bains

Les vertus curatives des eaux de Plombières-les-Bains sont connues depuis l’Antiquité. Mais cette cité nichée au creux d’une vallée gère également un lieu emblématique : ses jardins en terrasses qui dominent la ville. Autrefois cultivés par les religieuses d’un hospice, puis laissés à l’abandon, ils ont aujourd’hui retrouvé toute leur fertilité grâce à une association de réinsertion socioprofessionnelle. Pour leurs visiteurs, c’est à la fois un lieu de vie, de détente et de découvertes, proposant de nombreuses animations sportives et culturelles tout au long de l’année. Mais c’est aussi un lieu de convivialité et de réinsertion, toutes les activités étant organisées dans le cadre de l’économie sociale et solidaire (ESS).
L’association Les Jardins en Terrasses, présidée aujourd’hui par Marie-Lise David, et dont l’ancien président cofondateur Philippe Hognon est toujours l’un des animateurs, accompagne des personnes en difficulté et leur permet un retour à l’emploi, avec une quinzaine de salariés en contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI). Elle mène par ailleurs des actions de sensibilisation à l’environnement et œuvre pour la réhabilitation de techniques oubliées. Des murs en pierre sèche ont ainsi été remontés pour soutenir les terrasses, témoins d’un savoir-faire traditionnel. L’objectif est aussi culturel, avec des animations, des expositions d’artistes locaux, des espaces de rencontre et des moments conviviaux. Ces jardins sont notamment une étape de la Route des Chalots, itinéraire touristique de découverte patrimoniale de ces petites dépendances qui servaient de stockage pour les fermes.

L’auberge et les maisons individuelles de La Vigotte accueillent les visiteurs pour une journée, une nuit ou quelques mois © M.-H. Rocher-Loaëc

Travailler avec les abeilles

Après quinze ans comme salarié dans une entreprise de paysage, Jonathan Lyonnet a choisi une nouvelle carrière qui lui permette de vivre de sa passion pour les abeilles. Brevet professionnel de Responsable d’entreprise agricole en poche, il a créé en 2022 sa société Le Rucher de Launot au cœur du Val-d’Ajol.
Ses 300 ruches, qu’il transporte sur les départements des Vosges et de la Haute-Saône, lui permettent de produire plusieurs miellées différentes. Il les déplace en plaine pour l’hiver, pour des miels de printemps, de colza ou encore d’acacia, puis les transhume en zones de montagne pour produire des miels foncés, de montagne et de sapin. Un itinéraire technique qu’il adapte en fonction de ses envies et de la demande. Des prélèvements annuels sur son miel de sapin lui permettent, en fonction des analyses, de le commercialiser en AOP (Appellation d’origine protégée). Et pour compléter cette offre, le Rucher de Launot propose également des produits dérivés, comme des vinaigres de miels, des bonbons et de l’hydromel. Travailler avec des abeilles est toujours aléatoire, reconnaît-il, mais riche de surprises et d’imprévus.

Inventeur du premier hôtel à insectes en 2008, Sébastien Levret a monté sa propre entreprise © Snezana Gerbault
Vente en direct au Rucher de Jaunot de miels variés et de produits dérivés © OT Remiremont-Plombières

Une Figue dans le Poirier, un espace collaboratif associatif

Esthétique et pédagogique, Une Figue dans le Poirier est un jardin-forêt créé en 2015 au Girmont-Val-d’Ajol par un couple de passionnés : Marjolaine Thouvenot était géohistorienne de l’art, ancienne chargée de mission pour l’Unesco et médiatrice culturelle. Lilian Didier est, lui, jardinier-paysagiste, mais aussi forgeron-taillandier et artiste plasticien, autant de compétences qui lui servent bien ici.
Ils ont choisi d’aménager ce nouvel espace de vie à ciel ouvert pour apprendre et transmettre. Ce jar-din d’un hectare occupe un emplacement autre-fois partagé entre une pâture de poneys et une production de sapins de Noël. Géré en permaculture, il a été imaginé pour répondre aux besoins nourriciers, mais également matériels et immatériels, comme la transmission des savoirs, l’accès à la culture pour tous et la favorisation du lien social. L’ambition de leur association, loi de 1901 reconnue d’intérêt général et collectif de citoyens, est d’éduquer l’œil, de sensibiliser au paysage, de porter des valeurs culturelles et artistiques fortes. Mélangeant agrément et écologie, le jardin réunit plus de 1 500 végétaux provenant des cinq continents soigneusement sélectionnés avec les pépiniéristes pour s’adapter à ses conditions climatiques : 640 mètres d’altitude et une température qui peut passer au fil des saisons de -20 °C à +40 °C. Avec ses collections botaniques, son potager et a forêt comestible, ses ambiances, anglaise ou japonisante, sa serre et sa forge, son salon de thé et sa boutique, Une Figue dans le Poirier souhaite apporter une nouvelle dynamique à ses visiteurs autour d’un riche programme d’animations.
Une dynamique associative participative, à vocations vivrière, environnementale, culturelle, artistique et sociale, en un mot « permaculturelle », estiment ses concepteurs.

Marie-Hélène Rocher-Loaëc
Journaliste horticole, membre du comité de rédaction de Jardins de France
https://lavigotte.fr
www.hotels-a-insectes.fr
https://jardinsenterrasses.fr
www.le-rucher-de-launot.fr
www.unefiguedanslepoirier.fr