Des Ombellifères pour le plaisir des yeux
Au jardin d’ornement, plusieurs Apiacées peuvent figurer en bonne place, même si, pour en dénicher certaines, il faut produire quelque effort. Elles peuvent, d’une part, apporter des parfums souvent anisés et musqués. D’autre part, leur silhouette le plus souvent spectaculaire et structurante donne beaucoup d’allure au jardin et aux bouquets de fleurs. Enfin, toutes sont très mellifères, pour la joie de nombreux insectes.
L’effet dense ou volumineux de certaines Apiacées
La podagraire panachée (Aegopodium podagraria variegata) forme des peuplements denses type couvre-sol et fait montre de ses feuilles tachées et bordées de crème. L’archangélique officinale (Angelica archangelica), plante volumineuse qui peut atteindre 3 mètres, remplacera avec bonheur la berce géante, désormais proscrite à cause de son caractère vésicant. La grande astrance (Astrantia major) avec ses fleurs serrées en ombelle compacte simulant une seule fleur, entourée de bractées allongées et colorées (blanches ou roses), est du plus bel effet. Les panicauts (Eryngium), à allure de chardons, offrent plusieurs espèces remarquables comme le panicaut bleu (E. planum) et ses multiples têtes florales bleu vif, le panicaut à feuilles de yucca (E. yuccifolium) et le panicaut à feuilles d’agave (E. agavifolium), étonnants par leurs grandes rosettes de feuilles étroitement allongées bordées d’épines et leurs inflorescences portant de robustes faux capitules.
Les Ombellifères annuelles
Parmi les annuelles, on peut employer l’herbe-au-cure-dent (Visnaga daucoides) au feuillage finement découpé et ses ombelles blanches arrondies en dôme (faire attention aux risques d’allergies cutanées), tout comme l’orlaya à grandes fleurs (Orlaya grandiflora) aux ombelles blanc pur bordées de grands pétales périphériques bifides, très attractifs. On pourrait ajouter à cette gamme le peucédan d’Alsace (Xanthoselinum alsaticum), pour sa haute stature et ses multiples ombelles jaunes formant pyramide, ou l’équivalent sous climat méditerranéen, la férule commune (Ferula communis) au feuillage capillaire et aux fleurs jaune vif. Le grand boucage à fleurs roses (Pimpinella major var. rubra) est une belle vivace vigoureuse, très élégante, supportant bien la mi-ombre.
Au jardin : semer ou planter
Ces différentes plantes peuvent se trouver sous forme de semences ou de plants.
Certaines espèces ont fait l’objet de sélection pour les rendre encore plus attractives comme la variété d’Eryngium ’Big Blue’, qui est issue d’un croisement entre l’E. alpinum et l’E. bourgatii.
Elles sont considérées par les horticulteurs de métier comme l’un des « chardons » bleus les plus décoratifs. Il existe différentes variétés ornementales d’Astrantia major.
Selon les espèces, les semis s’avèrent très faciles à délicats. Les graines de la famille des Apiacées sont souvent dormantes au moment de la « maturité-récolte », autrement dit, au moment de leur dispersion.
La dormance s’exprime à travers plusieurs mécanismes : une dormance morphologique, par exemple, des embryons immatures qui ont besoin de temps pour se développer avant que la graine puisse commencer à germer, ou encore une dormance de type physiologique.
Différentes combinaisons et durées de stratification chaude et froide peuvent être nécessaires en fonction des espèces considérées. Les Eryngium alpinum, par exemple, demandent un traitement de vernalisation à 15 °C et une période de semis se situant plutôt entre août et novembre. Pour Angelica archangelica, il est possible de mettre les graines une semaine au congélateur. Selon les espèces, la durée de germination peut être longue et excéder quarante jours. Souvent les Apiacées sont assez peu exigeantes pour la nature du sol. Il faut cependant généralement les éviter trop argileux et tenir compte des conditions d’exposition, qui vont de plein soleil à l’ombre. Attention, certaines de ces espèces peuvent devenir envahissantes.
Jean-Pierre Reduron
Ingénieur horticole, botaniste, fondateur du Conservatoire botanique de Mulhouse, spécialiste des Apiacées
François Villeneuve
Ingénieur honoraire du CTIFL, membre du Comité de rédaction de Jardins de France