Dégustez mes plantes sauvages préférées
Isabelle Chailan
Originaire du sud de la France, j’ai quitté le littoral méditerranéen et ses parfums iodés pour les sommets de la Savoie et ses bons fromages. Changement de décor radical ! Lorsque la neige fond et que les plantes si patientes se réveillent enfin, la nature redevient un lieu de glanage à nul autre pareil et pas seulement pour les animaux que l’on croise à flanc de falaise. Puis, en 2008, je n’ai pas pu résister à l’appel du large. Depuis bientôt dix ans, j’ai donc la chance de vivre sur une petite île de l’Atlantique où, grâce à mon activité professionnelle, je suis amenée à me balader à bicyclette ou à marcher à pied. J’adore arpenter le sentier des douaniers, longer la côte sauvage le nez au vent à prendre un bon bol d’air.
Nombrils de Vénus
Quand on se balade avec moi, on s’arrête à peu près tous les trois mètres. Avec le temps, en ce qui me concerne de longs mois pour ne pas dire années, mon regard s’est aiguisé. Je suis à l’affût de ce que la nature nous propose au fil des saisons. A peine sortie du jardin, sur un petit muret, ce sont des nombrils de vénus qui attirent mon oeil. Les jeunes feuilles croquantes sont parfaites pour faire un « lit de salade » original, idéal pour servir un pain de poisson, des rouleaux de printemps…
Et pour ceux qui maîtrisent la préparation des rouleaux, on peut remplacer la salade par des feuilles d’ombilic de différentes tailles. Vous obtiendrez un rouleau à pois. Un peu plus loin, j’aperçois du maceron ! On peut tout consommer de cette ombellifère qui était autrefois cultivée.
Les jeunes tiges, bien tendres, sont excellentes avec une vinaigrette après avoir été blanchies quelques minutes ou bien encore dans une omelette à laquelle on aura ajouté une poignée de jeunes feuilles ciselées. Quant aux graines, elles peuvent être, une fois séchées, utilisées comme du poivre.
Avec une noisette de beurre salé
Lors de vos balades en bord de mer, vous avez certainement croisé les touffes de feuilles charnues de la perce-pierre ou fenouil marin ou criste marine qui se repèrent de loin… : crithmum maritimum, de la famille des ombellifères ou apiacées, au petit goût d’iode et de citron. Au printemps, les jeunes pousses relèveront vos salades.
On peut aussi les mettre en bocaux et les utiliser comme condiment au vinaigre (salicorne, bouton de pâquerette ou de capucine…).
Tiges et feuilles sont également délicieuses, servies avec une noisette de beurre salé.
Blanchir à l’eau une minute, puis passer rapidement à la poêle. Cette plante était utilisée par les marins, autrefois, (comme les pruneaux) pour un apport en vitamines lorsqu’ils partaient pour de long mois.
« Pêcher » la bette
Passons à la bette maritime. Elle est l’ancêtre de nombreux légumes de la famille de la betterave ou des cardes. J’en ai longtemps mangé sans le savoir car elle est plutôt discrète dans une spécialité insulaire dont je raffole : le boudin blanc aux pruneaux (entrée froide qui est servie à Pâques, début de la période de récolte de la bette). Avec le climat doux dont l’île profite, on arrive à « pêcher » la bette presque toute l’année.
Elle se consomme crue ou cuite selon votre goût.
Une sauvage idéale
A chaque retour de balade, je tombe immanquablement sur de la roquette sauvage et j’en profite toujours pour déguster une ou deux petites fleurs. Cette sauvage est idéale pour composer un mesclun original. Le mesclun, originaire du pays niçois, est composé de sept variétés de plantes.
Celui que je vous propose en contient 6. J’aime bien ajouter . la roquette : plantain, pissenlit, pâquerette, achillée, mauve et, pour la touche de couleur, quelques fleurs (roquette, pâquerette, pissenlit…)
Goûter la nature avec modération
Adepte de cueillette sauvage, je pêche aussi des jeunes pousses de pruneliers (6 à 8 cm de tiges encore rouges) pour réaliser de la « trouspinette » (apéritif typique de Vendée), des mûres et des baies d’églantier pour les confitures, des fleurs de sureau pour de délicieux beignets, de mauves ou de coquelicots à transformer en sirop.
On importe beaucoup de variétés en oubliant ce qui pousse naturellement chez nous. La nature est un véritable garde-manger pour celui qui sait regarder le sentier et s’y repérer.
Mais attention, il faut garder en tête qu’on ne doit récolter que les plantes qu’on connaît vraiment et en quantités modérées pour ne pas risquer d’en dépeupler les stations.