La décoration végétale des immeubles
Qui flâne dans Paris ou dans certaines villes de province et admire les façades des immeubles ne peut manquer de remarquer la place que le végétal occupe dans leur décoration.
Lorsque le préfet Haussmann est appelé à Paris en juin 1853 par le duc de Persigny, ministre de l’Intérieur, c’est pour appliquer la politique de renouvellement urbain voulu par l’empereur Napoléon III. Le préfet Berger n’a pas été assez performant, faute, sans doute, d’avoir su mettre en place un système de financement efficace et novateur.
Naissance d’un nouveau Paris sous Haussmann
Cette seconde phase d’aménagement est surtout réalisée après 1870 par la IIIe République qui, peut-être sous l’influence d’Alphand, laisse aux architectes une plus grande liberté, en particulier dans la décoration des façades. On trouve ainsi des quartiers entiers où les immeubles s’ornent d’opulentes sculptures très conformes à l’esthétique des expositions universelles de 1878, et surtout de 1889. S’y mêlent des façades entièrement consacrées au végétal, voire à une plante précise.
Un ornement quasi total
En prenant son temps, le promeneur averti découvre ainsi d’incroyables planches d’herbier (Paris XIVe Marronnier, platane) où se succèdent clématites (rue du Moulin des Prés) ou anémones du Japon, fougères ou pavots, où, dans les années 1925, apparaît abondamment et avec une certaine hégémonie la rose (rue de Bellechasse), plante fétiche de l’Art déco (Vichy) et bientôt, du Front populaire. Ces gestes décoratifs, confiés à des sculpteurs spécialisés assez nombreux, semble-t-il, ornent d’une manière parfaitement cohérente portails, linteaux, frises, corniches, balcons (Avignon, Moulins), parfois dans leurs moindres détails. On trouvera dans le XVIe arrondissement de Paris, quelques témoignages de l’art décoratif « total » d’Hector Guimard, surtout connu par ses entrées du métropolitain.
Cette mode des décorations végétales, qui avait régné plus timidement au XVIIIe siècle dans les quartiers aisés des villes et surtout à travers des représentations de fruits (Besançon), semble avoir touché aussi certaines villes de province (Auxerre, tournesols). Mais c’est réellement Paris qui en offre le témoignage le plus divers et le plus complet. Deux exceptions notables, que l’on rencontre à peu près partout, font toutefois de l’ombre à cette hégémonie de la capitale : les piscines, termes et bains douches (Felletin) dont les céramiques, nouveau matériau très typique du XXe siècle, s’ornent très généralement de plantes aquatiques, sagittaires et nymphéas principalement (Vichy, thermes des Dômes), et les Caisses d’Épargne (Aubusson, Nevers), qui affichent parfois un lien de bon aloi avec une ruralité encore proche. Enfin, quelques édifices cultuels adoptent le végétal comme principal accompagnement architectural (Briare).
Lorsque vous flânerez en ville, ne soyez plus étonné de découvrir des plantes partout. Il s’agit encore d’un témoignage de cette fameuse tendance horticole qui a tant marqué les deux derniers siècles et qui fait durablement partie de notre culture.
Daniel Lejeune
Administrateur en charge de la bibliothèque de la SNHF.