Décoration florale : Fleurs coupées issues de plantes bulbeuses
Qu’elles soient issues d’une production commerciale ou cueillies au jardin, les plantes bulbeuses occupent une place de choix dans la décoration florale. Quelles sont les précautions à suivre pour optimiser leur utilisation?
Les fleurs coupées issues de plantes bulbeuses utilisées dans la décoration florale ont deux provenances : elles peuvent être issues de production commerciale, ou cueillies dans son jardin. Dans le premier cas, les fleurs de bulbeuses de printemps (tulipe, narcisse, anémone, renoncule) sont accessibles en période hivernale et au début du printemps, bien avant celles de la saison dans nos jardins. D’autres genres et espèces, au contraire, sont sur le marché à leur période naturelle de floraison (glaïeul, eremurus). Enfin, les lys, iris bulbeux, alstrœmère, freesia, ornithogale… sont commercialisés tout au long de l’année, mais leur culture parfois forcée et leur cueillette à un stade trop prématuré entraînent un risque d’épanouissement et de tenue médiocres.
Utilisation des inflorescences en grappe
En général, les inflorescences en grappe, en thyrse, doivent être récoltées avec le quart des fleurons déjà épanouis (freesia, eremurus, crocosmia, tubéreuse, liatris, ornithogale en thyrse). Voici quelques précautions et conseils pour leur utilisation.
• Agapanthe (Agapanthus umbellatus): inflorescence en bouquet. Les tiges de grande taille peuvent être utilisées sans la fleur, symbolisant un jeu de lignes graphiques.
• Ail (Allium albopilosum + nombreuses autres espèces): l’odeur d’ail est particulière et désagréable. C’est l’écrasement des fibres de la tige qui la diffuse. Pour atténuer ce phénomène, il faut couper la tige avec un couteau bien aiguisé afin d’écraser les fibres le moins possible. Quelques gouttes d’eau de Javel par litre d’eau réduiront cette odeur prononcée.
• Alstromère (Alstroemeria aurantiaca): même bien fermés les fleurons s’éclateront. Ses coloris variés et sa longévité en fleur coupée, due à un épanouissement lent, en font une valeur sûre.
• Amaryllis (Hippeastrum hybride): belles variétés généralement à fleurs simples, parfois doubles. Il faut ligaturer la base des tiges pour éviter qu’elles ne s’éclatent dans le temps. Il est recommandé d’enrober un tuteur avec du papier absorbant pour un double rôle : d’une part le maintien mécanique de la tige creuse qui se plie souvent lorsque les fleurons s’épanouissent et deviennent lourds, d’autre part l’apport d’eau dans l’intérieur de la tige. Il est possible de créer des décorations originales en plaçant les fleurs la tête en bas, leurs tiges contenant un peu d’eau. Ils en vivent très bien.
• Anémone (Anemone coronaria): l’offre de production a bien progressé en termes de taille de fleurs et de meilleure tenue. Avant de l’utiliser à pleine eau, en bonne quantité, (pas de mousse de piquage), il faut fendre le bas de la tige avec un couteau bien aiguisé.
• Arum d’Éthiopie (Zantedeschia aethiopica): excellente fleur à couper. Son inflorescence au graphisme épuré et élégant a été souvent représentée dans l’Art Nouveau. Pour une meilleure conservation, pensez à fendre le bas de la tige sur 5 cm, à la plonger rapidement dans de l’eau bouillante puis dans un peu d’eau fraîche. Mettre peu d’eau au fond du vase, les tissus de sa tige en étant déjà gorgés.
• Calla: cousin de l’Arum d’Éthiopie, de taille plus réduite et à spathe coloré. Comme pour le précédent, utiliser très peu d’eau, les tiges risquant de pourrir rapidement. Une fois la tige hydratée, il est possible de l’utiliser sans eau, après avoir recouvert la coupe de colle froide de fleuriste.
• Cyclamen: nombreuses espèces dont C. persicum, le cyclamen des fleuristes. Là encore, il faut fendre le bas de la tige en deux et l’utiliser à pleine eau.
• Eremurus (Eremurus bungei): fleur ornementale spectaculaire. Certes, on n’osera pas couper celles dans son jardin. Prélevées en début d’éclatement des fleurons, elles peuvent durer environ trois semaines, en fleurs coupées, en pleine eau.
• Eucharis (Eucharis grandiflora): fleur blanche, délicate, odorante. Elle rappelle celle d’un narcisse blanc. À utiliser en pleine eau.
• Freesia (Freesia hybride): coloris très variés. Ces fleurs parfois doubles sont réputées pour leur parfum, même si le forçage de sa culture a pu l’affaiblir.
• Fritillaire impériale (Fritillaria impérialis): odeur musquée peu agréable. Vu les difficultés de culture, on préférera les conserver en décoration au jardin.
• Glaïeul (Glaïeul hybride), Colville (Glaïeul X colvillei) de forme plus petite : excellente fleur à couper dont les coloris sont extrêmement variés, elle présente des corolles simples, doubles, bicolores ou papilionacées. Sa hampe florale peut être morcelée pour réaliser de petites compositions. Pour obtenir son épanouissement complet, il faut éliminer son sommet sur environ 5 cm. Si un fleuron peine à s’ouvrir, on peut le forcer en pinçant son enveloppe entre le pouce et l’index puis en la repliant. Les belles feuilles peuvent être utilisées, pliées ou non, dans des compositions graphiques.
Utiliser les bulbes du jardin
Dans son jardin, pour profiter d’une production tout l’été, voire plus, il faut pratiquer des plantations échelonnées.
• Iris (Iris hybride), principalement l’iris de Hollande. Au moment de la cueillette, la fleur doit légèrement s’entrouvrir (être décollée). En bonne saison, on peut l’aider à s’ouvrir en dégageant délicatement les feuilles qui l’enserrent. Lorsque la tige se constitue de deux fleurs qui s’ouvrent l’une après l’autre, la première, une fois fanée, doit être supprimée pour aider le deuxième bouton à s’épanouir.
• Jacinthe de Hollande (Hyacinthus orientalis): pour celles commercialisées en période hivernale, le parfum symbolise l’horizon printanier. Après avoir raccourci légèrement le bas de la tige, passer la coupe à la flamme pour coaguler le liquide visqueux qui s’écoule, puis mettre à boire dans de l’eau fraîche.
• Jonquille (Narcissus jonquilla): il existe plus d’une dizaine de types de narcisses. Attention: dans une composition, il ne faut pas les associer à d’autres genres de fleurs, car leur sève laiteuse, en se diluant dans l’eau du vase, empoisonne les autres et les fait faner. Comme pour les jacinthes, on peut cautériser la plaie de coupe à la flamme. L’utilisation des fleurs s’effectue à pleine eau, de préférence.
• Liatris (Liatris spicata): très en vogue voici cinquante ans, il est tombé en désuétude. Son inflorescence, violette ou blanche, est originale car elle s’épanouit du haut vers le bas. Après la cueillette plongez le bas des tiges quelques secondes dans de l’eau bouillante, puis laissez-les boire dans de l’eau tiède, avant de réaliser la composition.
• Lis de Malabar (Gloriosa rothschildiana): il s’agit d’une plante liane, ce qui explique les courts pédoncules supportant les fleurs. Des morceaux de liane conviendront à une composition en cascade. Ils sont à placer en pleine eau.
• Lis ou lys (Lilium): nombreuses espèces et divers hybrides sont appelés communément « lys » (ou lis). C’est une fleur majestueuse, élégante. Le parfum capiteux du lys oriental enivre certains, incommode d’autres. La substance aromatique étant concentrée dans le pistil (organe féminin de reproduction), il suffit de supprimer celui-ci pour en atténuer l’effet olfactif. Le pollen porté par les étamines est une poudre colorante qui tache la surface mise en contact. Il est donc fortement conseillé de les supprimer dès qu’elles sont accessibles lorsque la fleur s’entrouvre. Si un accident de tache survient, ne mouillez surtout pas, brossez à sec, exposez longuement au soleil et… courez chez le teinturier!
• Nérine de Bowden (Nerine bowdenii): très bonne tenue en vase.
• Ornithogale d’Arabie (Ornithogalum arabicum), Ornithogale en thyrse (Ornithogalum thyrsoides), Ornithogale douteuse (Ornithogalum dubium): fleurs blanches sauf pour l’O. douteuse, de couleur orange. Elle offre une très longue durée en fleur coupée, à condition de mettre très peu d’eau dans le vase car elle présente un risque de pourriture rapide.
• Renoncule des fleuristes (Ranunculus asiaticus): des améliorations génétiques par clonage proposent, de nos jours, des tailles de fleurs et des coloris très attractifs. Elle a une bonne tenue comme fleur coupée, même dans de la mousse de piquage. Elle présente un souci mécanique : en fin d’épanouissement, sa tête alourdie fait parfois plier sa tige creuse. Pour y remédier, il suffit d’enfiler un fer à tiger afin de la maintenir.
• Tubéreuse (Polyanthes tuberosa): saison de fleurissement très courte. Il faut se méfier de son odeur, suave en petite quantité, insupportable à haute dose. Elle est donc à utiliser en milieu aéré.
• Tulipe: il existe de nombreux types de cette fleur printanière toujours très appréciée, présentant différentes formes, simple, double, pluriflore, frangée, fleur de lys, perroquet, fleur de pivoine, etc. Les tulipes demandent peu d’eau au fond du vase, au risque de les voir se recourber. L’eau froide ralentit leur épanouissement.
Petites astuces utilisées auparavant dans la confection de pièces de deuil: pour forcer la fleur à s’épanouir rapidement, on pique une fois à l’aide d’une épingle en traversant la tige juste sous la fleur. Au contraire, pour l’empêcher de s’éclater, on donne des petits coups d’épingle à la base des trois pétales extérieurs, la fleur continuera à prendre du volume mais ne s’ouvrira pas.
Bruno Lamberti
Président de la section Art floral de la SNHF