De re hortensi libellus, joyau perdu de la bibliothèque
Anne-Sophie Berthon
Si les trésors ne sont pas tous enterrés, ils sont souvent bien cachés. La Bibliothèque de la SNHF vient d’en découvrir un… dans ses propres rayonnages !
C’est en examinant de vieux ouvrages, susceptibles d’être numérisés avec le soutien financier de France Agrimer, que la Bibliothèque a déniché son dernier trésor, une édition de septembre 1548 de De re hortensi libellus de Carolus Stephanus, mieux connu sous le nom francisé de Charles Estienne. Cet opuscule était relié avec un autre ouvrage du même auteur et publié chez le même éditeur (pratique courante à l’époque, tant le prix d’une reliure était élevé), ce qui explique qu’il était passé inaperçu jusqu’ici. Bien qu’écrits par Estienne, fils d’imprimeur les textes ont été publiés chez Stephani, un confrère (l’édition originale de De re hortensi libellus avait bien été éditée chez Estienne en 1539). Ils ont été composés avec la célèbre police Garamond qui avait été créée pour l’imprimerie Estienne quelques années auparavant. La reliure, sans luxe, de notre exemplaire est un peu abîmée et semble dater de la fin du XVIe ou du début du XVIIe siècle. Il n’y a pas d’illustrations. L’ouvrage fut la propriété du botaniste et ancien président de l’Académie des Sciences Joseph Decaisne (1807-1882).
Charles Estienne (1504-1564), issu d’une famille d’imprimeurs renommés, embrassa la carrière de médecin et voyagea en Allemagne et en Italie. Nommé docteur Régent de la Faculté de médecine de Paris en 1542, c’est la recherche qui le passionne : il fit d’ailleurs plusieurs découvertes d’importance en ostéologie, neurologie et en physiologie. En 1550, il décida de reprendre la direction de l’imprimerie familiale et, très vite, obtint le titre d’imprimeur du roi. Il écrivit et publia un certain nombre d’ouvrages, tant de médecine que d’agronomie. Dans ce domaine, son plus gros succès fut Praedium rusticum, publié en 1554, et dont la version française s’intitule Agriculture et Maison rustique, éditée à titre posthume dès 1564. C’est une somme synthétisant tous les traités sur les jardins vivriers ou d’ornement publiés précédemmentpar Estienne. L’ouvrage remporta un énorme succès et fut régulièrement réédité et mis à jour jusqu’au XVIIIe siècle. Mais Estienne n’était pas un homme d’affaires. Il fut emprisonné pour dettes en 1561 et mourut dans une cellule du Grand Châtelet.
La découverte de ce petit trésor porte à 14 le nombre d’ouvrages du XVIe siècle conservés par la Bibliothèque de la SNHF. Qui sait quelle surprise nous y attend encore…
De re hortensi libellus (Rob. Stephani, 1545)
Seminarium et plantarium fructiferarum (Rob.Stephani, 1548)
L'Agriculture et maison rustique (Jan Martin, 1565)