De paille et de gazon…Venir à bout des adventices (1*)

Les couverts végétaux (paille ou de tonte de gazon) connaissent un retour en grâce, après avoir été abandonnés au profit des films plastiques. Le CTIFL a comparé leurs avantages et inconvénients, ainsi que leur efficacité et leurs conséquences agroécologiques.

Laitues avec paillage en paille de blé © CTIFL
Laitues avec paillage en paille de blé © CTIFL

Utiliser la paille de céréale pour couvrir le sol est une ancienne pratique de jardinier, à la fois pour éviter les salissures des parties consommées et pour limiter les adventices. N’oublions pas que fraise en anglais, se dit strawberry littéralement « baie de paille ». Avec l’arrivée des films plastiques, noirs transparents ou colorés dans les années 1960, cette pratique a été abandonnée tant en production que chez les jardiniers. Maintenant, la paille et autres  couverts végétaux font un retour en force. En effet, les films plastiques de paillage, utilisés à raison de 30 g/m² environ, présentent des inconvénients : recyclage difficile et coûteux en raison des salissures, subsistance de morceaux de plastique dans le sol à dégradation lente, engendrant des microparticules considérées comme polluants majeurs aussi bien pour la biodiversité que pour la santé humaine.

Le CTIFL a comparé divers matériaux végétaux et organiques, tant dans leur efficacité que dans les conséquences agroécologiques. Seuls sont présentés ici les résultats de divers mulchs et paillages végétaux ou organiques sur une culture de laitue, comparés au paillage plastique. (Travaux réalisés en Loire-Atlantique)

Efficacité sur l'enherbement
Efficacité sur l'enherbement

La tonte de gazon offre une bonne efficacité contre les adventices. Il en est de même avec la paille de blé, à condition toutefois qu’elle ne contienne pas d’épis qui donnent des repousses de blé (le cas de cet essai). Le BRF contenait ici des semences d’adventices. De ce fait la  production de laitues est affectée, la production de biomasse de laitues parées sur BRF et paille étant réduite par rapport aux paillages plastiques et papier. Elle est normale avec le gazon.

Figure n° 1 : Les résultats co-récolte sont concluants pour quatre stratégies alternatives de paillage
Figure n° 1 : Les résultats co-récolte sont concluants pour quatre stratégies alternatives de paillage

L’étude a porté également sur la vie du sol. En effet, plusieurs études soulignent les effets délétères des particules plastiques sur la capacité de rétention en eau des sols, pouvant engendrer des phénomènes d’anoxie. D’autres études rapportent que les microplastiques ont un impact sur le cycle du carbone et de l’azote et sur l’activité microbienne. Ils affectent également l’activité de la microflore et de la microfaune du sol: modification de la diversité et de l’abondance des organismes qui ingèrent ces microparticules. L’attention a donc été portée sur la mésofaune (2*) du sol. On a constaté que les mulchs d’une épaisseur suffisante (5 à 10 cm) agissent comme une couche isotherme à la surface du sol. Il est maintenu frais en journée et sa chaleur est conservée durant la nuit ; on a noté sous le paillage plastique des écarts jour/nuit de 14 °C, alors qu’ils n’étaient que de 7 à 9 °C sous les mulchs. La température du sol varie donc peu, ce qui est propice à la vie en son sein. La décomposition et la minéralisation de la matière organique, ainsi que la régulation des adventices sont favorisées par l’action de la mésofaune. Ceci se traduit par des populations plus abondantes, soit 120 à 150 individus par piège pour le gazon, le BRF et la paille, alors que les paillages polyéthylène et papier en comptent moins de 50. De nombreux collemboles sont observés avec les mulchs organiques à fortes teneurs en lignine, cellulose et composés aromatiques. La présence de cloportes est observable dans le BRF et le mulch forestier en raison de la présence majoritaire de bois. Tous les systèmes de paillage accueillent des staphylins et des araignées, qui assurent une régulation des acariens, pucerons et nématodes.

Figure n° 2 : Les muchs secs favorisent la présence de collemboles et de cloportes. Les histogrammes représentent les abondances en araignées, carabes, collemboles, cloportes, myriapodes, faucheuses et staphylins. Les photographies situées sous le graphique illustrent ces différents clades.
Figure n° 2 : Les muchs secs favorisent la présence de collemboles et de cloportes. Les histogrammes représentent les abondances en araignées, carabes, collemboles, cloportes, myriapodes, faucheuses et staphylins. Les photographies situées sous le graphique illustrent ces différents clades.

« La paille et autres couverts végétaux font un retour en force. »

Mise en œuvre et enlèvement

Par rapport au paillage plastique, qualifié d’utilisation simple et rapide, les mulchs secs sont complexes et chronophages lors de l’installation. Les mulchs frais sont plutôt rapides dans leur mise en place, mais restent complexes lors de la plantation qui demande nettement plus de temps. Les mulchs nécessitent un traçage préalable à leur épandage. Lors du débarrassage de la parcelle, BRF et mulch forestier demandent environ quatre fois plus de temps que  le paillage plastique. En revanche le gazon et la paille de blé peuvent être laissés sur place et incorporés au sol lors de la préparation de la culture suivante. Ainsi, pour le jardinier amateur, la paille de blé (sans épis) et le gazon présentent des atouts indéniables à tous égards, à condition d’être épandus en une épaisseur suffisante.

Charlotte Berthelot, Romane Jean, Mélanie Riou, Loïc Fouyer, Vanessa Demoisson
CTIFL

(1*) Extrait de l’article « Tenace, un projet pour venir à bout des adventices » INFOS CTIFL n° 378, janvier-février 2022.
(2*) La mésofaune est constituée par les espèces animales de 0,2 à 4 mm de long