Courances un jardin d'eau
Agnès Guillaumin
Parcourir le parc de Courances est une expérience… pour tous les sens. Découvrez pas à pas la musique de l’eau, les reflets dans les bassins et les grandes perspectives boisées d’un jardin qui n’a cessé d’être réinventé depuis la Renaissance.
Conçu dès son origine comme un jardin d’eau, Courances est un exemple rare de jardins de la Renaissance. En cinq siècles, le parc et le château ont plusieurs fois été redessinés. Les grands noms de l’histoire y sont attachés : Louis XIII, mais aussi Alfred Jarry et le maréchal Montgomery. En 1552, Cosme Clausse, seigneur de Marchaumont et secrétaire des Finances du roi Henri II, achète un manoir entouré de sources près de la rivière École dans le Gâtinais. Un siècle avant Le Nôtre, un premier parc voit le jour. À Venise, comme aux Pays-Bas, les jardins d’eau sont à la mode. Les sources servent ici à fouler le chanvre, faire tourner les moulins ou « clôturer » les prés. La Renaissance donne à l’eau un nouveau rôle d’agrément. Louis XIII, lorsqu’il séjourne à Fontainebleau, vient faire du canot sur la Salle d’Eau et fait chercher son eau de table à la source qui s’appelle aujourd’hui La Fontaine du Roy. Un nouveau château est édifié vers 1630 par Claude Gallard. Courances aura d’illustres propriétaires comme Charles de Nicolaÿ, premier Président de la Cour des Comptes sous le règne de Louis XVI. En 1872, le banquier Samuel de Haber, ancêtre des propriétaires actuels, achète le domaine en ruines, le sauve et l’embellit. La récente réapparition de trois lucarnes dans le toit central témoigne de ces « va-et-vient ». « On restaure, on re-restaure, work in progress… », remarque Valentine de Ganay, l’actuelle propriétaire de Courances.
L’eau apprivoisée
Sur 75 hectares, le parc de Courances ne compte pas moins de 14 sources. Les canaux, qui s’écoulent d’Est en Ouest vers la rivière École, alimentent aujourd’hui 17 pièces d’eau. Un dénivelé de 3 mètres a été utilisé avec beaucoup d’imagination et de sensibilité par les concepteurs successifs du parc. Ni pompe, ni machine à l’époque pour aménager des pentes avec escalier d’eau, et pourtant, partout prolifèrent miroirs lisses et ruisseaux murmurants. Autrefois, le réseau alimentait même des jets d’eau dans la pièce de la Gerbe ou dans celle du Dauphin. Un système de canalisations, de grilles, de petites digues et de bouches d’évacuation est théâtralisé par les gueules en grès sculpté : « les gueulards » vomissent l’eau dès qu’une différence de hauteur le permet. Parcourir le parc de Courances est une expérience… pour tous les sens. Découvrez pas à pas la musique de l’eau, les reflets dans les bassins et les grandes perspectives boisées d’un jardin qui n’a cessé d’être réinventé depuis la Renaissance. en compagnie d' Agnès Guillaumin Courances un jardin d’eau L’ancienne foulerie de chanvre, qui fait office de salon de thé, se reflète dans le canal du même nom.
Au fil de l’eau, au fil des pas…
Courances se « mérite » au fil d’un parcours de 2 ou 3 km. Une fois passé le pavillon d’entrée, on accède au château par l’Allée d’Honneur. Deux canaux reflètent les platanes, plantés ici en 1782 par le Grand Nicolaÿ. Le château, comme sur une île, est entouré de plusieurs plans d’eau dont le grand Miroir d’un hectare datant du milieu du XVIIIe. Les bassins latéraux ont été mis en place par les paysagistes Henri et Achille Duchêne : une restitution à l’ouest et une création ex nihilo à l’est. Ces deux créateurs de plus de 6 000 jardins à la française de par le monde ont oeuvré à Courances entre 1899 et 1915. Ils ont eu l’idée de redistribuer les quatorze « gueulards » qui, à l’origine, ornaient une seule pièce d’eau et les placer autour d’autres bassins pour mieux lier les styles et les époques. L’ensemble est embelli par des broderies de buis, élément typique du parc classique, planté ici dès le début du XXe siècle.
Eau courante, eau dormante
L’eau des bassins est limpide, clarifiée en permanence par la force du courant et par les carpes importées du fleuve Amour. L’eau ruisselle partout, tantôt violente tantôt mélodieuse. Autrefois, on aimait tant se promener, contempler les bassins dociles et les ruisseaux sauvages. Le nom même du lieu, Courances, raconte « les eaux qui courent ». Tous les bassins ont une surface plane, à l’exception de l’escalier d’eau des Nappes. Ils sont des miroirs qui, au gré des cieux et des points de vue, apportent mouvement au paysage. Le couvert forestier du Massif des Trois Pignons constitue le fond du décor. Les allées sont presque toutes enherbées. Les visiteurs sont invités à marcher pieds nus sur les pelouses. Le grand jardinier Charles de Noailles décrivait Courances comme « le seul parc classique et romantique en France ». Des troncs apparaissent parfois dans les plus hautes haies, apportant un peu de fantaisie et d’irrégularité au dessin rectiligne. Ici, un charme penché entoure la vue sur le château, là, un platane monumental est mis en scène, en profitant de la perspective de l’axe principal. À Courances, la nature dialogue avec l’homme.
Un parc contemporain
« L’entretien d’un parc privé de 75 hectares nécessite rigueur et imagination, explique Patrick Deedes, le nouveau régisseur, très conscient du style mis au point par Jean-Louis de Ganay, le propriétaire actuel. « Quatre hommes seulement sont employés à temps plein, tous ont plusieurs talents...». Le parc accueille de plus en plus de visiteurs et des évènements originaux y ont lieu, toujours en rapport avec l’identité de ces lieux uniques. Cette année, vous pourrez vous promener muni du panier de l’oiseleur, du sourcier ou du dendrologue.
Dans le cadre de l’opération « Jardin du mois », une visite privée gratuite et réservée aux abonnés de Jardins de France aura lieu le 21 juillet à 14h.
Château de Courances 91490 Courances
Tél. : 01 40 62 07 71 ou 01 64 98 41 18 www.courances.net
Le château et le parc sont ouverts du premier week-end d’avril à la Toussaint, les week-ends et jours fériés de 14h à 18h30. En semaine sur rendez-vous.