Construction et menuiserie : Une belle destinée pour les fagacées
Chênes, hêtres et châtaigniers sont très exploités dans les industries du bois,
mais avec des utilisations différentes, en fonction de leur qualité et de leur durabilité.
Outre ces arbres d’Europe, d’autres fagacées d’origine plus lointaine sont aussi recherchées.
Le tronc des arbres se compose de deux éléments, l’aubier, juste sous l’écorce, dans lequel circule la sève, et le duramen, au coeur de l’arbre, qui accumule les cellules mortes et renforce sa structure. Dans les bois hétérogènes, aubier et duramen sont bien distincts : c’est le cas du chêne et du châtaignier. C’est alors le duramen qui est la partie la plus exploitable du bois, subissant moins d’invasions parasitaires. En revanche, aubier et duramen ne se différencient pas dans les bois homogènes, comme celui du hêtre. Ils peuvent également être sujets à des infestations d’insectes ou de champignons, et doivent aussi être traités.
Le fil rectiligne du bois est le principal critère de sa qualité, et selon celle-ci, le prix d’une même essence peut passer d’un à dix.
Le chêne, un bois d’excellence
De nombreuses espèces de chênes sont présentes en Europe dans l’hémisphère nord, notamment le chêne rouvre (Quercus petraea) et le chêne pédonculé (Q. pedunculata), dont les usages sont identiques, larges et variés.
Le bois du chêne comprend un aubier blanchâtre, distinct, et un duramen brun d’excellente qualité, fonçant à la lumière : c’est la patine du bois. Ses caractéristiques physiques et mécaniques sont très variables selon les conditions de croissance. Les arbres isolés ou en forêt peu dense donnent du bois à fort accroissement, dur, résistant, dit « maigre », tandis que les arbres en futaie serrée donnent un bois à accroissement fin, tendre, dit « gras ».
Parmi les principales utilisations du chêne, on note la charpente sous forme de poutres ou de bois équarris, puis les éléments d’agencement pour parqueterie, lambris et plafonds. Il est utilisé pour les menuiseries intérieures et extérieures, portes et fenêtres, pour les meubles, en parement pour la réalisation industrielle de parquets composites, ou encore employé en tranchage pour l’ébénisterie de luxe.
Le chêne est aussi traditionnellement prisé en construction navale. Ce sont les chênes « maigres » qui sont alors recherchés.
Immergé en permanence, le chêne est imputrescible. Les poutres sur lesquelles repose le Pont-Neuf à Paris, l’un des plus vieux ponts de la capitale (fin XVIe siècle), sont d’origine.
Les meilleures qualités sont utilisées en tonnellerie, en particulier pour les grands crus. C’est un bois tannique qui a une influence sur la couleur et le goût du vin ou de l’alcool contenu dans ses tonneaux.
Le bois du chêne vert (Q. ilex), dur et compact, est surtout employé en ébénisterie, susceptible d’un beau poli. Le chêne-liège (Q. suber), dont l’écorce fournit le liège, convient aussi à la menuiserie avec son bois très lourd et compact.
Il existe aussi des variétés nord-américaines de chêne (Q. alba), mais leur utilisation est moins qualitative pour les Européens.
Le châtaignier, un arbre ressource
À l’époque des grandes famines en Europe, le châtaignier était un arbre ressource important dont les fruits servaient de base de nourriture, en complément de l’utilisation de son bois.
Le châtaignier commun (Castanea sativa) se distingue particulièrement pour son bois et l’exploitation qui en est faite. Sa qualité est comparable à celle du bois de chêne, dont il diffère par la couleur, qui va du jaune paille au marron, et son étroite bande d’aubier, blanchâtre. Il est également un peu moins ferme et moins dense.
Il sert toujours aujourd’hui de bois de charpente, mais les longueurs du tronc, donc des poutres obtenues, sont plus limitées que celles du chêne. En revanche, son tronc est large et peut dépasser quatre mètres de diamètre.
Le bois de châtaigner est aussi utilisé pour faire des bardeaux qui remplacent les tuiles dans des bâtiments traditionnels. On le retrouve ainsi sur les toits du Mont-Saint-Michel où ces bardeaux mesurent chacun trente-trois centimètres de long, trente-trois comme l’âge du Christ au jour de la Passion.
Les bois fendus servent à la fabrication de cercles de tonneaux, de lanières pour entourer les colis et de carcasses de sièges. Les bois plus forts sont employés pour la production de manches d’outils, de pieux pour la vigne, de montants d’échelles. Les plus grosses perches sont destinées à la tonnellerie, au parquet, à l’ameublement.
Le hêtre, bien adapté à la menuiserie
Le bois du hêtre commun (Fagus sylvatica) est de couleur crème pâle à brun rosé, prenant souvent une coloration bronze rougeâtre après étuvage. Il a généralement un fil droit, de larges rayons et un grain fin et régulier.
Ce bois dit homogène est sensible aux infestations de champignons et d’insectes xylophages et s’avère donc impropre à une utilisation en construction sans traitement préalable.
C’est par excellence un bois de menuiserie, facile à travailler. Il sert à faire des meubles, et particulièrement des sièges. Il est utilisé en menuiserie intérieure et extérieure, en parqueterie et il est apte au tournage, pour la fabrication de manches d’outils, d’articles de sport, de pièces d’instruments de musique. C’est la principale essence utilisée pour la fabrication de chaises, qu’elles soient issues de bois équarri ou tourné, ce qui démontre sa performance au niveau de la résistance.
Il est aussi employé pour les pièces cintrées et en tonnellerie, montrant une aptitude exceptionnelle au cintrage à la vapeur, et c’est un excellent bois d’aviron. Son déroulé permet de produire divers contreplaqués et il peut être tranché en placages décoratifs.
Un genre voisin, le Nothofagus
Présent dans l’hémisphère sud, au Chili notamment, le hêtre de Magellan, Nothofagus antartica, de la très voisine famille des nothofagacées, est un faux-hêtre, dont le bois est joliment marqué et d’une couleur rosâtre. Grâce à une dureté et un poids semi-lourd, il s’utilise dans la construction et la fabrication de mobilier.
N. obliqua possède un aubier jaunâtre et un coeur rouge foncé, contenant beaucoup de tanin. C’est un bois très dur et très résistant aux attaques fongiques. Il est principalement utilisé dans son aire naturelle pour la construction, les poteaux, les traverses de chemin de fer et des revêtements extérieurs.
N. procera est une essence très recherchée et exploitée au Chili non seulement pour ses qualités technologiques (stable) mais aussi pour son esthétique (le bois de coeur est de couleur rose rouge ou dorée). Il est utilisé pour la menuiserie et l’ébénisterie dans ses emplois les plus nobles.
Un bois d’oeuvre asiatique
Le genre Castanopsis est également intéressant, réunissant environ cent vingt espèces, toutes asiatiques, dont plus de soixante originaires de Chine, la moitié étant endémique. La plupart sont des essences nobles très appréciées comme bois d’oeuvre. Son bois mort sert au Japon et en Corée de support à de nombreuses espèces de champignons, dont le shiitake, champignon parfumé apprécié des Japonais.
Jean-Luc Ansel
Président d’honneur de la SEB, Société des Experts Bois
Édouard Chalopet
Secrétaire général