Confusions entre plantes toxiques et plantes comestibles : danger !

Parce qu’elles peuvent parfois se ressembler et que le grand public est souvent insuffisamment informé ou préparé, les confusions entre plantes toxiques et plantes comestibles peuvent s’avérer fatales. Quelles sont les plus courantes et quels sont les dangers ?

Alerte en 2018 !

En juin 2018, un randonneur de 78 ans est décédé après avoir consommé des feuilles d’aconit napel (Aconitum napellus), qu’il avait confondues avec des feuilles de « couscouil » (Molopospermum peloponnesiacum). Le couscouil est une grande apiacée, à inflorescences jaunâtres, dont les jeunes pousses sont consommées en salade ou, plus rarement, mises à macérer en liqueur. Les fleurs de l’aconit, elles, sont parfaitement reconnaissables, même par le public non connaisseur. Mais l’absence de floraison au moment de la cueillette a favorisé la confusion avec le couscouil.

Sous l’effet de l’aconitine, le randonneur a présenté dans l’heure des vomissements, des troubles neurologiques et des troubles du rythme cardiaque, à l’origine du décès. Le Centre antipoison (CAP) de Marseille qui a assuré la prise en charge initiale et le suivi de l’intoxication (1*) a signalé ce décès à l’Anses (2*), en charge depuis 2016 de la coordination de la toxicovigilance.

Une étude des confusions courantes

L’Anses et le réseau des CAP (3*) ont réalisé une étude rétrospective des cas de confusion alimentaire entre plantes toxiques et plantes réputées comestibles, enregistrés dans le système d’information des CAP (SICAP).

Entre 2012 et 2018, 1159 confusions alimentaires ont été recensées par les centres antipoison. Les repas concernés ont pu être partagés entre plusieurs convives (jusqu’à onze), ce qui porte le nombre de victimes à 1872 patients. Dans 5 % des cas, il s’agissait d’enfants de moins de 6 ans. Les confusions ont été observées tout au long de l’année, mais plus en été (32 %), qu’en automne (24 %), au printemps (23 %) ou en hiver (21 %).

Toutes les parties de plantes étaient concernées : principalement des feuilles (31 % des confusions) mais également des bulbes (17%) (4*), des fruits (13 %), des baies (13 %), des graines (12,5 %), ou encore des fleurs, des racines, et des tiges pour les confusions restantes.

L’étude a ainsi permis d’établir la liste des confusions les plus fréquentes (Figure n° 1):
• Les plantes à bulbes (12 % des repas);
• Le marron d’Inde (11 %);
• Les coloquintes ou courges amères (8,5 %);
• Les arums sauvages (7 %);
• La petite ou la grande ciguë (4 %);
• Le cytise (4 %);
• La morelle noire ou la morelle douce-amère (3,5 %).

Figure n° 1 : Plantes ramassées et consommées les plus fréquemment observées parmi les confusions de l’étude (N = 1 159 dossiers), de 2012 à 2018. Source : SICAP

S’ajoutant au décès du randonneur, quatorze patients, âgés de 21 à 74 ans, ont présenté des symptômes graves (5*). Les confusions ont ici conduit à la consommation de colchique (5 cas), vérâtre (4 cas), belladone (2 cas), coloquinte/courge amère (1 cas), digitale (1 cas) et œnanthe safranée (1 cas).

Les confusions les plus fréquentes ne sont cependant pas nécessairement les plus graves. Si les personnes ayant consommé des plantes à bulbe étaient symptomatiques pour 72 % d’entre elles (191 patients), aucune n’a présenté de signes cliniques graves ou inquiétants. Ces bulbes de plantes à fleurs (narcisses), en général conservés à l’abri au garage, avaient été confondus avec des bulbes comestibles (oignons, ail, échalote…). Contenant des alcaloïdes très irritants (saponosides), ils sont alors responsables de troubles digestifs, voire de maux de tête ou de tremblements.

Les confusions de courges non comestibles avec des courges comestibles (troisième confusion la plus fréquente), peuvent être à l’origine de diarrhées parfois sanglantes et de déshydratations sévères (voir encadré).

D’autres confusions recensées dans l’étude étaient dues à des ressemblances possibles entre certaines parties des plantes (Tableau n° I):
• Les châtaignes, fruits du châtaignier commun (Castanea sativa), dont la graine est aplatie et la bogue (capsule) comporte des piquants longs et nombreux, et le marron d’Inde, fruit du marronnier d’Inde (Aesculus hippocastanum), dont la graine est arrondie et la bogue comporte des petits pics espacés et courts (deuxième confusion la plus fréquente). Les ingestions sont le plus souvent sans
conséquence ;
• Les feuilles de consoude (Symphytum sp.), consommées en salade, et celles de digitale pourpre (Digitalis purpurea) notamment lorsque la plante n’est pas fleurie ; les feuilles d’ail des ours (Allium ursinum) et celles de colchique (Colchicum autumnale)(6*) ou de muguet (Convallaria majalis); les feuilles de persil plat (Petroselinum crispum) avec celles de petite ou grande ciguë (Aethusa cynapium ou Conium maculatum); les feuilles de laurier-sauce (Laurus nobilis) et celles de laurier-rose (Nerium oleander) ou de laurier-cerise (Prunus laurocerasus): toutes ces confusions présentent un risque d’effets toxiques graves, voire mortels.
• Les fleurs de robinier (« acacia ») (Robinia pseudoacacia), en général cueillies pour la préparation de beignets ou de confitures, et celles de cytise (Laburnum sp.);
• La gentiane jaune (Gentiana lutea), dont les racines sont utilisées pour faire des apéritifs ou des liqueurs, et le vérâtre blanc (Veratrum album); la carotte sauvage (Daucus carota), consommée pour son tubercule ou sa racine, et l’œnanthe safranée (Oenanthe crocata)(7*).

TABLEAU N° 1 : Confusion de plantes les plus fréquentes et/ou à l’origine de cas de gravité forte en fonction des saisons parmi les cas de l’étude. N = 903 cas symptomatiques de 2012 à 2018. Source: SICAP

Recommandations

Les résultats de cette étude ont illustré les risques actuels d’intoxication grave en cas de confusion entre plantes toxiques et comestibles ramassées dans la nature ou dans son propre potager. Pour limiter les risques d’intoxication par confusion, l’Anses et les Centres antipoison préconisent:
• De ne pas consommer la plante ramassée en cas de doute sur son identification, y compris les plantes cueillies dans le potager;
• De cesser immédiatement de manger si la plante a un goût inhabituel ou désagréable ;
• De ne pas cueillir par brassées, pour éviter de cueillir plusieurs espèces et de mélanger des espèces toxiques avec des espèces comestibles ;
• De bien laver et trier les plantes avant leur consommation;
• D’être vigilant quant à la période de récolte, à considérer en regard du cycle végétatif de la plante ;
• De photographier sa cueillette pour en faciliter l’identification en cas d’intoxication.

 

Les premières mesures à prendre en cas d’intoxication sont:
• En cas de troubles sévères ou de détresse vitale, appeler le 15 ou le 112.
• Dans tous les autres cas d’intoxication: appeler le centre antipoison (numéros de téléphone sur antipoison.fr) ou consulter un médecin.

Ses feuilles de couleur vert foncé, dentées, peuvent évoquer celles du persil ou du céleri. Ses fleurs blanches, petites et groupées en ombelles, peuvent évoquer celles de la carotte sauvage, mais la racine, en faisceau, exsude un liquide couleur safran lorsqu’elle est coupée.

Marron (à gauche) et châtaignes (à droite) peuvent parfois être confondus par des publics non avertis. Si la consommation des châtaignes ne présente pas de danger, celle des marrons, en revanche, peut s’avérer désagréable © ulleo – CC0 et P. Bona – CC 03

Sandra Sinno-Tellier
Agence nationale de sécurité de l’alimentation, de l’environnement et du travail, Maisons-Alfort

Gaël Le Roux
Centre antipoison et de toxicovigilance Grand-Ouest, Centre hospitalier et universitaire d’Angers, Angers

 

(1*) Conformément à sa mission de réponse téléphonique à l’urgence (RTU): aide médicale urgente, conseil médical et expertise toxicologique.

(2*) ANSES: Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation,
de l’environnement et du travail.

(3*) CAP : centre antipoison.

(4*) Plantes vendues ou ramassées sous forme de bulbes : narcisse, jonquille, iris, glaïeul, tulipe, jacinthe, amaryllis, crocus…

(5*) Présentant des symptômes sévères ou mettant en jeu le pronostic vital.

(6*) Il est à noter qu’en mai 2019, une nouvelle alerte a été lancée par l’Agence régionale de santé (ARS) Grand-Est suite àl’observation par le réseau des CAP de vingt cas d’intoxication par de la colchique (Colchicum autumnale), confondue avec de l’ail des ours (Allium ursinum) ou du poireau sauvage (Allium polyanthum), avant que les plantes ne soient fleuries.

(7*) De même, en mai 2019, un homme de 63 ans serait décédé suite à la consommation d’œnanthe safranée qu’il avait confondue avec du persil tubéreux (Petroselinum crispum), cultivé et ramassé dans son jardin.

 

À LIRE

S. Sinno-Tellier. « Confusion de plantes comestibles et toxiques : gare aux ressemblances ! » Vigil’Anses n° 8. Le Bulletin des vigilances de l’Anses. Juin 2019. 4 p.

L’Anses a mis en ligne un aide-mémoire:
www.anses.fr/fr/system/files/2020-02_aide_memoireplantes_toxiques.pdf
www.anses.fr/fr/content/plantes-toxiques

INTOXICATIONS PAR DES COURGES

Dans une étude sur les intoxications par des courges (Cucurbita pepo L.) enregistrées par les CAP de 2012 à 2016, 353 personnes avaient présenté des symptômes, principalement digestifs. Quatre pour cent des cas présentaient des symptômes prononcés ou prolongés (de gravité modérée): diarrhée sanglante, douleurs gastriques intenses, déshydratation et/ou hypotension, liée à la présence de cucurbitacines, notamment la cucurbitacine E. Les courges incriminées correspondaient à des coloquintes ornementales ou à des spécimens amers de courges alimentaires réputées comestibles.

Poiesia © CC 3.0

Enfin, parmi les cas dont le mode d’approvisionnement était connu (N = 197/353, 56 %), la courge amère était issue du potager familial pour 54 %. Si aucun décès n’a été observé dans l’étude française, un Allemand de 79 ans est décédé en 2015 après avoir consommé un gratin de courgettes issues du potager de son voisin. Les courgettes avaient pourtant un goût amer, qui n’avait pas dissuadé de leur consommation !

Quelques conseils:
Courges ornementales (coloquintes): elles sont toutes toxiques et ne doivent pas être consommées. Vérifiez l’étiquette ou demandez conseil aux vendeurs.

Courges alimentaires, achetées dans le commerce ou cultivées dans le potager familial: goûtez un petit morceau de courge crue et si le goût est amer, recrachez-le et jetez la courge. Elle ne doit pas être consommée, même cuite !

Courges issues de potagers familiaux: ne consommez pas de courges « sauvages » qui ont poussé spontanément. Ne récupérez pas non plus les graines des récoltes précédentes pour les ressemer. Achetez de nouvelles graines pour chaque nouveau semis dans le potager.