Claude Leforestier, militant actif de l’horticulture
Jean-François Coffin
« J’ai découvert la nature auprès de mon arrière-grand-père arboriculteur en Normandie. Enfant, j’adorais l’accompagner dans son verger ». Ainsi raconte Claude Leforestier, à 82 printemps. « C’est à cette période de ma vie que naquit ma fibre horticole ». A cette époque, marquée par la guerre, le débarquement des alliés oblige la famille à quitter Caen. Elle s’installe momentanément dans le village familial en Normandie. « Je fréquente alors une école rurale dans laquelle exerçait un prisonnier de guerre passionné de botanique. Je fus donc poussé naturellement vers ma vocation professionnelle. »
Priorité à l’enseignement
Sur le plan professionnel, il reconnaît avoir connu « une époque formidable » en tant que directeur du Centre de Formation et de Promotion Professionnelle Horticole d’Orléans-La Mouillère. Des moments marquants ont ponctué sa carrière, comme sa participation aux débats de la réforme Capelle-Fouchet qui permit un changement structurel décisif avec la loi de 1963 sur la rénovation d’un enseignement professionnel archaïque. « On avait surtout compris que la spécialisation était nécessaire, alors qu’aujourd’hui on propose une formation générale plus solide mais sans qualification, où les jeunes sont démunis face au marché du travail », déplore-t-il. Et de souligner le côté socio-culturel de ces nouveaux programmes : « on initiait les jeunes à la vie collective et à la prise de responsabilités. »
Tourné vers les jeunes
Des responsabilités, il en a assumées ! Il a présidé l’Unrep (Union Nationale Rurale d’Éducation et de Promotion) qui regroupe des établissements privés français d’enseignement, de formation professionnelle et de formation d’adultes en horticulture « Ce fut un moment fort ».
Il participe à la création des floralies d’Orléans en 1967[1], entraînant des rencontres avec des étrangers, contacts qu’il estime si importants.
Il participe à la mise en place de l’OFAJ, l’Office Franco-allemand pour la jeunesse[2] ; sa mission était d’encourager les relations entre les jeunes professionnels de l’horticulture des deux pays.
Il devient secrétaire général, puis président de la commission Enseignement et Formation Professionnelle de l’AIPH[3].
Il sera également administrateur, trésorier, puis vice-président du Comité National des Villes et Villages Fleuris ou il y préside des jurys de fleurissement nationaux et internationaux.
Un homme exigeant
Claude Leforestier a essayé de mettre en pratique sa philosophie « respect, engagement, réussite ».
Respect : « regarder ce qui se passe autour de soi, détecter les lacunes à combler sans agresser, en tenant compte du contexte ».
S’engager et réussir : « il faut s’investir, constituer des équipes, voire éviter ceux qui ne s’engagent que pour obtenir une carte de visite » expliquant pour ces derniers que « ceux qui n’ont pas d’autres objectifs ne réussissent pas ».
Cet homme, presque trop sérieux, se dit d’un caractère très exigeant, avec une petite modulation : veiller à ne pas demander aux gens d’aller au-delà de leurs limites. « On ne peut pas pousser l’exigence au maximum si les gens ne sont pas prêts. Il faut garder une réserve. Cela s’applique notamment aux bénévoles qu’il ne faut pas harceler. Dans la vie associative, on partage une passion mais aussi des bénéfices réciproques. »
Pilier de la SNHF
Claude Leforestier a mené une vie intense au sein de la SNHF dont il est adhérent depuis l’âge de 18 ans ! Ses responsabilités débutent à la Société d’Horticulture du Loiret (SHOL) où il rencontre « des professionnels et des amateurs éclairés ».
La présidence lui fut proposée après le décès du président de l’époque et il avoue avoir réfléchi : « j’hésitais, m’estimant encore bien jeune. Mais face à l’insistance de Monsieur Travers, qui était aussi le président de mon établissement, j’ai accepté. »
Puis les responsabilités se succèdent à la SNHF. Il entre au CA, puis au bureau, devient vice-président. Il est désigné, par Michel Cointat[4], président du comité fédérateur[5] à deux reprises. « Il y avait beaucoup de choses à faire ! » Il assura à la satisfaction de tous cette mission pendant treize années.
Acteur de sortie de crise
Au sein du bureau, il assura en outre l’animation et la coordination des « Sections Spécialisées », pôle académique de la SNHF.
Au départ de Michel Cointat, et alors que la SNHF rencontrait des difficultés internes susceptibles de mettre en péril son avenir, Claude Leforestier a été l’acteur majeur de la sortie de crise. « Il fut actif et écouté pour ses qualités de négociateur », reconnaît un de ses proches. Il fut l’instigateur de nouveaux statuts intégrant d’une manière significative et équilibrée au sein de collèges, l’ensemble des acteurs de l’horticulture française : associations, professionnels, collectivités territoriales, et entreprises.
Savoir stimuler
Serait-il un pessimiste lucide ? « Aujourd’hui, le monde de l’horticulture passe une très mauvaise période, dans une conjoncture économique et sociale difficile. »
Sur le plan économique, il est réservé notamment à l’échelle mondiale. « Même si on promeut l’économie locale, cela n’empêche pas les délocalisations. » Il est sévère avec les politiques « qui ne comprennent pas ce qu’est la vraie vie, le terroir. Nos productions partent ailleurs. Je suis inquiet pour les jeunes. » Et d’en profiter pour donner un coup de patte « à ces groupes pseudo-écolo qui prônent des théories sans la moindre réflexion sensée ! »
Claude Leforestier modère tout de même son catastrophisme : « la roue tourne, les choses peuvent changer. Il y a toujours des gens, même si le moment est difficile, qui savent rebondir. Je crois que l’avenir est dans l’humain. Il faut stimuler les personnes qui veulent aller de l’avant. »
Une vie associative bien remplie
Claude Leforestier a présidé le Comité d’Orléans de la Société des Membres de la Légion d’Honneur. Il en est actuellement président d’honneur.
Il est président-fondateur de la section du Loiret des membres de l’Ordre du Mérite Agricole et président-fondateur de l’ARF-Centre (Association Régionale de Fleurissement de la région Centre), connue en particulier, pour ses assises annuelles, toujours très suivies. Il a reçu le prix « Ernst Schröder » (Allemagne).
Encore disponible
« Quand on exerce des responsabilités, on n’est pas exempt de critiques. Il faut garder son authenticité, sa fraîcheur, rester à côté des bruits de couloirs », estime Claude Leforestier. Il ne faut pas non plus s’accrocher aux postes que l’on occupe, savoir partir…. Quitte à rester disponible si on le lui demande. « Il est dommage que les nouvelles équipes qui arrivent ne posent pas de questions aux anciens afin de profiter de leur expérience », osant déplorer de nombreux exemples à la SNHF.
Il ne ferme pas pour autant la porte aux associations, on le sollicite pour écrire « l’expérience du sage » pense-t-il.
Et de conclure : « les 60 ans de carrière professionnelle et de responsabilités associatives m’ont donné de grands plaisirs, même si j’ai beaucoup travaillé, avec des semaines de 70 heures bien remplies. Je ne regrette rien, bien au contraire ! ».