Canneberge, cranberry, atoca ou popokwa, telle est la question !
Michel Dorion
À la mode parce qu’elle fait partie des « super-aliments » riches en énergie, vitamines et autres minéraux, la canneberge est une baie majoritairement produite en Amérique du Nord. Lors du voyage organisé par la SNHF au Canada, en septembre 2017, des membres ont pu visiter une cannebergière au Québec.
Origine
Le nom « canneberge1 » est apparu vers 1665 dans la langue française, peut-être à partir des mots canne et berge, puisque ce végétal pousse dans les marais. Il est possible aussi qu’il provienne de l’anglais cranberry ou de l’allemand Kranbeere. Le Kran correspondrait à grue, dont la fleur imite le port, et beere pour baie. C’est la « baie de la grue » ! Atoca est le nom iroquois (il serait apparu vers 1632) et popokwa est le nom algonquin. En Acadie, c’est « pomme de pré ». En France, on l’appelle simplement « grande airelle rouge d’Amérique du Nord ». Mais tous les botanistes s’accordent sur la désignation Vaccinium macrocarpon (aux États-Unis ou au Canada). Il existe en Europe une canneberge sauvage à fruits beaucoup plus petits, Vaccinium oxycoccos, et toutes deux appartiennent à la famille des Éricacées.
La canneberge est un sous-arbrisseau poussant à l’état sauvage dans les tourbières. Celle d’Amérique du Nord mesure environ trente centimètres, mais certains de ses rameaux rampants peuvent atteindre quatre-vingts centimètres. La fleur, petite, rose, de forme ovale se présente comme une corolle ouverte dans laquelle les abeilles et autres bourdons peuvent assurer la pollinisation. Les baies sont en principe de couleur rouge lorsqu’elles sont à maturité. De la taille d’une olive, elles comportent quatre vacuoles vides, qui en permettent la flottaison lorsqu’elles sont détachées de leur rameau.
Production
Il faut d’abord implanter judicieusement la cannebergière, ensuite l’aménager, planter et attendre environ quatre ans pour commencer à récolter. On essaie évidemment de copier une tourbière, donc un terrain plat (pente inférieure à 1 %), plutôt sableux (avec de gros grains), bien acide (pH entre 4,2 et 5) et beaucoup d’eau, acide aussi de préférence. La superposition de deux couches de terrain, l’une perméable nutritive de 15 à 30 cm au-dessus d’une autre, imperméable, favorise le drainage et l’écoulement de l’eau pour une gestion la plus économique possible.
Une température de 15 à 27 °C est idéale pour un bon développement de la plante. La température minimale de croissance descend à 4,5 °C et -12 °C constitue celle de gel de la plante. Il faut aussi au moins 150 jours consécutifs sans gel. Finalement une bonne cannebergière se présente comme la Figure 1, et ressemble fortement à un marais salant !
La plantation est réalisée à la fin de l’été à partir de boutures. Pendant les premières années, le désherbage, de plus en plus manuel, est fondamental. En novembre, les plantes vont entrer en dormance. On les protégera contre le gel en inondant la parcelle. La glace qui se forme au-dessus des plantes va réguler la température à 0 °C. Dès janvier, les champs sur la glace sont sablés. Ainsi, au moment de la fonte, le sable tombant au fond va entraîner les éventuels insectes ravageurs. Ensuite, les eaux hivernales sont pompées et récupérées, les plants sont fauchés, fertilisés puis la récolte peut commencer en septembre-octobre. Les bassins de culture sont alors de nouveau inondés, les machines équipées de « batteurs à oeufs » (une expression québécoise) brassent l’eau et les arbustes ; les fruits se détachent et flottent. Il ne reste plus qu’à les ramener sur le bord du champ à l’aide de barrages flottants et à les pomper. On sépare l’eau des feuilles et des fruits en utilisant un principe simple de rebondissement des fruits lorsqu’ils sont mûrs, mais pas trop ! Puis, ils sont nettoyés et triés.
Utilisations
Les fruits, bien rouges, vont vers les marchés pour la consommation immédiate ou vers les usines de transformation et de congélation. On en fera des jus de fruits, des confitures et gelées, des pommades, des savons et chandelles, des infusions, des vinaigres, des sauces, des coulis ou compotes, des confiseries (canneberges enrobées de chocolat), des terrines et des confits. On trouve sur Internet de nombreuses recettes de cuisine avec la canneberge. La cuisiner semble en effet nécessaire tant les fruits crus sont astringents. Il existe une recette suédoise de renne à la confiture de canneberges ! Enfin, la sauce aux canneberges est spécialement préparée aux États-Unis pour la dinde de Thanksgiving.
Pourquoi un tel engouement ?
La canneberge renferme des flavonoïdes de différents types (anthocyanines, flavonols et proanthocyanines) ayant des propriétés antioxydantes qui préviendraient l’apparition de maladies cardiovasculaires et empêcheraient l’adhérence des bactéries E. coli causant les infections urinaires. Elle contient aussi du resvératrol, un polyphénol de la classe des stilbènes, qui présente aussi des propriétés antioxydantes, et de l’acide arsolique (classe des triterpènes) qui aurait un potentiel anticancéreux. Les études cliniques sont peu répandues et ne peuvent donner encore de résultats très sûrs. Cependant, les propriétés de l’acide ascorbique (vitamine C) présent dans le fruit étaient déjà connues des Indiens dès le XVIe siècle, puisqu’ils le proposaient aux navigateurs atteints de scorbut. Jacques Cartier, en 1536, avait perdu 25 hommes sur 110 à son arrivée au Canada. Des projets de recherche sont toujours en cours, pilotés en particulier par le Cranberry Institute et l’Institut de recherche de santé du Canada.
Maintenant que vous savez tout ou presque, sur la canneberge, cranberry, atoka ou popokwa, allez déguster et portez-vous en santé !