Architecture de l’arbre fruitier : de nouvelles connaissances
Pierre-Éric Lauri
De nouvelles connaissances sont apparues en matière d'architecture, de floraison et de fructification de l'arbre fruitier. Pierre-Éric Lauri nous les présente ainsi que les applications à de nouveaux modes de conduite.
Retour à fruit « bourse-sur-bourse » sur plusieurs années consécutives : un marqueur morphologique fiable de la régularité de fructification. Cultivar de pommier ‘Granny Smith’ - © P.E. Lauri - INRA
L’architecture d’une plante comprend ses caractéristiques de croissance, de ramification et de floraison. Cette discipline de la botanique a été développée en forêt intertropicale humide par Hallé et collègues dans les années 1960[*]. Elle s’est étendue aux arbres fruitiers à la fin des années 1980, à l’INRA, où elle a montré son intérêt pour mieux analyser la diversité des formes d’arbres et de leur production fruitière. Ce travail a également été à l’origine d’une réflexion nouvelle sur la conduite en verger dans l’objectif de régulariser la production et de maîtriser la qualité des fruits. L’exemple développé ici est celui du pommier dont la richesse d’expressions architecturales, selon le cultivar considéré, est très large.
Le pommier : des cultivars d’architecture et de mode de fructification variés
En verger de production, le pommier est composé de deux entités, le cultivar, choisi pour les caractéristiques du fruit (couleur, goût, date de maturité) et le porte-greffe. Suite à la plantation l’arbre passe par une phase de croissance végétative et ce n’est qu’en 2e ou 3e année que les premières floraisons apparaissent. Ce délai est fonction du porte-greffe : un arbre planté sur un porte-greffe « vigoureux » (ex, M7, MM106) a une croissance plus forte et produit plus tardivement qu’un arbre greffé sur un porte-greffe « nanisant ». Les effets du porte-greffe peuvent toutefois être modulés par l’architecture du cultivar. Lespinasse et Delort (1986) ont classé les cultivars de pommier en quatre « types de fructification » (I à IV) en considérant la position de la fructification, latérale ou terminale sur les branches principales, et l’orientation des branches, érigées à retombantes (Figure 1). Les cultivars qui ont une production relativement précoce après greffage sur un porte-greffe vigoureux sont en général de type IV. L’analyse architecturale montre que chaque cultivar peut aussi être caractérisé par la densité de ramification (forte pour les arbres du type I, faible pour les arbres du type IV) et la fréquence de retour à fruit d’une année à la suivante sur une même branche (« bourse-sur-bourse » ; forte pour les arbres du type IV, faible pour les arbres du type I ; Figure 2). On a montré que si la densité de ramification est pour partie liée à la proportion de bourgeons latents, elle résulte également d’une mortalité des jeunes ramifications. Ce phénomène est appelé extinction. Il existe aussi une relation générale entre la forte fréquence d’extinction et un retour à fruit important (Lauri et Laurens, 2005). Parallèlement, il existe une relation parabolique curvilinéaire entre la durée de croissance annuelle et la fréquence de fructification terminale, expliquant ainsi la propension à l’alternance des cultivars à croissances annuelles courtes (Figure 3).
Jardins de France 632. novembre-décembre 2014