Alfred Riocreux 1820 – 1912
Daniel Lejeune
L’Horticulture et la botanique ont produit tant de personnages illustres que choisir chaque année parmi les commémorations possibles est un véritable cas de conscience. 1912 a ainsi vu disparaître Georges Bruant, important horticulteur poitevin dont les travaux de sélection du Pelargonium « à gros bois » a marqué durablement l’horticulture internationale.
Nous choisirons pourtant d’éclairer la vie et l’œuvre d’un acteur méconnu du mouvement horticole, disparu lui aussi il y a juste un siècle. Un acteur majeur de la connaissance des plantes, un maître-illustrateur dont les travaux ont considérablement valorisé les publications scientifiques du XIXe siècle, qu’il s’agisse de relations d’explorations lointaines, de traités scientifiques ou de revues professionnelles. Il s’agit d’Alfred Riocreux.
Henri Martinet, écrit en 1929, dans le numéro spécial du centenaire de la Revue Horticole :
« J’ai dit plus haut que la première planche en couleurs avait paru en avril 1843. Saluons-la au passage, il s’agissait de Daubentonia Tripettii... La série de ces planches fut continuée jusqu’en 1856... en 1857, la revue Horticole cessa, jusqu’en janvier 1861, d’annexer des planches en couleurs à ses livraisons.
Diminution, recul ? Non pas. il s’était tout simplement produit un fait d’une importance capitale pour notre publication. Celle-ci avait pu, en effet, s’annexer une étoile de première grandeur, tombée du firmament des arts, en s’assurant la collaboration du grand, de l’inimitable dessinateur Riocreux... Avec les gravures sur bois de Riocreux, d’un dessin et d’un relief impeccables, tout change et c’est pourquoi le remplacement pendant quatre ans, des planches en couleurs par de nombreuses figures noires, infusa un sang nouveau à notre organe »…
Ed. André a toujours été attentif au travail de Riocreux. Il le lui a témoigné par une dédicace de Bromeliacée : Tillandsia Riocreuxii, collectée en Ecuador en 1876. Lorsque son ami Charles Sprague Sargent éditera son monumental ouvrage Silva of North America, il souhaitera l’accompagner d’une iconographie exemplaire gravée et imprimée à Paris chez les frères Picard, sous le contrôle d’Alfred Riocreux.
Alfred Riocreux est né à Sèvres. Son père, Denis-Désiré, peintre à la Manufacture, y était en 1824 le premier conservateur du musée « Céramique et vitrique » et collaborait à la rédaction d’études historiques avec le directeur-géologue Alexandre Brongniart.
Le fils de ce dernier, Adolphe Brongniart, qui devait faire une remarquable carrière de botaniste au Museum « repéra » le talent d’Alfred Riocreux, dont les archives de la Manufacture conservent encore quelques témoignages datant des années 1830.
Ajoutons qu’Adolphe Brongniart a encore bien mérité de l’Horticulture puisqu’il fut président de notre société.
Dans le catalogue de la section Beaux-Arts de l’Exposition Universelle de 1855, Alfred Riocreux est mentionné comme « élève de son père » et, selon les notices du Musée d’Orsay, il figura en outre aux salons de 1837, 1838 et 1855.
Adolphe Brongniart n’eut certainement aucune peine à convaincre Joseph Decaisne qui dirigeait la rédaction de son « Jardin fruitier du Muséum », de s’attacher la collaboration de l’artiste, auquel le Muséum demanda en outre la réalisation d’une série de Vélins à ajouter à la célèbre collection héritée de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII. Decaisne lui dédia une Poire, illustrée dans la Revue horticole, ainsi que le genre botanique Riocreuxia, voisin du genre Ceropegia, famille des Asclépiadiacées.
Decaisne le mit à son tour en relation avec Gustave Thuret, pour lequel il illustra ses travaux algologiques.
Les aquarelles et gouaches originales d’Alfred Riocreux sont recherchées et atteignent de fortes cotes lors de leur passage en salles des ventes et les chromolithographies qui en sont issues font malheureusement les délices des pilleurs de revues !
Notons avec plaisir que la Fête du timbre 2011 a été l’occasion de présenter la variété de fraise Rubis, avec le bloc correspondant, réalisés à partir d’une planche tirée du Jardin fruitier du Muséum.
L’éloquence des quelques reproductions ci-jointes vous permettront de vous faire une idée du talent d’Alfred Riocreux dont les références bibliographiques de ses principaux apports iconographiques sont au dos de cette publication.
Alfred Riocreux, présenté par MM. Andry et Rouillard, avait adhéré à la Société Impériale et Centrale d’Horticulture en 1856. Il avait été distingué chevalier de la Légion d’Honneur en 1870.
Selon le fameux dictionnaire de Benezit, il serait devenu comme son père conservateur du musée de la Manufacture de Sèvres.
La Manufacture, le Muséum national d’Histoire naturelle et l’Institut de France conservent d’importantes archives relatives à Alfred Riocreux et à ses travaux.
1840 : Histoire naturelle des îles Canaries, Barker-Webb et Berthelot
1842 : Histoire physique, politique et naturelle de l’île de Cuba (1838-1842) Ramon de la Sagra, partie botanique par Camille Montagne
1844 : collaboration aux Annales des sciences naturelles
1845 : Voyage au pôle sud et en Océanie sur les corvettes l’Astrolabe et la Zélée de 1837 à 1840, par Dumont d’Urville
1844-1846 : Voyage autour du monde exécuté en 1836-1837 sur la corvette la Bonite, par Vaillant, capitaine de vaisseau, partie botanique par Godichaud, membre de l’Institut (les planches, qui rendent avec la plus grande exactitude les charmants et fidèles dessins de M. Riocreux…)
1846 : Choix de plantes de la Nouvelle-Zélande (récoltes de Raoul)
1846 : Voyage autour du monde sur la frégate la Venus, Du Petit-Thouars
1849 : Weddell Hugues Algernon, Histoire naturelle des Quinquinas (34 planches de Riocreux et Steinhel)
1851 : Fungi hypogaei, Histoire et monographie des champignons hypogés, Louis-René Tulasne
1852-1877 : collaborations aux chromolithographies de la Revue Horticole
1855 : Expédition dans la partie centrale de l’Amérique du Sud, de Rio de Janeiro à Lima et de Lima au Para (1843-1847), sous la direction de Francis de Castelnau. Partie botanique par Weddell
1856 environ : réalisation de chromolithographies pour le Journal de la Société Impériale et Centrale d’Horticulture
1857-1860 : réalisation des gravures en noir in texte de la Revue Horticole
1865 : lorsque paraît chez Donnaud le Nouveau jardinier illustré, Riocreux est appelé à son illustration aux côtés de Courtin, Faguet et Maubert.
1867 : Elements de botanique, Pierre Duchartre
1868 : Traité général de botanique descriptive et analytique, Le Maout et Decaisne (et réédition 1876)
1862-1875 : Le jardin fruitier du Muséum, Decaisne et al 9 volumes
1877 : L’amateur de jardins, Decaisne et Naudin
1878 : Etudes phycologiques, analyse d’algues marines, par Gustave Thuret
1882-1897 : Illustrationes florae atlanticae…, Cosson et Cuisin
1885 : Elements de botanique, Pierre Duchartre
1885 : Arboretum Segrezianum, Icones selectae arborum et fruticum, Lavallée
1891 : Supervision de l’iconographie de la Silva of North America de Sargent
Riocreux a en outre collaboré très jeune aux derniers volumes de l’ouvrage de De Candolle et Turpin, paru entre 1820 et 1845, deIcones selectae plantarum… descripsit Aug. Pyr. De Candolle.