Agriculture urbaine : des attentes parfois conflictuelles
Antoine Lagneau
Aujourd’hui, le renouveau de l’agriculture urbaine (AU) s’accompagne d’une évolution dans les motivations de celles et ceux qui la pratiquent. Les attentes peuvent être complémentaires mais aussi contradictoires, voire conflictuelles, en termes d’usages ou d’idées. Il n’y a donc pas une, mais DES agricultures urbaines où se croisent de multiples acteurs aux visions souvent hétérogènes. Il est en effet difficile de trouver un point commun entre les pratiques (permacoles ou non) dans un jardin partagé ou sur une parcelle familiale et l’AU 3.0 faite de tours high-tech et de serres ultra-connectées.
Déjà une récupération politico-économique ?
À ce virage technologique s’ajoutent de nouveaux visages. Carrefour, Auchan, Bouygues Construction, Vinci, Veolia, Suez, investissent l’AU, attirés par l’émergence d’un marché jugé prometteur. Grâce à leur puissance financière et technique, ces géants séduisent des collectivités désireuses de développer l’AU sur leur territoire, parfois non sans arrière-pensées politiques. De ces combinaisons d’acteurs et de pratiques surgissent des projets dont la cohérence soulève parfois quelques interrogations.
Ainsi à Dijon, la municipalité a-t-elle choisi de construire un éco-quartier sur une ancienne friche maraîchère. Baptisé « Éco Cité-jardin des maraîchers », ce projet, forcément « écologique », va jusqu’à proposer des espaces privatifs d’agriculture urbaine. Selon ses promoteurs, les futurs habitants pourront vivre « la campagne à la ville grâce la conservation du passé maraîcher »… Un exemple pas si isolé où l’on perçoit une forme de récupération, et qui montre surtout que l’AU est aujourd’hui à la croisée des chemins. Il est peut-être temps de réfléchir à des projets de plus petite taille, pensés par ou avec les habitants, respectueux des saisons et de la biodiversité ordinaire et cultivée, aux ambitions alimentaires modestes, avec des techniques plus respectueuses de l’environnement, permacoles ou faisant appel à l’agro-écologie.