À Chèvreloup : Une collection exceptionnelle de fuchsias et pélargoniums
Les serres de l’arboretum de Chèvreloup (Yvelines) abritent un exceptionnel patrimoine de fuchsias et de pélargoniums. Ce patrimoine, conservé par le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) et entretenu par les jardiniers de l’arboretum s’est enrichi au fil des ans. Découvertes, descriptions, connaissances scientifiques, préservation, diffusion des connaissances sont les lignes directrices qui guident l’entretien de ce patrimoine depuis sa création. La prise de conscience actuelle de la préservation de la biodiversité vient renforcer l’action menée par l’arboretum et le MNHN.
À l’origine des collections exceptionnelles de l’arboretum de Chèvreloup (Yvelines), qui regroupent des fuchsias et des pélargoniums, des collectionneurs amateurs passionnés ! C’est Jean-Pierre Damion, grand connaisseur du genre pélargonium qui, aidé par Alain Karg, responsable de l’arboretum de Chèvreloup, a contribué à rassembler cette collection, ainsi que celle du Parc floral de Paris. Cette action conjointe a permis, par la même occasion, la création de la section Fuchsias-Pélargoniums de la Société nationale d’horticulture de France.
La valeur patrimoniale des collections de pélargoniums
La majorité des pélargoniums botaniques est originaire d’Afrique du Sud. C’est un biotope au climat particulier proche du climat méditerranéen, de très faible étendue géographique et qui abrite un nombre considérable d’espèces endémiques. L’évolution rapide des conditions bioclimatiques ajoutées à des actions anthropiques néfastes peut facilement mettre en péril ces plantes dans ce type de biotope. Nous savons en outre que le nombre d’espèces botaniques de pélargoniums, de l’ordre de 280, est réduit, et que peu d’entre elles ont été utilisées pour produire nos cultivars favoris. C’est la raison pour laquelle les collections de pélargoniums ont une valeur patrimoniale considérable pour le maintien de la biodiversité.
Cette collection de pélargoniums, abrités dans les serres de l’arboretum, peut être divisée en trois grandes catégories. Tout d’abord, on trouve la collection d’espèces botaniques, qui ont été collectées dans leur espace naturel et sont maintenant multipliées dans les serres de l’arboretum. Ensuite, on rencontre la collection de cultivars, qui ont été et continuent d’être obtenus par croisements successifs d’espèces botaniques. Enfin, la collection de pélargoniums odorants, botaniques ou cultivars, constitue un groupe particulier.
Les pélargoniums de Chèvreloup rassemblent plus de 100 espèces de pélargoniums botaniques, plus de 400 cultivars et odorants et sont installés sur une surface de 500 mètres carrés, dans des serres et tunnels où la température ne descend jamais en dessous de +5 °C pendant l’hiver.
Origine et maintien des collections
Les espèces botaniques ont, pour leur grande majorité, été collectées par Jean-Pierre Damion au cours de ses voyages en Afrique du Sud. Les cultivars des pélargoniums zonal de feuillage fantaisie sont, pour la plupart, issus d’une donation de Yannick Fournet (Établissement Planète Pélargonium). C’est maintenant sous la responsabilité de Lucie Vialle que ces plantes se développent, fleurissent, se reposent au rythme des saisons, souvent en décalage avec les nôtres en raison de leur origine australe. Les jardinières et jardiniers de l’arboretum maintiennent les collections en bon état de conservation. Arrosages, rempotages, lutte contre les prédateurs et bouturage sont leurs activités quotidiennes.
Les fuchsias pas en reste
Les serres de l’arboretum de Chèvreloup abritent également la collection nationale de fuchsias botaniques et cultivars. Celle-ci est composée de plus de soixante spécimens botaniques et de plus de cinq cents cultivars. Elle est labellisée Collection nationale (CN) par le Conservatoire des collections végétales spécialisées (CCVS).
L’arrivée de cette collection dans les serres de l’arboretum mérite d’être contée. Gilles Doisy, président de la jeune section Fuchsia de la SNHF en 1979, expliquait : « On doit cette réussite également à la générosité des collectionneurs amateurs qui ont spontanément offert les plants de nombreuses variétés de Fuchsia qui constituent l’essentiel de la collection, mais aussi et surtout, à la participation du Muséum national d’Histoire naturelle (Serres de Chèvreloup) qui a accepté de prendre en charge cette col lection aujourd’hui unique en France. » La collection débute alors avec près de 200 spécimens, botaniques et cultivars confondus.
Heureusement l’histoire ne s’arrête pas là. Les années 2000 verront la collection s’enrichir de plusieurs manières. On trouve de nouvelles créations comme le superbe « Ville de Rocquencourt », créé par Jean-Marc Huot, qui est baptisé à Chèvreloup lors d’Eurofuchsia en 2009, de nouveaux spécimens botaniques comme Fuchsia mezae découvert près de la ville de Laco en Équateur par Jean-Luc Marcenac et Sébastien Guillot, et des échanges avec nos amis d’Eurofuchsia.
L’année 2009 est celle de la très importante acquisition de fuchsias botaniques. La société britannique Fuchsia Research International est contrainte d’arrêter ses activités. Sa collection de fuchsias botaniques, conservée au Pays de Galles, à Margham Park, était vouée à la disparition. Grâce aux liens d’amitié entre Arthur Thickner et Alain Karg, une opération de sauvetage rapatriement est alors menée à bien. Cet ensemble de fuchsias botaniques constitue de nos jours la base de la collection botanique, plantée en pleine terre, conservée dans un tunnel spécialement conçu et équipé pour lui offrir les conditions de croissance optimales.
Aux petits soins pour les collections
Les fuchsias les plus rustiques, qu’ils soient cultivars ou botaniques, sont également plantés en pleine terre à l’extérieur sur différents sites de l’arboretum. Alain Karg a créé un jardin expérimental de fuchsias dans la partie publique de l’arboretum. On trouve aussi quelques spécimens sud-américains dans la zone « Patagonie » de l’arboretum.
Un projet de serre très important, ouvert plus largement au public, mieux adapté au maintien des conditions idéales de croissance des divers fuchsias botaniques (dont les origines vont de l’Amérique du Nord à la Patagonie, sans oublier la Nouvelle-Zélande et Tahiti) verra bientôt le jour. La collection de fuchsias et celle de pélargoniums sont soigneusement entretenues par les jardinières et jardiniers de l’arboretum. Les fuchsias, dont la survie est parfois très délicate, sont bouturés en permanence. Nombre de cultivars sont montés en tige, d’autres sont cultivés en suspension de manière à bien mettre en valeur leur superbe floraison. Pélargoniums et fuchsias occupent une place considérable dans l’univers floral à la fois historique et actuel de notre société. Ce patrimoine est à la fois un témoin de l’histoire et une source d’inspiration pour les années à venir.
Je tiens à remercier chaleureusement le Muséum national d’Histoire naturelle ainsi qu’Alain Karg, responsable du domaine de Chèvreloup, qui m’ont toujours facilité l’accès aux collections.
Alain Le Borgne
Section Fuchsia-Pélargonium de la SNHF