Les plantes aquatiques ornementales

Rémi Quintin

Au sein de la grande diversité des plantes ornementales, les plantes aquatiques sont généralement considérées comme une niche parmi les vivaces. La gamme disponible est   le reflet des techniques culturales existantes et des travaux de sélections menés. On distingue trois types d'utilisation des plantes aquatiques. Outre le bassin d'ornement, le marché de la végétalisation des lagunages est le plus important mais ne concerne que peu d'espèces. Enfin, les piscines biologiques sont aujourd'hui plus une vitrine pour les plantes aquatiques qu'un véritable marché.


Fleurs, feuilles et fruits de lotus - © R. Quintin

Fleurs, feuilles et fruits de lotus © Rémi Quintin

 

Il est difficile d’évaluer globalement le marché des plantes aquatiques, les statistiques sont peu nombreuses et peu précises. Les pépinières spécialisées en France ne sont pas plus d'une dizaine et ont souvent une pluriactivité qui leur permet de lisser leur activité sur l'ensemble de l'année : vente sur place et par correspondance, paysagisme, parc à vocation touristique, revendeur de matériel de bassin, voire de poissons d'ornement. Le recensement agricole de 2001 a compté 127 exploitations, qui ont vendu 1 280 000 de « plantes aquatiques pour bassin de plein air ». Ce chiffre inclue les pépinières généralistes qui proposent des plantes aquatiques. Les ventes se réalisent sur le printemps et l'été mais restent techniquement possibles toute l'année.


Recherche inexistante en France

La grande majorité des espèces cultivées au bassin ne possède pas de cultivars. Seuls les lotus et nénuphars possèdent une véritable gamme. La recherche et l'expérimentation en plantes aquatiques ornementales sont inexistantes aujourd'hui en France, alors qu'aux Etats-Unis, dans le monde anglo-saxon et en Thaïlande (où sont produits de nombreux nénuphars) des hybrideurs sont en lien avec des universités ou des jardins botaniques. Les nénuphars et lotus sont les plantes dont le commerce représente la plus grande valeur sur le marché des particuliers. Un nénuphar de variété courante se vend entre cinq euros en jardinerie et vingt euros en pépinières spécialisées. La différence de prix se justifie par le conditionnement (racines nues, motte de 5 cm, godet ou pot) et la taille de la plante. Les plus grosses résisteront mieux à leur séjour hors du bassin et refleuriront plus vite.

En pépinière, les nénuphars et lotus sont cultivés en pleine terre dans les bassins au fond desquels se trouve une couche de terre argileuse à limoneuse d'une vingtaine de centimètres. La hauteur d'eau dans les bassins varie selon les variétés entre 10 cm et 50 cm.


Rhizome de type Marliac (trapu) - © R. Quintin

Rhizome de type tuberosa (allongé) © - R. Quintin

1: Rhizome de type Marliac (trapu) © Rémi Quintin / 2: Rhizome de type tuberosa (allongé) © Rémi Quintin



Nénuphars de l’ancien ou du nouveau monde

Les poteries horticoles traditionnelles sont peu adaptées à la culture des plantes aquatiques. Leur système racinaire se développe d'une manière bien plus horizontale que celui des plantes terrestres qui doivent aller chercher l'eau en profondeur. Une couche de 10 à 20 cm est suffisante pour leur développement. Cependant, elles vont avoir besoin de s'étendre sur une surface d'au moins 20 cm de diamètre. On peut classer les nénuphars en deux grands types de variétés. Les variétés de l'ancien monde ont pour particularité d'être facilement commercialisables en pot d'une dizaine de centimètres car le rhizome est trapu (voir illustration 1). Les variétés dites du nouveau monde, dont les rhizomes sont allongés, doivent être cultivées dans des pots de diamètre plus important ce qui rend leur commercialisation via les réseaux traditionnels plus compliquée (voir illustration 2). Une technique spécifique est utilisée pour la multiplication des nénuphars : les bourgeons latéraux vont développer des feuilles et des racines lorsqu'un morceau de rhizome sans tête est mis à flotter dans l'eau. Il est ensuite possible de les détacher et de les repiquer dans les bassins de culture. La floraison des nénuphars dure trois jours durant lesquels la fleur va passer de femelle à mâle en se refermant chaque nuit. Il en est de même pour le lotus bien qu'il ne soit pas classé dans la même famille botanique (respectivement : Nymphéacées et Nélumbonacées). Ces deux plantes, pourtant bien différentes, sont trop souvent confondues.



Les nœuds fragiles du lotus

Les lotus sont considérés à tort comme étant peu rustiques. Or, au fond d'un bassin assez profond la température ne descend jamais au dessous de 0°C car la glace reste en surface et n'atteint pas le rhizome. Le réseau de rhizomes va coloniser tout l'espace qui lui est proposé pour produire des feuilles dès mai, puis des fleurs à partir du mois de juin. Le lotus nécessite d'être fertilisé de façon importante, soit en déposant une couche de fumier sous la couche d'argile à la plantation, soit en ajoutant régulièrement à petites doses de l'engrais soluble dans l'eau du bassin. Il se multiplie par la division des rhizomes qui de pratique à la fin de l'hiver. Cette opération est rendue délicate par l’extrême fragilité des nœuds imperméables cassant facilement lorsqu'ils sont manipulés sous une couche de terre lourde. De plus, la faible période de commercialisation des rhizomes nus incite les pépiniéristes à se tourner vers la vente en pot, moins risquée mais plus compliquée au niveau de la manutention et qui peut se faire toute l'année, notamment en été quand la plante est fleurie et suscite la convoitise des consommateurs. Leur difficulté de commercialisation explique le coût élevé de ces plantes, entre vingt et soixante euros par pied.


Les plantes de berge

En dehors de ces plantes « de profondeur », la diversité de la gamme des plantes aquatiques se trouve dans les plantes dites de berge qui vont pousser depuis des sols détrempés jusqu'à 30 cm sous la surface de l'eau. Le comportement envahissant de bon nombre d'entre elles facilite la culture par division de pieds-mères. Cependant, pour des raisons d’homogénéité et de réduction des tailles des contenants, difficulté et coûts de gestion des parcs de pieds-mères, le semis est la méthode de multiplication désormais privilégiée pour bon nombre de vivaces aquatiques.

La majorité des plantes aquatiques sont cultivées dans le but d'utiliser leur capacité à épurer l'eau dans laquelle elles poussent. Phragmites, Typhas, sont vendus en godets pour  la phyto-épuration tandis que les Cyperus et autres Juncus ou Schoenoplectus sont plus courants dans les baignades naturelles aménagées par certaines communes ou chez des particuliers. Les plantes dont le feuillage est en grande partie ou totalement immergé vont apporter l'oxygène aux bactéries qui décomposent la matière organique du milieu aquatique. Les oxygénantes les plus courantes sont l'Elodea, les Myrriophyllum et les Hippuris.


Iris laevigata - © Rémi Quintin

Iris laevigata - © Rémi Quintin

La porte d’entrée du jardinage aquatique

Parmi les plantes de berges, dont le rôle est principalement décoratif, les iris sont les plus connus et ceux dont il existe la plus grande diversité de variétés et d’espèces commercialisées (Iris pseudoacorus, Iris laevigata, Iris versicolor et leurs variétés). Autrement, le Caltha palustris, dont il existe des variétés blanches, jaunes ou doubles, fleurit au printemps et les Pontederia fleurissent bleu en été. Les Butomus ou Salicaria peuvent également apporter de la couleur de façon plus continue autour des bassins même s’il n'existe pas de variétés bien différentes des espèces sauvages. Toutes ces plantes peuvent être cultivées dans des petits contenants pour des bassins miniatures à prix réduit. Elles sont une porte d'entrée vers le jardinage aquatique trop souvent ignoré des professionnels.


Un exotisme suggéré

Il existe également une gamme de plantes aquatiques plus sensibles au froid qui impressionnent tant par leur développement que par l'exotisme qu'elles suggèrent. Les nénuphars tropicaux sont des plantes de collection qui valent aux alentour de trente euros. Ils forment des cormus qui se multiplient facilement et n'ont pas besoin d'un volume de substrat important pour se développer, mais leur culture nécessite énormément de chaleur. Les Canna aquatiques dont quatre variétés ont été développées ou le Thalia dealbata sont cultivés de façon assez anecdotiques et en tant que vivaces là où le climat le permet. A l'inverse, pour les Cyperus et les Colocasia, les méthodes de multiplication et les quantités produites permettent leur vente à un prix réduit, considérant leur culture comme annuelle.

Les jacinthes d'eau et laitues d'eau sont les seules plantes cultivées comme annuelles dans les bassins, leurs racines se développent dans l'eau sans s’accrocher à aucun support. Leur multiplication s'effectue via les stolons. Leur vigueur exceptionnelle leur permet d'être considérées comme de bonnes dépolluantes.

 

Peu compliquées

Les plantes aquatiques effraient souvent le jardiniers novice alors qu'elles sont les plus simples à arroser, qu'elles ne nécessitent pas pour leur culture de maîtriser des savoirs techniques (taille, rempotage, semis....). Elles sont le prototype de ce que recherche les jardiniers débutants du XXI ème siècle, une plante qu'on achète prête à installer, qui va pousser sans demander de soins compliqués ni trop réguliers même en été, le tout dans un environnement aquatique qui suggère le calme, le repos. Cependant, elles ne produisent pas de fruits consommables. Il est presque impossible d'en cultiver en intérieur ou sur un balcon, ce qui limite la clientèle et, malgré tout, le bassin reste un écosystème difficile à appréhender pour le néophyte.


A lire

www.victoria-adventure.org/

www.latour-marliac.com

Les nymphéas rustiques, Editions « Jardins et décors aquatiques » Pol Detienne, 2005