Un jardin à Châtillon
Stéphane Jonckheere , Emmanuel Broustal
L’eau, source de plaisir
A Châtillon, au Sud de Paris, les concepteurs-paysagistes Stéphane Jonckheere et Emmanuel Broustal ont été sollicités pour réhabiliter un jardin à « ambiance d’ouvrier ». Ils nous font revivre les étapes de leur réflexion, depuis l’état des lieux jusqu’à la proposition d’aménagement, tenant aussi bien du contexte que de ses habitants. L’écologie est le maître mot, en veillant à intégrer l’eau sous toutes ses formes.
Un an après sa réalisation, l’aspect souhaité « eau dans une ambiance écologique » est manifeste - © S. Jonchkeere
Le jardin est situé à Chatillon au Sud Ouest de Paris dans un quartier excentré, calme et tranquille. Avec une surface de 700 m2 orienté Nord / Sud, il bénéficie d’une qualité végétale généreuse au milieu d’une jungle urbaine ou la luminosité joue un rôle important. La végétation est luxuriante et il reste une trame d’un ancien verger de pommiers le long des limites Est et Ouest. Au bout d’une allée de rosiers, un appentis et un grand mur rouge servent de toile de fond. Une ambiance de jardin d’ouvrier avec quelques hangars dans un fouillis sauvage s’en dégage. L’espace n’est pas structuré et donne une impression de friche où la nature reprend le dessus.
Pour recevoir et se détendre
L’architecture date d’avant-guerre, une extension à été réalisée en respectant l’existant. Un mur de briques rouge ceinture le jardin et crée un microclimat favorable à la culture maraîchère. A l’arrière une terrasse surplombe le jardin et apporte un nouveau point de vue. Il y a une certaine harmonie des proportions avec un accès difficile vers le jardin. On est obligé de passer sous l’extension où sont entreposés du mobilier et une table de ping-pong pour y accéder. La famille est composée de 2 adultes et 2 enfants âgés de 14 et 10ans. Ils ont envie d’un jardin pour recevoir (barbecue, apéro), se détendre, un espace intime pour s’assoir et se poser. Ils désirent casser cet effet couloir et retrouver des formes plus organiques. Déplacer certains pommiers et en se donnant le choix d’en éliminer certains. Découvrir des plantes de la région disposées, réunies et combiné avec des plantes introduite de manière à produire un effet plus inattendu et dynamique. Un vide pour respirer, évoqué par une prairie semi naturelle. Des plantes aromatiques, thym, estragon, jasmin et d’autres herbes odorantes, qui semblent croitre naturellement avec les autres. Recueillir les eaux de pluie pour irriguer, animer, transformer et aménager des zones humide dans le jardin.
Le jardin avant son aménagement : une architecture d’avant-guerre et une végétation luxuriante - © S. Jonchkeere
Les caducs représentent 90 % des plantes. La végétation est en bon état, à l’exception de certains rosiers. Les pommiers apportent un coté mono-spécifique et quelque peu ennuyeux à l’humeur générale et semblent là depuis longtemps. Ces derniers possèdent une qualité architecturale et thermique lorsque que l’on se trouve sous leur couvert. La texture des feuillages est classique, seul le feuillage des iris et du magnolia apporte un coté graphique et structuré. Il fonctionne bien avec l’extension plus contemporaine du bâtiment. La terre est de bonne qualité, elle est drainante et la prairie de qualité moyenne. Des graminées recouvrent irrégulièrement le sol. Pivoine, hortensias, arbre à papillon, arbre de Judée, cerisier cohabitent avec laurier, romarin et quelques thyms apportant une touche méditerranéenne à l’ensemble.
Associer architecture et écologie
A l’origine ce jardin avait pour fonction de faire pousser des produits comestibles. Le plan est basé sur la disposition la plus efficace possible pour y cultiver fruits et légumes. Ces motifs de plates bandes imposent un rythme formel et régulier. Sauvage, intime et clos, orienté Nord en fait un lieu calme et sécurisant. C’est un espace avec un fort potentiel. On peut avoir dans ce jardin, tout l’ombrage, le relief, la grâce, la beauté, en retrouvant une identité, un usage adapté à ses habitants en composant avec la nature. Notre ambition a été de créer un projet de qualité pour ses habitants en associant projet paysager, architecture et écologie afin de régénérer le verger. Relier des éléments du bâti au jardin à travers une mise en scène écologique et faire prendre conscience du passé et de l’avenir.
Un jardin de pluie
Le diagnostic a dégagé plusieurs lignes directrices. A commencer par modifier l’usage du verger en s’appuyant sur son passé pour créer un jardin d’avenir et conserver le « génie du lieu ». Puis retrouver une unité entre le jardin et l’architecture en créant des relations spatiales entre dedans et dehors, des articulations, des seuils et des transitions douces et revaloriser l’entrée du jardin. Enfin, réaménager le jardin avec des enjeux environnementaux par une mise en scène écologique : un jardin de pluie. C’est un jardin qui intègre l’eau sous toutes ses formes, stagnante ou courante, en surface ou sous terre. L’excès d’eau de ruissellement de la maison est capté, stocké puis utilisé pour irriguer, animer le jardin. Elle est source de plaisir, de bien être, dans une démarche durable esthétique et novatrice. La topographie naturelle s’écoule naturellement vers le bas du jardin et un léger modelage a permis de créer un bassin, une noue, et une dépression perméable permettant à l’eau de retourner vers la nappe phréatique.
Le jardin intègre l’eau sous toutes ses formes, stagnante ou courante, en surface ou sous terre. L’excès d’eau de ruissellement de la maison est capté, stocké puis utilisé pour irriguer, animer le jardin
Comme un écosystème
L’organisation rurale issue d’un système après-guerre au principe agraire de culture du jardin potager a conditionné l’implantation du jardin. Une légère dépression sur un fond plat riche et fertile parfois inondable est rassemblée dans un espace au relief doux vers l’arrière du jardin. Un jardin doit fonctionner comme un écosystème, autonome et ne réclamer que très peu d’intervention. Des matériaux recyclés ont été employés, comme de la brique rouge concassée provenant du jardin pour créer des allées. Les matériaux locaux sont utilisés dans le jardin pour réduire l’empreinte carbone et favoriser l’identité régionale. Les principes de l’écologie se manifestent surtout par la création d’habitat où les plantes se plaisent ensemble, sans trop se faire de concurrence, adaptées au sol et aux conditions climatiques. Ce jardin va jouer un rôle essentiel dans la protection de la nature. Un tracé formel a été adopté, avec des lignes précises et élégantes où les plantes, mélanges de graminées et de vivaces, d’arbres et arbustes endémiques, semblent pousser et foisonner à leur guise.