Le chanvre, de la fibre au chènevis
Guillaume Duval
Le chanvre donne naissance à trois matières premières : la fibre, la chènevotte et le chènevis[1]. La graine de chanvre, aussi appelée chènevis, est utilisée directement pour l’alimentation animale ou transformée en huile pour l’alimentation humaine (voir encadré). Elle est aussi à l’origine des cultures puisque cette plante cultivée annuellement est issue de semences.
La filière française portée par ses variétés monoïques
Malgré l’avènement des matériaux plastiques, la France est restée le seul pays à poursuivre la sélection de variétés de chanvre monoïques[2] alors que les variétés anciennes étaient dioïques comme la plante d’origine.
Ces nouvelles variétés ont profondément simplifié la production. Elles sont plus productives et à maturité homogène. La seule difficulté est l’élimination des pieds mâles résiduels (épuration) lors de la production de semences.
La production de semences, une exclusivité française
La FNPC (Fédération Nationale des Producteurs de Chanvre) est l’actuel obtenteur de la plupart des variétés autorisées en France. Elle délègue la production à la CCPSC (Coopérative Centrale des Producteurs de Semences de Chanvre) basée à Beaufort-en-Vallée (Maine-et-Loire), dans une des zones propices à la production de semences. En effet, la diversité des types de sol, la climatologie favorable, ainsi que l’expertise des agriculteurs-multiplicateurs, en font une des zones où la superficie des productions de semences est la plus importante.
En 2014, La CCPSC produisait sur 870 hectares, principalement dans un rayon de 40 kilomètres autour de la station de Beaufort-en-Vallée. En 2016, la surface mise en production dépasse les 1 500 ha, désormais sur 7 départements. Mais toujours avec un noyau dur de 1 200 ha sur le bassin originel.
Des modalités de production de semences très étudiées
Le chanvre industriel, bien que produit pour divers usages, est avant tout une plante à fibres. La méthodologie pour produire des semences de qualité oblige la CCPSC à concevoir un mode de production adapté. La densité de semis influe énormément sur la hauteur des plantes, ainsi que sur la propension à ramifier, donc sur la qualité des fibres. Au contraire, en production de semences, la densité de semis doit être réduite afin d’optimiser la floraison et la fécondation. Cette technique facilite aussi le passage des techniciens lors de l’épuration manuelle.
La récolte a lieu durant le mois de septembre. La CCPSC travaille avec plusieurs entrepreneurs et groupements d’agriculteurs, pour un total de 10 machines dont les adaptations permettent de récolter ces plantes impressionnantes (jusqu’à 4m de hauteur).
Un ha produit environ 2 t de semences brutes, à une humidité située entre 20 et 30 %. Le chanvre reste relativement sensible à l’égrainage, c’est pourquoi la récolte doit se faire avant que les plantes et les graines ne soient trop sèches.
Le séchage est effectué juste après la récolte, les semences sont nettoyées puis triées, le rendement final avoisine les 1,2 t/ha. Chaque lot est certifié officiellement par un organisme agréé.
Etant donné le renouveau des usages du chanvre, la CCPSC accroît actuellement sa production ainsi que son rayonnement géographique. Elle compte aujourd’hui 48 pays clients, autant pour la fourniture de semences que pour l’amélioration et la création de variétés spécifiques à certains pays ou domaines d’activités (plasturgie, précocité, productivité de graines).
Le chènevis, tout le monde en raffole
La graine de chanvre est utilisée autant pour les animaux que pour la consommation humaine. Le chènevis est un « aimant » à poisson, comme le disent si bien les pêcheurs qui passent prendre quelques kilogrammes à la CCPSC. Les petites graines s’utilisent pour amorcer les zones de pêches, parfois plusieurs jours avant la partie. Par la suite, les pécheurs préparent le gros chènevis à la casserole en le faisant germer. Ils peuvent l’accrocher à l’hameçon et placer celui-ci judicieusement sur la zone de pêche précédemment amorcée.
Cette graine est utilisée aussi en oisellerie, particulièrement dans des mélanges pour oiseaux, mais aussi spécialement pour les pigeons voyageurs qui ont besoin d’énormément d’énergie durant leurs concours.
Enfin, l’huile de chanvre pour l’alimentation humaine est de plus en plus utilisée, en particulier dans les mélanges pour l’assaisonnement des salades.
[1] Voir l’article de Sylvestre Bertucelli dans ce dossier : Chanvre : usages d’hier et d’aujourd’hui
[2] Monoïque : fleurs mâles et femelles sur le même pied ; dioïque : pieds mâles et femelles séparés