Parc de la Tête d’Or : roseraie en gestion écologique
Daniel Boulens
Le parc de la Tête d’Or de Lyon renferme trois roseraies complémentaires. Elles sont à la fois des conservatoires de roses anciennes, des espaces de découverte de roses modernes, qui allient esthétique, savoir-faire et plaisir de la déambulation pour le visiteur.
- La roseraie du Parc de la Tête d’Or (dite aussi roseraie internationale) : sur près de 5 hectares elle regroupe 8 846 rosiers de près de 450 variétés différentes. Inaugurée le 19 juin 1964, en présence de la Princesse Grâce, la roseraie est un réel enchantement de couleurs et de parfums chaque année en mai- juin.
- La roseraie historique du Jardin Botanique : réaménagée en 2014 sur les conseils de l’Association Roses Anciennes en France, cette roseraie renferme 270 variétés de rosiers, dont les principales variétés de l’âge d’or lyonnais.
- La roseraie de concours : créée en tant que roseraie d’essai en 1931, elle poursuit aujourd’hui sa vocation de test et d’expérimentation de roses nouvelles issues du monde entier. Chaque année elle est l’occasion d’un concours international le premier vendredi du mois de juin et décerne le titre de « plus belle rose de France ». Elle contient plus de 2000 rosiers.
Une gestion environnementale exemplaire
A mon arrivée en 2001, j’avais donné, comme ligne de conduite, le « zéro produits phytosanitaires » dans nos jardins sous 5 ans. C’est ce que nous avons fait.
Il a tout d’abord fallu vaincre les réticences de nos propres jardiniers, habitués des techniques horticoles traditionnelles. Cela s’est fait progressivement par l’expérimentation.
Coccinelles contre pucerons
Pour la lutte contre les insectes, en particulier les pucerons, nous avons adopté très vite les techniques de la « P.B.I » (Protection Biologique Intégrée), avec des lâchers de larves de coccinelles, de petits hyménoptères (Aphidius colemani, Aphidoletes). La mise en œuvre de cette technique a été basée sur l’estimation et le comptage des parasites présents. En fonction de seuils prédéterminés, nous procédons à des lâchers. Réalisés quelquefois au cours d’animations pédagogiques, par des enfants des écoles lyonnaises, c’est un excellent moyen de communiquer sur l’évolution de nos pratiques.
Nos roseraies sont arrivées à un point d’équilibre, grâce notamment à une diversification des végétaux (plantes vivaces, bulbes, arbustes à fleurs) qui constituent un vrai écosystème où proies et prédateurs coexistent. J’ai pu noter le rôle important des oiseaux qui picorent les pucerons sur les jeunes tiges de rosiers. Tout cela n’existait plus lorsque nous utilisions des insecticides à large spectre.
Le bons sens contre les maladies
Les maladies dues à des champignons – rouille, oïdium, mildiou, tâches noires – sont nombreuses et beaucoup de jardiniers ne savent pas les reconnaitre. Alors par méconnaissance, la « bouillie bordelaise » était largement employée. Mais le cuivre ne se détruit pas dans l’environnement et, de ce fait, il peut, par accumulation, réduire l’activité des micro-organismes et des vers de terre.
Nous sommes donc revenus à des pratiques d’observation et de bon sens !
Tout d’abord, nous avons éliminées les variétés de roses les moins résistantes pour les remplacer par des variétés réputées pour leur résistance. Nous avons aussi revu le positionnement de certains massifs, en privilégiant un ensoleillement maximal, mais aussi une bonne aération du sol. Nous avons favorisé les arrosages très matinaux sans toutefois pouvoir éviter l’aspersion puisque notre système était conçu comme cela. Puis, nous avons entrepris un suivi précis pour enlever fleurs fanées ou feuilles atteintes par les maladies. Et enfin, pour être honnêtes, nous avons appris à composer avec l’arrivée de ces fameuses taches noires ou rouilles lorsqu’elles sont résiduelles nous les acceptons, si la qualité de la fleur l’emporte sur la qualité du feuillage.
Chlorose et analyse de sol
Le jaunissement des feuilles (chlorose) est une question majeure pour nos roseraies qui touche à la nutrition de la plante et à la qualité du sol. La plupart du temps, il est en lien avec un sol trop pauvre, lourd et calcaire qui empêche l’arbuste de puiser dans la terre le fer et les autres oligo-éléments. Pour faire face à ce problème, nous avons procédé à des analyses de sols pour compléter et faire les apports de magnésie nécessaires. Les analyses ont montré, en outre, que nos sols étaient suffisamment riches en matière organique, grâce aux apports de mulch ou de composts de fumier (tous les 3 ans). De plus, nous n’hésitons pas à changer toute la vieille terre sur près de 80 cm et à apporter, en fond de trou, du fumier bien décomposé et des engrais organique (du type cornaille), pour inciter les racines des rosiers à descendre profondément et assurer ainsi leur résistance.
Nouvelles méthodes contre les « mauvaises herbes »
Le zéro phyto n’a pas été très simple à mettre en œuvre, car notre principale consommation de produits était consacrée aux herbicides. Mais nous y sommes arrivés !
Pour les allées, après avoir testés les méthodes à l’eau chaude, à la vapeur, nous restons aux techniques manuelles à la binette ou par raclage. Mais là aussi, l’observation montre que c’est la qualité des revêtements de sols qui est importante. Un sol stabilisé bien réalisé, ou une couche de petits gravillons, peuvent être très efficaces contre la levée de plantes indésirables. L’observation est aussi nécessaire pour reconnaître la nature de ces indésirables. A quoi bon s’acharner à enlever des « mauvaises » herbes annuelles qui seront grillées par le soleil de l’été ! Par contre sus aux liserons et chiendents, qu’il faut enlever consciencieusement dès leur apparition.
Pour les parties plantées de rosiers, nous avons testé de nombreux types de mulch : paille de coco, fibres de lin, bois raméal fragmenté, pouzzolane, petits graviers, compost, fumiers compostés, … Tous ont des avantages et des défauts. Il convient là encore d’être observateurs et de choisir le mieux adapté. Actuellement, nous utilisons des mulch par alternance sur plusieurs années, à base de composts végétaux et de fumiers. Mais il faut être vigilant à ne pas trop enrichir le sol en matières organiques.
Un Jardin d’Excellence
Les roseraies du Parc de la Tête d’Or ont donc fait partie de cette révolution « nature », un vrai défi qui semblait impossible à relever il y a encore quelques années, mais qui a pourtant été réussi. Preuve s’il en est, en 2006 la roseraie internationale du Parc, s’est vue décernée le label « Jardin d’Excellence » par la Fédération Mondiale des Sociétés de Roses (WFRS), ce qui nous classe parmi les 20 plus belles roseraies du monde ! Un bel exemple qui prouve que sans aucun traitement chimique (pas d’herbicide, aucun fongicide, aucun insecticide) une roseraie peut être belle, esthétique et procurer charme et ravissement.
Les Roses et Lyon
On ne peut parler de la roseraie du Parc de la Tête d’Or sans revenir sur l’histoire de la rose et de la ville de Lyon. Lyon se targue d’être aujourd’hui encore la capitale mondiale de la création de roses, avec les dynasties qui ont créé cette histoire : les Guillot, Pernet-Ducher, Laperrière, Reuter, Orard et bien sûr Meilland !
1867 et 1900 marquent sans doute les tournants dans l’histoire de la rose à Lyon, avec pour la première date, l’obtention par Jean Baptiste Guillot de la première rose hybride de thé ‘la France’ et pour la seconde, l’obtention de la première rose hybride de thé de couleur jaune – orangé, ‘Soleil d’Or’ par Joseph Pernet-Ducher, appelé malicieusement « le magicien de Lyon ».
Cette riche histoire est fort bien retracée dans trois ouvrages :
- Crozat S., Marchenay P., Bérard L. Fleurs, fruits, légumes, l’épopée lyonnaise. Éditions Lyonnaise d’Art et d’’histoire, 2010
- Eberhard P. Lyon-Rose : 1796-2006, entre Lyon et la rose, trois siècles d’un roman d’amour, Lyon, Ed. lyonnaises d’Art et d’Histoire, 2007.
- Joyaux F. Roses Lyonnaises d’autrefois, Commer, Les Cahiers de Rosa Gallica 1, 2007
DB