Choix des semences : priorité à la qualité
Jean-Noël Plagès
Lors de déconvenues à la germination – lenteur, irrégularité, manques à la levée – la tendance est d’incriminer la qualité de la semence. Or, dans la plupart des cas, il n’en est rien, les raisons des échecs relevant bien souvent d’une préparation inadéquate du sol ou de conditions de température et d’humidité défavorables. Au-delà de la nécessité de bien connaitre la qualité de son sol, la zone climatique et notamment la pluviométrie et l’ensoleillement, il reste primordial d’utiliser des semences de bonne qualité. Quel que soit le choix de la variété, le choix de la semence détermine la qualité de la production.
Être vigoureuse et de la bonne variété
Une semence doit se développer rapidement. Le processus de germination requiert une humidité optimum pour l’espèce considérée et une bonne température du sol. Si ces conditions ne sont pas remplies, la levée sera irrégulière et plus lente. Il faut donc de très bonnes conditions de sol. Des semences trop vieilles ou produites dans de mauvaises conditions peuvent germer mais donner des plantules chétives qui auront un mauvais enracinement et un faible développement compromettant la qualité de la production. Il est impératif d’avoir une bonne vigueur au départ surtout si l’on sème en conditions sous optimales (température un peu basse, hygrométrie un peu limite). La conservation doit donc être adaptée.
Une semence doit également donner des plantes ayant le maximum des caractéristiques de la variété choisie : précocité, forme, couleur, qualités gustatives. La sélection doit donc être rigoureuse et ne doit pas résulter d’une multiplication en mélange surtout pour les variétés population de plantes allogames[1].
Une semence doit faire de la résistance
Enfin, une semence doit présenter un bon état sanitaire et un bon comportement vis-à-vis des parasites de culture. La maitrise des conditions de production des semences doit permettre d’obtenir le meilleur état sanitaire. C’est primordial ! L’homogénéité des résistances au sein d’un lot est aussi un facteur de productivité et de qualité. Comme exemple le melon cantaloup charentais : l’utilisation de semences de variétés non ou mal sélectionnées, peut réduire, voire détruire la production. En effet, un champignon du sol (Fusarium) très présent dans nos sols français provoque le dessèchement de la plante en pleine production. Le fruit mûrit mal et devient non consommable. Les dégâts peuvent atteindre 70 % de la culture. Il est essentiel d’utiliser des semences bien sélectionnées assurant 100 % de résistance.
Produire dans des conditions optimales
Pour produire des semences, choisir des pieds-mères de qualité, conformes à la variété et de bon état sanitaire est une première exigence. Ensuite, la culture doit être menée dans les meilleures conditions techniques (type de climat, qualité du sol, fumure, irrigation, état de l’isolement de la parcelle et suivi du développement des parasites). La pollinisation est aussi une étape importante pour la qualité et l’homogénéité. Une graine bien nourrie est une graine qui va donner une bonne germination et une plantule robuste, gage d’une production de qualité.
La récolte doit se faire dans de parfaites conditions de maturité et d’état hygrométrique permettant d’assurer une bonne conservation. Une semence trop humide va moisir et perdra ainsi sa faculté germinative[2] La conservation sera plus difficile et son pouvoir germinatif va diminuer au cours du temps[3]. Il faut éviter de la laisser trop longtemps à l’air libre, ce qui favorise le développement de parasites de surface.
L’importance d’un bon stockage
Stockage réalisé dans des conditions appropriées aux différentes espèces. Il faut faire attention aux emballages et aux lieux de stockage. Certaines graines sont très sensibles à leur environnement. Par exemple, le stockage de semences de laitues sur des étagères en bois aggloméré, même dans un emballage en papier ou en matière plastique, peut détruire la faculté germinative ou donner des plantules totalement déformées (colles toxiques). Une solution est de conserver les graines dans des boîtes plastiques ou métalliques dans le bac à légumes du réfrigérateur ménager. Mais elles doivent être parfaitement sèches. Chaque semence a son degré hygrométrique optimum de conservation. Le séchage artificiel est très technique et n’est pas conseillé. Certaines espèces sont très sensibles à l’élévation de température (oignons et poireaux). Parfois, la chaleur peut provoquer des microfissures (haricots de type coco), portes d’entrée des parasites au moment du semis.
Choisir le bon fournisseur
Les semences du commerce peuvent être de plus ou moins bonne qualité. Choisir le bon fournisseur est vital. Ce choix se fait avec l’expérience et ce n’est pas la qualité des illustrations qui déterminent la qualité variétale. Son professionnalisme doit être reconnu. La première qualité des semences est de représenter la variété choisie et non une quelconque approximation. Les variétés proposées peuvent être des variétés population qui ont une homogénéité variable. Elles sont plus ou moins bien sélectionnées et on peut avoir des surprises sur la précocité, la forme, la résistance aux parasites et la qualité gustative.
Des F1 de bonne qualité
Les variétés peuvent être des lignées fixées qui, si elles sont bien sélectionnées et produites dans les conditions adéquates, ne doivent pas donner lieu à de grandes surprises. C’est avec ce type de variétés que le risque est le plus faible[4].Des hybrides F1 ou des structures hybrides qui, si elles sont produites dans des conditions satisfaisantes, doivent bien porter toutes les caractéristiques de la variété. Le seul risque concerne la présence de « hors types » provenant d’hybridations accidentelles avec des espèces sauvages (carotte) ou d’autofécondations accidentelles (piments). Les semences de variétés hybrideF1 subissent de nombreux contrôles et sont la plupart du temps de bonne qualité.
Attention à la dérive génétique
L’emploi des semences issues de sa propre production doit se faire avec beaucoup de précautions. Il y a des risques de modifications des caractéristiques de la variété (hybridation avec une autre variété par défaut d’isolement) et de transmissions de parasites par la graine qui peuvent amener l’infestation de la parcelle. Pour les variétés population, ce risque est grand car toutes les précautions ne peuvent pas être prises. On a souvent des potagers contigus avec ceux des voisins. Il est donc difficile de faire de bons isolements. Pour les espèces allogames, la mise en multiplication d’un petit nombre de pieds-mères (inférieur à 50) aboutit très vite à une dérive génétique entraînant une perte de vigueur et donc une baisse de rendement avec une sensibilité accrue aux parasites.
De possibles déconvenues
La multiplication des courges et autres potirons peut produire quelques surprises. Les nombreux types de fruits ne correspondent pas toujours à des espèces différentes et peuvent donc s’hybrider facilement. Par exemple potirons et giraumons appartiennent à la même espèce Cucurbita maxima. Courges et potirons sont d’espèces différentes et donc sans risque de croisement. De même, courge et melon ou potiron et melon ne se croisent pas.
Pour les variétés lignées des espèces autogames si le choix des pieds-mères est rigoureux, le risque d’hétérogénéité existe peu. En revanche, le risque sanitaire est le plus important car il peut y avoir transmission de viroses et de bactéries par la semence.
Enfin, il faut se garder de récolter les graines sur des variétés hybrides F1, que les amateurs trouvent en jardinerie pour plusieurs espèces (tomate, melon, poivron, carotte notamment). La déconvenue risque en effet d’être grande si l’amateur sème les graines récoltées sur un hybride, l’hétérogénéité sera maximum avec réapparition des types parentaux et de types intermédiaires. Les plantes n’auront plus les caractéristiques souhaitées.
Une réglementation spécifique aux semences
L’Union Européenne s’est dotée d’une réglementation spécifique aux semences. L’inscription des variétés au Catalogue officiel, qui permet de décrire et distinguer chaque variété, est un prérequis indispensable. Il garantit l’authenticité des graines qui seront ultérieurement commercialisées aux utilisateurs. On parle alors d’une marchandise franche et loyale.
Pour les espèces potagères, quatre listes différencient les variétés suivant leurs caractéristiques et utilisations finales. Les listes a et b regroupent les variétés à destination des professionnels ainsi que des jardiniers amateurs. Pour y figurer, elles doivent répondre aux critères de DHS (Distinction Homogénéité Stabilité) : être distinctes des variétés précédemment inscrites, suffisamment homogènes et stables dans leurs caractéristiques d’une génération à l’autre. La liste c rassemble les « variétés de conservation », menacées de disparition et appartenant à un terroir spécifique. Enfin, la liste d réunit les variétés destinées uniquement au marché des jardiniers amateurs, dites « sans valeur intrinsèque, principalement destinées à l’autoconsommation». Elles sont inscrites selon des critères de DHS assouplis.
GEVES et SOC
Deux catégories de semenciers, les obtenteurs et les mainteneurs, peuvent inscrire des variétés au catalogue officiel. Les obtenteurs sélectionnent de nouvelles variétés, qui deviennent libres de droit au bout de 25 ans et « tombent » dans le domaine public. Elles peuvent alors être réinscrites au catalogue par les mainteneurs, qui assurent la conservation de leurs caractéristiques initiales. Ainsi, certaines variétés, telle que la Laitue Grosse blonde paresseuse, sont préservées depuis plusieurs siècles. Ce travail, peu connu du grand public, est indispensable pour sauvegarder le patrimoine génétique des légumes anciens. Au-delà de cet engagement pour la biodiversité, les semenciers assurent aussi la qualité des graines commercialisées en se soumettant aux contrôles officiels. Chaque variété maintenue est contrôlée tous les 5 ans par le Groupe d’Étude et de Contrôle des Variétés et des Semences (GEVES), garantissant son authenticité. Une fois commercialisées, les semences sont contrôlées par le Service Officiel de Contrôle (SOC) qui vérifie leur faculté germinative, ainsi que leur identité.
Lucie Scheiwiller
[1] Une plante est dite allogame lorsque la pollinisation est faite par le pollen d’une autre plante de la même espèce. On parle de « variétés population » quand toutes les plantes de la variété ne sont pas identiques. L’homogénéité est alors relative suivant la pression de sélection appliquée (carotte, choux, oignon, poireau, radis, betterave…). Les cucurbitacées (concombre, melon, courge, potiron) sont à fécondation croisée donc répondent à la définition de plante allogames.
[2] Aptitude du lot de semences à donner des plantules dans des conditions précises d’hygrométrie de température et de lumière.
[3] Les semences peuvent donner des plantules mais la levée sera très étalée dans le temps)
[4] On obtient des variétés- lignées chez les plantes autogames où la pollinisation est réalisée par leur propre pollen. La connaissance du système de reproduction de l’espèce permet de définir son statut. (Laitue, haricot, pois, mâche, piment, aubergine, tomate… )