Les couleurs cachées du potager
Emmanuel Geoffriau
Les premiers types de carotte connus en Europe à partir du XIe siècle sont violets et jaunes. Puis sont apparus successivement les types à racine blanche (particulièrement en France !) puis orange en Hollande au XVIe siècle. Parallèlement, la carotte rose est apparue en Asie. La coloration de la racine de la carotte est donc d’abord du fait de l’homme, pour distinguer une carotte consommable d’une carotte sauvage, pour des raisons culturelles ou de consommation (apporter de la couleur dans les légumes d’hiver globalement de couleur verte). Pour d’autres légumes, comme le radis, l’histoire liée à la couleur est plus récente (XIXe siècle). Il existe chez la plupart des légumes une diversité importante de couleur à exploiter !
Sélection pour la couleur
Cette action de l’homme se poursuit à travers la sélection de nouvelles variétés. Le but est de renforcer l’intensité de la couleur existante (rouge chez le radis, orange chez la carotte), ou de créer des variétés de couleur différente. La sélection pour une couleur orange plus intense, un « cœur » plus petit et coloré, s’est traduit chez la carotte par une augmentation de la teneur en caroténoïdes.
Couleur et techniques de culture
La lumière est favorable à l’accumulation des pigments. Mais elle peut modifier la couleur des organes souterrains avec l’apparition de collets violacés ou verts chez la carotte. Cet effet non souhaité est limité par le buttage et la sélection de variétés « plus enterrées ». Au contraire, cela peut être souhaité dans le cas du radis ou du navet. Les conditions de culture stressantes peuvent avoir un effet positif sur la teneur en anthocyanes[1], mais conduisent à des réductions de teneurs en caroténoïdes[2] chez la carotte. La nutrition azotée favorise ces teneurs contrairement à un apport excessif en eau. Les produits récoltés précocement seront moins colorés.
Des goûts et des couleurs
Contrairement à une idée reçue, il n’y a pas de relation génétique entre couleur et goût. Les variétés de carotte orange peuvent être d’appréciation très variable et les oignons violets peuvent être doux comme très piquants. Les différences de goût entre les types colorés de carotte sont essentiellement liées aux efforts de sélection sur ces types, contrairement aux autres.
Couleurs et usages
L’usage de la carotte violette a été abandonné par le passé car elle avait la réputation de « salir » les potages et autres légumes car les anthocyanes sont facilement solubles dans l’eau de cuisson. La cuisson des carottes orange et jaune renforce l’intensité de la couleur. Si la teneur en caroténoïdes après cuisson reste importante, il est recommandé de consommer la carotte avec des matières grasses afin de favoriser l’absorption par l’organisme de ces composés liposolubles.
Diversification et segmentation couleur
La couleur représente une possibilité de segmentation de l’offre aux consommateurs mais cela reste très limité. Les études menées sur la carotte montrent une relative acceptation des types blanc et jaune, considérés comme proches du type orange, mais les couleurs violet et rose représentent un frein. Si la curiosité reste incitative, la qualité organoleptique est essentielle à leur développement.
Pour une santé tout en couleurs
Les couleurs de ces légumes sont dues à des pigments : anthocyanes, pour l’aspect violacé de l’oignon et de la carotte et rouge du radis, caroténoïdes pour les couleurs orange, jaune et rose de la carotte, quercétines pour la couleur jaune de l’oignon. Ces composés présentent une activité antioxydante favorable à la santé humaine, mais dont les effets sur la prévention de maladies font encore débat. Les caroténoïdes, que l’homme n’acquiert que par sa nourriture, sont surtout essentiels en tant que précurseurs de la vitamine A, et la carotte en est une excellente source ! Au-delà de ces composés, favoriser la diversité de couleurs dans sa consommation de légumes a un impact positif sur la consommation globale de légumes, dont l’intérêt santé est d’abord la faible densité en calories et la présence de fibres !
Très intéressant tout ceci . Toutefois je m intéresse plus particulièrement aux anciens légumes poussés dans un sol vivant. Il semblerait que ces derniers du fait de un sol non travaillé et toujours couvert sont beaucoup plus riches en micro nutriments , en sucre et cc que les même légumes poussés en bio ou en méthode traditionnelle.
Ou pourrais je trouver ce genre d étude?