Fagacées : Une famille noble qui sait aussi se faire belle
La vaste et complexe famille des fagacées comprend huit genres et près d’un millier d’espèces (variable selon les sources) réparties un peu partout dans le monde. Exclusivement composée de ligneux, c’est une famille que l’on apprend à aimer avec le temps, car relativement peu spectaculaire au premier abord. Au départ, on ne connaît que quelques chênes, un hêtre et un châtaigner. Pour ma part, c’est à l’arboretum du cimetière parc de Nantes que tout a basculé. J’y ai vu mon premier Lithocarpus (henryi), mon premier chêne asiatique (myrsinifolia) et mon premier hêtre à feuille de fougère (‘aspleniifolia’). Ce fut le début d’une belle aventure botanique qui atteindra son paroxysme bien des années plus tard lors de ma première visite de l’arboretum d’Iturraran en Espagne, véritable paradis botanique où les fagacées occupent une place majeure. Ce jour-là, j’ai réalisé l’incroyable potentiel de cette famille, hautement sous-estimée dans le monde des jardins.
LE GENRE QUERCUS : 469 ESPÈCES
Un peu moins de la moitié des espèces de la famille sont des chênes. Ces dernières années, le Mexique attire tous les regards avec plus de 200 espèces, dont certaines sont particulièrement résistantes à la sécheresse. Chez les chênes, on s’attarde principalement sur la beauté du feuillage : au printemps, avec des débourrements parfois spectaculaires et en automne avec des couleurs flamboyantes. Il existe aussi, bien sûr, quelques écorces, floraison et fructifications ornementales mais ces aspects ne sont pas prééminents au sein du genre.
Le plus beau débourrement
Q. rysophylla (Mexique). Probablement l’espèce mexicaine la plus connue aujourd’hui. Elle est appréciée pour son port étroit (jusqu’à 20 mètres de haut), sa vigueur et sa très bonne résistance au sec. Le feuillage est persistant à semi-persistant, une partie des feuilles tombe en fin d’hiver-début de printemps, en même temps que l’apparition des nouvelles feuilles rouge-pourpre-orange, magnifiquement lumineuses. De nombreuses espèces mexicaines proposent de beaux débourrements : Q. sartorii, Q. pinnativenulosa, Q. greggii, Q. crassifolia, Q. hypoleucoides…
Le plus beau revers de feuille
Q. guyavifolia (Chine). J’ai eu la chance de voir cette espèce dans son milieu naturel, dans les forêts humides du sud du Yunnan (Chine), ce fut pour moi un vrai coup de cœur. Je me souviens encore de ce revers jaune d’or, presque éblouissant. Malheureusement, cette espèce est quasi introuvable en pépi-nière. Dans le même esprit, on peut aussi mentionner Q. alni-folia, endémique de Chypre. Une espèce arbustive persistante au magnifique revers jaune, très résistante à la sécheresse et facile à cultiver.
La plus belle coloration automnale
Q. coccinea ‘Splendens’ (est des États-Unis). Les espèces améri-caines de la section Lobatae sont connues pour être particuliè-rement spectaculaires en automne, surtout après un été chaud. De dimensions modestes, 8 à 10 mètres de haut, cette forme de Q. coccinea arbore un feuillage rouge écarlate fin octobre-début novembre. Dans la même section on peut citer Q. phellos, Q. palustris, Q. shumardii et Q. acerifolia, également appréciés pour leurs colorations automnales.
Le feuillage le plus insolite
Q. urbanii (Mexique). Si vous n’avez pas le temps ni les moyens d’aller au Mexique, direction l’arboretum d’Iturraran en Espagne pour voir cette espèce hors du commun. Deux spécimens trônent en haut d’un talus, dans la partie est du parc. On est tout de suite intrigué par ses feuilles en forme de grosses cuillères, tournées vers le bas. Pour les plus sportifs d’entre nous, une ascension du talus s’impose, les yeux rivés sur cet arbre. Une fois arrivé, on est en admiration, on ne veut plus partir…
Malheureusement, cette espèce est quasi introuvable en pépinière.
LE GENRE LITHOCARPUS : 347 ESPÈCES
Peu de personnes connaissent ce genre mystérieux, mal repré-senté dans nos parcs et jardins. Il est pourtant très courant en Asie du Sud-Est. On en voyait très souvent dans le sud du Yunnan (Chine), leurs fructifications caractéristiques jonchaient le sol des forêts denses et humides à partir de 1 500 mètres d’altitude. Une des raisons très probables de la rareté du genre en culture est la difficulté à le multiplier. Greffes et boutures sont quasi impos-sibles pour la plupart des espèces, il ne reste que le semis, mais la graine est très dure (d’où le nom ‘Lithos’= pierre, ‘carpus’= fruit) et germe difficilement. On apprécie ce genre pour ses feuillages persistants, parfois luxuriants, ses floraisons estivales abon-dantes et mellifères, ainsi que ses fructifications très originales composées de glands aux cupules agglomérées chez la plupart des espèces. Les inflorescences mâles (séparées des femelles = monoïque) sont érigées, ce qui les différencie notamment des chênes, dont les inflorescences mâles sont retombantes.
Le plus commun
L. edulis (Japon). C’est probablement l’espèce que l’on voit le plus souvent en culture, son bouturage est possible, il arrive donc d’en voir occasionnellement en pépinière. La floraison intervient fin juin-début juillet, à la manière d’un châtaigner, et attire de nombreux insectes polinisateurs. À terme, l’espèce forme un gros arbuste buissonnant de 6 à 8 mètres de haut pour autant de large. Les glands très allongés sont caractéristiques de l’espèce.
Le plus insolite
L. pachyphyllus (Chine, Bangladesh, Myanmar, Tibet, Népal…). Cette fois, direction l’Angleterre, en Cornouailles, dans le parc du château de Caerhays. Quelques mètres après le début du par-cours officiel, sur la gauche, trône un incroyable sujet centenaire de L. pachyphyllus. Il s’agit du champion d’Angleterre de cette espèce. On remarque assez rapidement les curieuses fructi-fications qui jonchent le sol. L’énorme cupule, aux allures pré-historiques, enferme presque entièrement le gland que l’on voit à peine. Une curiosité à découvrir !
LE GENRE NOTHOLITHOCARPUS : 1 ESPÈCE
Une seule espèce, originaire des États de Californie et Oregon (ouest des États-Unis), pour ce genre inconnu, même pour la plupart des amateurs éclairés.
N. densiflorus. D’un point de vue ornemental, ce petit arbre a tout pour plaire. Ses jeunes pousses recouvertes de poils argen-tés sont particulièrement lumineuses en milieu de printemps. Les feuilles adultes, aux nervures saillantes, peuvent atteindre 12 cm de long. Comme chez les Lithocarpus, les inflorescences mâles sont érigées et abondantes en fin de printemps. À planter en plein soleil dans un sol assez pauvre et drainant, non calcaire. Il existe une variété naturelle, var. echinoides, intéressante de par son caractère arbustif, seulement de 3 mètres de haut.
LE GENRE FAGUS : 12 ESPÈCES
Si on se limite aux espèces types, il est clair que ce n’est pas le genre le plus « sexy » de la famille des fagacées. Les douze espèces sont relativement proches morphologiquement. J’aurais moi-même du mal à les différencier sur table avec les feuilles comme seul élément d’identification. Contrairement aux chênes, les hêtres n’ont pas tellement la cote en ce moment. Les séche-resses à répétition n’ont pas été tendres avec eux. En conditions favorables certaines espèces et cultivars forment néanmoins de magnifiques arbres dont la majesté n’a que peu d’égal dans le monde des arbres1.
Le plus horticole
F. sylvatica ‘Rohanii’ (Europe). Ce cultivar peu répandu cumule plusieurs qualités ornementales : un beau feuillage pourpre aux bords découpés et un port buissonnant aux dimensions modestes (pour un hêtre), de 10 à 14 mètres de haut. De plus, les formes pourpres de F. sylvatica supportent mieux les conditions estivales chaudes et sèches.
La plus belle espèce
F. engleriana (Chine). J’ai découvert cet arbre à l’Arboretum Cimetière Parc de Nantes qui compte cinq spécimens de cette espèce. Étonnamment, c’est au moment de la floraison, début mars, que cette espèce a attiré ma curiosité. En effet, les inflores-cences apparaissent sur le bois nu de l’année précédente. Elles sont abondantes et sont portées par un long pédoncule pendant, qui peut atteindre 7 cm de long. L’ensemble est très graphique. En automne, les feuilles prennent de belles teintes jaune orange.
LE GENRE CASTANEA : 9 ESPÈCES
Difficile de parler d’ornement avec ce petit genre dont la plu-part des gens ne connaissent qu’une espèce (C. sativa). Il existe néanmoins plusieurs taxons intéressants, notamment pour leurs floraisons tardives et mellifères, très prisées des apiculteurs.
Le plus horticole
C. sativa ‘Albomarginata’ (Europe). Il n’est pas dans mes habitudes de parler de formes panachées mais je dois admettre que j’ai été impressionné par ce taxon lorsque je l’ai vu en pleine floraison au jardin des plantes de Nantes. Les feuilles sont irrégulièrement tachées/bordées de blanc crème et la floraison est très spectaculaire2.
La plus belle espèce
C. henryi (Chine). Je n’ai vu qu’une seule fois cette espèce rare, à l’Arboretum Adeline (La-Chapelle-Montlinard, Cher) et j’avoue avoir été séduit. J’y ai vu beaucoup d’élégance. Les feuilles sont étroites, acuminées, finement dentées, rougeâtres au débour-rement. Dans son milieu naturel, C. henryi dépasse les 20 mètres de haut, mais en culture il semble de dimensions bien plus modestes.
On peut également citer C. seguinii, une espèce chinoise capable de fleurir pratiquement sans discontinuer entre le début de l’été et l’automne, le rêve pour tout insecte pollinisateur !