Évolution de la stratégie de gestion de la flore spontanée par SNCF Réseau

Le réseau ferré français, géré par SNCF Réseau, représente 60 000 kilomètres de voies, qu’il faut entretenir, notamment pour préserver la sécurité du personnel et des usagers. Limiter la présence de végétation répond, aujourd’hui, à des contraintes qui ont évolué. Voici comment est désormais géré ce réseau.

Colonisation d’une plateforme neuve par les ronces implantées en piste - Ligne Nantes-Chateaubriant © SNCF Réseau
Colonisation d’une plateforme neuve par les ronces implantées en piste - Ligne Nantes-Chateaubriant © SNCF Réseau

Les 60 000 km de voies du Réseau ferré national géré par SNCF Réseau doivent être maintenus avec le moins de végétation possible. La présence de végétation sur ces 34 000 hectares (hors dépendances vertes) engendrerait, à court ou moyen terme, des risques sur la sécurité des installations (passages à niveau, signalisation électrique ferroviaire), celle des circulations (détection de circulations, adhérence au rail), celle des voyageurs en cas de panne ainsi que celle du personnel et des secours en cas d’incident (obstacles non visibles, chutes de plain-pied).

Voies à quai enherbées en gare de Toulouse Matabiau ©SNCF Réseau
Voies à quai enherbées en gare de Toulouse Matabiau ©SNCF Réseau
Culture de pariétaire dioïque en gare de Melun © SNCF Réseau
Culture de pariétaire dioïque en gare de Melun © SNCF Réseau

Les zones du réseau ferroviaire

Le foncier de SNCF Réseau comprend deux grandes zones :

La plateforme ferroviaire composée de la voie, partie ballastée (1*) sur laquelle sont ancrés les rails et les traverses, et d’une « piste de sécurité » en gravillons compactés permettant l’accès aux voies pour le personnel et l’outillage de maintenance ;

Les dépendances vertes, 88 000 hectares d’espaces végétalisés composés de prairies sur les bandes de proximité (3 mètres de largeur) et d’une mosaïque d’habitats aux abords (profondeur fluctuante).

Par leur conception, les plateformes drainantes du Réseau ferré national constituent un habitat de substitution pour de nombreuses plantes inféodées aux éboulis et parois rocheuses.

C’est également un habitat de choix pour les plantes capables de s’adapter et de profiter du chaos généré par la gestion industrielle pour se maintenir. L’efficacité réduite des traitements phytopharmaceutiques suite à l’arrêt du glyphosate favorise également leur expression.

Si le traitement par produits phytopharmaceutiques reste à ce jour le seul moyen permettant de lutter industriellement contre la colonisation de la voie et des pistes par des adventices, il nécessite également une fauche annuelle des bandes de sécurité jouxtant les pistes. Si cette fauche réduit l’apport en graines sur la piste, elle conduit à une eutrophisation (2*) des sols par l’accumulation de débris végétaux et de fines (3*) dans les interstices du ballast et la création progressive d’un substrat favorable au développement de jeunes plantules. D’une année sur l’autre, sur les pistes et sur certaines voies les plus anciennes, le spectre d’action limité et l’usage répété des mêmes substances actives conduisent à la sélection des plantes les plus résistantes aux traitements, également favorisées par l’augmentation de la période active de développement de la végétation (évolution climatique). Des travaux de débroussaillage mécanique, voire d’arrachage, doivent être réalisés en amont des traitements.

Objectifs de maîtrise de la végétation selon chaque zone du réseau ferré national © SNCF Réseau
Objectifs de maîtrise de la végétation selon chaque zone du réseau ferré national © SNCF Réseau

Évolution des pratiques sur voies et pistes : produits et matériels

Le contexte d’évolution de la réglementation sur l’emploi des produits phytopharmaceutiques et les décisions d’entreprises ont vu de nombreuses substances actives disparaître du catalogue des produits utilisés par SNCF Réseau. Diuron, aminotriazole et, depuis 2022, glyphosate ont fait place à des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle, utilisés aujourd’hui en complément de substances antigerminatives de la famille des sulfonylurées. Cette association ralentit la repousse des plantes touchées.

Moins nocifs pour l’environnement, les produits de biocontrôle sont cependant moins efficaces. Sans propriété systémique (4*), ces substances actives laissent entrevoir une dérive progressive de certaines plateformes dont la piste vieillissante est une porte d’entrée à la colonisation des voies, ce qui engendre, là aussi, un renforcement des populations spontanées. Les zones de non-traitement (ZNT), issues des multiples restrictions de traitement liées aux eaux superficielles, à la ressource en eau potable, à la protection des riverains et des travailleurs, augmentent également la présence de ces plantes. En 2024, ces législations ont un impact sur près de 20 % du linéaire du réseau ferré national.

Passer d’un panel de substances actives à forte rémanence capables de bloquer l’expression des plantes en plateforme ferroviaire à un nombre très limité de substances, moins efficaces, conduit au développement et à la colonisation accrue des plateformes vieillissantes.

Vergerettes (= érigérons), séneçons du Cap, géraniums, plantains, pariétaires, bromes mous, lamiers, centranthes, gaillets, inules ou carottes sauvages… On identifie une communauté d’espèces compétitrices associant plantes de rocailles, espèces rudérales et opportunistes invasives capables de coloniser les périmètres exempts de traitement (comme les quais ou les voies en gare) et de résister aux traitements mis en œuvre.

À quelques particularismes près, liés au climat notamment, on retrouve globalement ces mêmes espèces où que l’on soit sur le territoire français. Avec l’arrêt du glyphosate et sa substitution par des produits de biocontrôle à base d’acide pélargonique, SNCF Réseau a dû renouveler la totalité de son parc de trains désherbeurs. Deux types de trains ont été conçus : le premier traite les voies principales à double voie, le second pulvérise les voies uniques et les voies de service en gare (utilisées pour la logistique et les manœuvres).

Au total, SNCF Réseau a acheté 21 wagons de pulvérisation. Ces deux types de trains permettent de pulvériser jusqu’à quatre produits en simultané à une vitesse maximale de 45 km/h voire 60 km/h sur les voies les plus circulées. Ces engins sont également équipés de systèmes de détection de la végétation permettant de ne traiter que les zones où celle-ci a été détectée. Cette technologie a permis à SNCF Réseau de réduire jusqu’à 75 % la surface traitée.

Train désherbeur chargé du traitement des plateformes à double voie. SNCF Réseau en possède cinq © SNCF Réseau.
Train désherbeur chargé du traitement des plateformes à double voie. SNCF Réseau en possède cinq © SNCF Réseau.
Train désherbeur chargé du traitement des voies uniques et des voies de triage © SNCF Réseau
Train désherbeur chargé du traitement des voies uniques et des voies de triage © SNCF Réseau
Deux modèles existent pour un total de seize engins acquis par SNCF Réseau entre 2021 et 2023 © SNCF Réseau
Deux modèles existent pour un total de seize engins acquis par SNCF Réseau entre 2021 et 2023 © SNCF Réseau

Ces évolutions ayant nécessité le renforcement d’interventions mécaniques en complément des traitements questionnent le mainteneur.

En effet, la vulnérabilité du réseau ferré s’en trouve augmentée du fait de sa connectivité avec les territoires, de la porosité de ses limites et de l’aptitude des diaspores à se déplacer. Il devient de plus en plus difficile de lutter contre des espèces envahissantes bien implantées à l’aide d’une boîte à outils phyto­ pharmaceutique de moins en moins performante et pour laquelle des craintes persistent quant à sa pérennité dans le cadre d’évolutions réglementaires nouvelles. Pour faire face à ces nouveaux défis, SNCF Réseau œuvre en continu à l’identification et au développement de méthodes complémentaires adaptées aux besoins industriels.

L’ensemencement des voies de service en gare, la pose de géotextile sous pistes lors du renouvellement des voies, l’augmentation des rythmes de réfection des infrastructures sont autant de pistes d’amélioration qui sont aujourd’hui à l’étude ou en test dans les différentes régions que compte le réseau ferré.

Pour plus d’informations sur la maîtrise de la végétation sur le réseau ferré national, vous pouvez consulter la page suivante : https://www.sncf-reseau.com/fr/le-reseau-aujourdhui/maitrise-de-la-vegetation

Colonie de vergerettes et d’ailantes en entrevoies en gare d’Avignon © SNCF Réseau
Colonie de vergerettes et d’ailantes en entrevoies en gare d’Avignon © SNCF Réseau
Colonie de vergerettes et d’ailantes en entrevoies en gare d’Avignon © SNCF Réseau

Sylvain Gouttebroze, Christophe Haissant, Jean-Pierre Pujols
SNCF Réseau – Pôle maîtrise de la végétation

 

(1*) Ballast : granulat de pierres dures concassées qui soutient et maintient le système composé de rails et de traverses et confère la perméabilité nécessaire à l’écoulement des eaux superficielles de la plateforme.

(2*) Eutrophisation : accumulation de nutriments dans le milieu.

(3*) Fines : éléments minéraux et organiques de très petite taille, accumulés au gré du vieillissement des voies et contribuant à la constitution d’un sol fertile.

(4*) Action systémique : capacité d’une molécule à se diffuser dans tous les organes de la plante.