Premier concours « Jardins secrets » : Un palmarès haut de gamme

Cinq lauréats pour ce premier concours national des jardins d’agrément privés « Jardins secrets » ont été dévoilés le 5 mars 2024 à Paris. Lancé en avril 2023 par la SNHF, ce concours est soutenu par le mécénat Lucie et Vincent Gombault. Une première appelée à se répéter tous les deux ans.

Plus de vingt candidats ont répondu à l’appel du pre- mier concours des jardins d’agrément privés « Jardins secrets » lancé en avril 2023 par la SNHF. Il s’agissait de suivre la volonté initiale du mécène Roland Gombault, reprise par son fils Vincent Gombault et sa femme Lucie. L’objectif était d’encourager et de mettre en valeur le talent des jardiniers et de révéler au grand public des jardins privés de grande qualité. La SNHF s’est donc mobilisée pour constituer un groupe de travail, organiser un jury et lancer le concours. Le dépôt des dossiers de candidatures se terminant début juin 2023, les jurys se sont déplacés ensuite pour juger in situ. Les jardins candidats devaient respecter les critères établis : motivation, type de jardin, situation géographique, surface jardinée, espèces cultivées et/ou acclimatées…

Voici donc les cinq jardins lauréats, travaillés par des propriétaires très concernés par l’environnement, des espaces ouverts occasionnellement au public. L’un d’eux a reçu le prix spécial Lucie et Vincent Gombault : il s’agit du jardin « Le mas du pré » présenté par Patrick Genty.

Jardin de Bézignoles

Le théâtre de la nature

Pour découvrir le jardin d’Anthony Bazin (photo ci-contre et page de gauche), situé dans les faubourgs de la ville de Privas (Ardèche), il faut descendre une rue en pente, dont les larges côtés sont plantés d’espèces appartenant pour la plupart à la famille des Crassulacées. Un travail collectif entre voisins… mais aussi une belle façon d’aborder ce jardin privé après avoir sonné à la petite porte bleue… Voilà bien un jardin secret !

C’est un petit jardin, clos, un univers particulier où pousse une végétation méditerranéenne pour laquelle la densité du feuillage est primordiale. Si les bambous sont admis et maîtrisés, les arbres comme les palmiers n’y sont pas acceptés. Ce jardin « végétal » est dense, très proche de la nature. Protégé des vents dominants, il y règne un microclimat où 650 espèces sont ordonnées sur les strates végétales. Toute la maîtrise et la gestion des végétaux se font à la main, l’eau de pluie est récupérée en citerne et les tailles broyées deviennent paillage. La mise en scène est permanente, par la densité des plantes et les différents étages de végétalisation, mais aussi avec trois bassins en cascades et une petite serre. Pas de pelouse, mais un arrangement de pierres et de cailloux. En 2015, ce jardin avait obtenu le prix Bonpland.

Parc arboretum de la Barthe

Une leçon de botanique à ciel ouvert

Enclavé entre deux routes, le parc de Bernard Gagnant, situé à Brommat (Aveyron), se développe autour d’un habitat de 1840, s’étalant sur 9 000 m2, planté et engazonné sur un sol résultant à la fois d’une coulée basaltique et d’un socle granitique. Le propriétaire a dû s’adapter en créant à la fois un jardin d’agrément et un arboretum. Rosiers, hortensias, pivoines, azalées voisinent avec les conifères, les arbres d’ornement et les fruitiers.

Un bel aperçu du monde végétal, entre arboriculture dans l’espace supérieur, plat, et petits jardins fleuris limités par des murets de pierre, vestiges des constructions du passé. De petits espaces où rhododendrons, azalées, roses… et vivaces font bon ménage. Toutes les plantes, 1 400 sujets, sont inventoriées, étiquetées selon la nomenclature officielle. Certains sujets font l’objet d’attention particulière : Metasequoia, certains Acer, Magnolia… Seize panneaux pédagogiques renseignent les visiteurs occasionnels. Une fois par an, une visite à thème est ouverte au public, organisée autour des « Feuillages d’automne ». L’atmosphère particulière est rendue par la proximité des lacs de barrage sur la Truyère, qui apportent une température et des brumes bienfaisantes les matins d’été.

L’entretien est mécanique et manuel, soit en faisant appel à un fermier local, soit en famille. L’arrosage est intégré, l’eau est récupérée, le centre équestre voisin fournit le fumier. La mise en place de ruches et l’absence de pesticides font de ce lieu une promenade apaisante.

Le jardin de Georges Méar

Un havre de paix et de sérénité

Situé à Brest (Finistère), ce jardin est bien un jardin secret, accroché au coteau dominant le Vallon du Stang-Alar. Dès l’entrée le ton est donné. Un jardin japonisant entoure une maison à l’architecture moderne. Georges Méar a donné libre cours à sa passion pour le pays du Soleil levant. Protégé par de grands arbres, notamment deux vénérables chênes, il se prolonge jusqu’au fond du vallon, bien intégré dans le paysage.

Une longue pelouse impeccablement tondue est bordée d’arbustes et d’acers aux feuillages colorés taillés en nuage. Des arbustes persistants à petites feuilles, azalées, houx nains du Japon, buis, ifs, fusains du Japon, utilisés pour le karikomi, forment un moutonnement aux multiples nuances de vert. Un petit jardin zen, çà et là quelques lanternes japonaises, un Shisho Doshi (petite fontaine en bambou) se déversant dans un bassin complètent le décor.

Derrière la maison, érables, magnolias et rhododendrons protègent des camellias et autres arbustes qui seront en fleurs tout le printemps. Un étroit « chemin de douanier » conduit, entre des Lonicera nitida taillés à mi-hauteur, vers un enrochement où des arbustes en boule dissimulent de petits « passe-pieds ». Aucun pesticide n’est utilisé, l’eau de pluie est récupérée, les tailles sont compostées et des nichoirs sont disséminés.

Au printemps les azalées, rhododendrons et magnolias sont les stars. L’été, le vert domine avec toutes ses nuances. En automne les ors, orangés ou pourpres des érables s’enflamment avant le repos hivernal.

Jardin de Monique et Louis Quéré

Accueillant et tonique

Dans les Côtes-d’Armor, à Pordic, ce jardin de 4 500 m2 a été soigneusement repris et remis en scène par les propriétaires, autour d’un beau bâti en pierres datant du XVIIIe siècle. Un important travail de terrassement a permis de créer un amphithéâtre pour protéger une terrasse autour de la maison. Les pentes ont été plantées d’arbustes persistants taillés en larges coussins où se mêlent différents tons de vert. Des vivaces de belle stature habillent les pieds de murs, hydrangeas, roses trémières, lauriers roses, rosiers buissons. Dans la zone surplombant la terrasse, protégée des vents par de grands arbres, s’abritent plusieurs dépendances en pierres de schiste noir local, les allées gravillonnées permettent de découvrir différentes ambiances. Des massifs mixtes de rosiers, arbustes et vivaces, un arc de rosiers grimpants sur des pylônes en bois, un coin zen sous le séquoia, et bien d’autres surprises…

Ce jardin à quatre mains est un jardin familial, un jardin de clins d’œil : personnages en pierre dédiés aux petits-enfants sur les murs, arbres des naissances, nichoirs, bancs dissimulés, escaliers fleuris. Il est intéressant toute l’année, avec les floraisons printanières des bulbes, camellias et cerisiers japonais, laissant la place à celles des rhododendrons, magnolias et azalées, puis aux hydrangeas et aux 270 rosiers. Monique et Louis, jardiniers éclairés, sont deux passionnés de nature. Leur jardin coloré est à leur image, accueillant, tonique.

Le Mas du Pré

Prix Lucie et Vincent Gombault

Verrières est un petit village de presque mille habitants, dans la Vienne, entouré par une campagne de bocage et de cultures céréalières, village vert que l’on apprécie quand le soleil d’été est à son apogée. S’y trouve le Mas du Pré, jardin que peu de gens connaissent, celui de Patrick Gentil. Ce lieu, qui nous a rapidement transportés sous des latitudes un peu plus méditerranéennes, fait tout de suite place à l’intimité. Un oculus ouvert dans la haie de charmes laisse apercevoir la campagne environnante. On se sent protégé dans cet endroit si beau et si confidentiel. Le végétal omniprésent y est souvent coloré. La diversité végétale, avec des sauges de différentes variétés, des lavandes, des euphorbes, des cyprès, ainsi que la présence de poteries, crée cette ambiance du Sud. Malgré la chaleur du moment, l’impression de fraîcheur invite à s’arrêter et à s’asseoir sur les fauteuils qui tendent les bras. Un grand Tetrapanax attire le regard, une fontaine laisse entendre le bruit de l’eau qui coule dans un magnifique bassin peuplé de vie aquatique et végétale où Cyperus, nénuphars et autre Pontederia renforcent encore cette impression de Sud. Le temps s’est arrêté un instant. Est-ce la senteur des lavandes et la douceur des cheveux d’ange à l’approche de la terrasse qui rappellent à la réalité ? C’est sous l’ombrage de la magnifique clématite « Armandii » que se raconte l’histoire de ce jardin et de Patrick le jardinier.

Anne-Marie Slézec
Présidente du jury

Mary Fruneau et Jean-Pierre Théodon
Membres du jury