Fleurs d’Halage : L’insertion par les fleurs

Insertion, environnement et proximité constituent les fils conducteurs de l’activité de Fleurs d’Halage, qui est un « atelier d’insertion en horticulture urbaine ». L’association a créé une ferme florale sur un terrain baptisé Lil’Ô, situé sur l’Île-Saint-Denis (93), mais aussi le Jardin du Curé, également sur l’île. S’ajoute un nouveau projet d’occupation temporaire en cours : le Bouquet sans limite. Il consiste à produire, sur trois ans, des fleurs sur un terrain devant être végétalisé le long d’une ligne de bus.

JdF670_pages-int_HD_Page_10_Image_0002
« La fleur, c’est trop beau, elle procure de la joie! », s’exclame Julie Haddad, cheffe de projet chez Fleurs d’Halage © J.-F. Coffin

Avant d’en arriver là, de nombreuses étapes ont dû être franchies. « Nous avons répondu à un appel à manifestation d’intérêt (AMI)* pour le lieu, émis par le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, qui souhaitait reconvertir cette friche », rappelle Julie Haddad, chargée de projet Fleurs d’Halage. Qui dit friche industrielle dit sol pollué par différentes activités : métaux lourds, hydrocarbures… Il n’est donc pas possible d’y cultiver des productions maraîchères destinées à la consommation. D’où l’idée d’y produire des fleurs, en prenant cependant un certain nombre de précautions, par exemple le décapage du sol, puis son remplacement par de la terre végétale saine

Une partie des fleurs est produite sous serre © J.-F. Coffin

Cent mille tiges par an

Aujourd’hui, l’exploitation produit une cinquantaine d’espèces de fleurs, sous serre ou en plein air: œillets, germinis (gerberas), lisianthus mais aussi pivoines, dahlias, plantes pour fleurs séchées, annuelles (zinnias…), plantes bulbeuses (tulipes, anémones…), soit 100 000 tiges par an! L’approvisionnement en produits et intrants s’effectue auprès d’une coopérative. Le compost utilisé est acheté aux Alchimistes, une jeune entreprise de l’économie sociale et solidaire qui se trouve sur place et dont la mission est la collecte de déchets alimentaires, la production et la distribution de compost (cf. encadré).

« Nous sommes confrontés à un problème de saisonnalité car la production s’étale de mars à novembre. Or, les employés doivent avoir une activité toute l’année », d’où la recherche de solutions. Ainsi, la production de fleurs séchées permet la composition de bouquets en dehors de la période de production et de commercialisation à Noël. « Dans le même esprit, nous effectuons des tests de fleurs “stabilisées” (à la glycérine). De plus, nous nous arrangeons pour que les équipes soient réduites en basse saison en jouant sur leur renouvellement », explique Julie Haddad.

La production connaît quelques soucis, comme les oiseaux qui percent les plastiques des serres pour attraper les insectes, entraînant des infiltrations d’eau et provoquant des maladies sur les plantes. « Les giroflées en ont été victimes cette année… »

Fleurs d’Halage est à la recherche d’un grand terrain dans un rayon de quinze kilomètres maximum, si possible non pollué, pour augmenter la production, car l’association ne peut pas répondre à toute la demande.

Les artichauts sont cultivés pour leurs fleurs © J.-F. Coffin
Les artichauts sont cultivés pour leurs fleurs © J.-F. Coffin

Place Vendôme et Jeux Olympiques

Les ventes s’effectuent auprès des fleuristes locaux, des Amap(1*), des coopératives, des entreprises locales de Seine-Saint-Denis. S’ajoutent la « vente à la ferme », la participation à des événements comme la Fête de la nature avec des animations sous forme d’ateliers. « Nous avons même le Ritz comme client, le célèbre palace de la place Vendôme à Paris ! », souligne avec fierté Julie Haddad.

Pour rester dans un esprit respectueux de l’environnement, les livraisons sont effectuées par un véhicule électrique Fleurs d’Halage n’est pas une exploitation horticole en marge de la profession. Elle fait partie du Collectif de la fleur française, qui soutient la culture de fleurs françaises locales et de saison. « Nous avons aussi passé un accord avec les pépinières Chatelain (2*) en vue de produire et commercialiser des fleurs pour les Jeux Olympiques 2024 à Paris, afin d’avoir une offre suffisante car nous ne pourrions pas assurer localement la production nécessaire. »

Le chiffre d’affaires équivaut à 5 % des dépenses, d’où l’importance des aides (pouvoirs publics, dons divers dont la fondation La France s’engage) (3*) que reçoit l’association.

Une ancienne friche industrielle devenue exploitation horticole © J.-F. Coffin
Une ancienne friche industrielle devenue exploitation horticole © J.-F. Coffin

Pour trouver un emploi

Mais le « moteur » de cette activité, ce sont les employés qui y travaillent. « Nous employons des personnes en parcours d’insertion, très éloignées de l’emploi. Nous leur proposons un CDD de six mois renouvelables, pour deux ans maximum. Il s’agit d’une passerelle entre chômage de longue durée et emploi stable », explique Julie Haddad. L’association œuvre avec les acteurs sociaux du territoire. Les candidats sont envoyés par Pôle emploi et différentes structures comme des associations, les missions locales…

Les « sélectionnés » suivent une petite période d’immersion pour voir si le travail leur convient réellement. « Nous leur montrons les différentes étapes de la production du végétal. Parallèlement, nous leur proposons une formation, pas forcément dans le secteur de l’horticulture, pour qu’ils aient davantage de chances de trouver un emploi dans une branche qui les intéresse après être passés par chez nous. » La moitié en obtient un dans la filière horticole. « C’est un excellent support d’insertion: 80 % de nos employés reviennent à l’emploi, contre 50 % au niveau national! »

Et Julie de conclure : « Nous sommes un peu un ovni en région parisienne. Nous ramenons à la vie par la biodiversité et la sensibilisation à l’environnement. Et la fleur, c’est trop beau, elle procure de la joie ! »

Un véhicule électrique assure les livraisons © J.-F. Coffin
Un véhicule électrique assure les livraisons © J.-F. Coffin
p

Jean-François Coffin
Journaliste et membre du Comité de rédaction de Jardins de France

(1*) Amap: Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne: www.reseau-amap.org
(2*) Pépinières Chatelain (95500 Le Thillay): www.pepinieres-chatelain.com
(3*) La France s’engage: https://fondationlafrancesengage.org/
* AMI: https://outil2amenagement.cerema.fr/l-appel-a-manifestation-d-interet-ami-r295.html