À la découverte de la famille des palmiers
Plantes de soleil, les palmiers ne sont pas réservés aux seuls jardins exotiques. Certains se sont parfaitement acclimatés aux climats continentaux. Ils sont presque tous reconnaissables à leur silhouette caractéristique et à leur toupet de larges feuilles en éventail. En fait, cette famille est très diversifiée et elle nous cache de grandes surprises !
La famille des palmiers, palmacées ou arécacées, regroupe de nombreuses plantes tropicales assimilées à des arbres, mais appartenant à la classe des monocotylédones. Du point de vue botanique, ce ne sont ni des arbres, ni des herbes, ce qui fait leur singularité et leur intérêt. C’est l’aréquier ou palmier à bétel qui a donné son nom au groupe. Les palmiers sont reconnaissables non seulement à leurs feuilles en éventail ou en forme de plume, groupées en un houppier de forme variable, mais aussi à leur tige ligneuse non ramifiée, le stipe. Ce faux tronc est en fait composé des gaines des anciennes feuilles, très coriaces, qui s’emboîtent les unes les autres, pour former une tige robuste. Le stipe peut apparaître lisse, épineux, rugueux, avec des anneaux de croissance proéminents, ou « bambusiforme » avec des racines aériennes. Il ne se ramifie généralement pas, sauf rares exceptions.
Les arécacées font partie des espèces de plantes les plus anciennes du monde, puisqu’elles y sont présentes depuis le début du Crétacé, il y a plus de 100 millions d’années. En Europe, de nombreux fossiles de palmiers ont été découverts sur des terrains datant de l’Oligocène, ce qui témoigne d’une ancienne période de climat tropical.
Une classification très complexe
Le groupe paraît homogène, mais les espèces sont assez diversifiées. Les feuilles palmées ou pennées ont des tiges courtes ou très longues, pouvant atteindre plus de 25 mètres (pour le Raphia regalis ou farinifera). Les folioles sont linéaires, bipennées, déchirées, ou en « queue de poisson ». Les inflorescences vont de l’épi simple à d’énormes panicules. Les fleurs sont soit bisexuées, soit unisexuées. Elles comportent toujours trois sépales, trois pétales, six étamines, mais elles sont de forme très variable (voir la complexité de la classification!). Les fruits sont des baies ou des drupes, parfois de grande taille: le cocotier des Seychelles produit les plus grosses graines au monde, pesant plus de 20 kg! On trouve les palmiers principalement dans les régions tropicales, mais aussi quelques espèces dans les zones au climat tempéré. De façon générale, ils aiment l’humidité : ils vont donc se plaire dans les mangroves, à proximité des oasis ou en bordure de littoral.
Les palmiers ont passionné plusieurs botanistes reconnus. Le professeur munichois Carl Friedrich Philipp von Martius est l’auteur d’un trésor encyclopédique en trois volumes sur les palmiers, paru vers 1850. La première tentative moderne de classification a été publiée par le botaniste américain H.E. Moore en 1973, mais est restée inachevée. Le travail a été repris et corrigé en 1986 par J. Dransfield (Royal Botanic Gardens de Kew, Royaume-Uni) et N.W. Uhl (Bailey Hortorium, États-Unis). En simplifiant, on pourra retenir que les palmiers comprennent quelque 2 600 espèces, classées en 180 à 200 genres, regroupés en cinq sous-familles. C’est bien le type et la forme de la fleur qui permettent de distinguer les familles et les tribus.
• Les Arecoideae représentent la plus grande sous-famille, rassemblant une centaine de genres. Ce groupe a pour caractéristique une bractée d’inflorescence unique et des fleurs dimorphes en triades. Nous pouvons citer en particulier deux membres de la tribu des Cocoeae : le cocotier (Cocos nucifera), producteur des noix de coco bien appréciées, et le palmier à huile (Elaeis guineensis), si largement cultivé dans les zones tropicales pour son huile de palme.
Dans les jardins en Europe, on choisira plutôt de planter le butia (Butia capitata ou odorata). Il est apprécié pour son port trapu, sa belle couronne de palmes bleutées et aussi pour ses fruits comestibles de couleur orange, qui ont une saveur proche de celles de l’ananas, de l’abricot ou de la mirabelle, d’où son surnom de « palmier abricot ».
Dans le même genre, on pourra citer le cocotier du Chili (Jubaea chilensis). Planté depuis plus de 150 ans en Europe, c’est le plus gros, en diamètre, de tous les palmiers. Dans la famille des Arecoideae, sont classées également des plantes d’intérieur bien connues, comme le palmier de montagne (Chamaedora elegans), le palmiste multipliant (Dypsis lutescens), le kentia (Howea forsteriana), le palmier bambou ou Lady palm (Rhapis excelsa), l’aréca (Chrysalidocarpus lutescens), le faux dattier ou dattier du Mékong (Phoenix roebelenii), le palmier « queue de poisson » (Chamaedorea metallica)…
• Les Coryphoideae regroupent les palmiers les plus primitifs. Ils se distinguent par des inflorescences variées de fleurs bisexuées, dotées d’un pistil aux carpelles indépendants, parfois soudés. Dans la tribu des Borasseae, est rangé le palmier de Bismarck (Bismarckia nobilis), au port imposant et au feuillage de couleur bleuté. Originaire de Madagascar, il a l’inconvénient d’être sensible au froid. La tribu des Trachycarpeae est représentée par le trachycarpus (Trachycarpus fortunei), un des palmiers le plus fréquemment rencontrés dans les jardins en Europe, car il est reconnu pour sa rusticité. Dans la même tribu, est rangé le palmier nain (Chamaerops humilis). Dans un autre genre, le Washingtonia (filifera ou robusta) se reconnaît à son stipe épais et imposant, pouvant atteindre plus de 20 mètres de hauteur. Il est choisi dans les parcs et jardins pour sa croissance très rapide et pour sa belle envergure. La tribu des Phoeniceae ne comporte que le seul genre phoenix. Surnommé le roi des palmiers, le palmier des Canaries (Phoenix canariensis), parfois appelé faux dattier, a été importé à Nice vers 1860. Il est devenu une figure emblématique de la Côte d’Azur. Le palmier dattier de Crète (Phoenix threophrastri) mérite aussi d’être cité, car c’est l’une des seules espèces européennes de palmiers, avec les Chamaerops humilis. Il est considéré comme le plus rustique des palmiers du genre phoenix.
• Les Ceroxyloideae sont une petite sous-famille native des îles de l’océan Indien. Ils ont des inflorescences très ramifiées, des fleurs bisexuées et des fruits de seulement une à trois graines.
• Les Calamoideae (du grec « kálamos », roseau) comprennent la plupart des palmiers grimpants, incluant le rotin (Calamus rotang) ou le raphia (Raphia farinifera), que l’on utilise pour faire du mobilier très tendance, « à la fibre naturelle ». Dans cette sous-famille, il y a une grande diversité d’inflorescences, mais un seul type de disposition florale.
• Enfin, les Nypoideae ne sont représentés que par une seule espèce, Nypa fruticans, vivant en vastes colonies dans les eaux salées des mangroves. Les carpelles ont une vascularisation totalement différente de celle des autres palmiers.
De multiples utilisations
La famille des palmiers est si ancienne que ses produits sont utilisés depuis des millénaires. On raconte que la datte du palmier-dattier a joué un rôle fondamental dans la naissance de la civilisation humaine dans les régions désertiques, en climat chaud. Parmi les autres fruits communément consommés, on pourra citer bien sûr la noix de coco du cocotier, mais aussi les petits fruits orangés du palmier abricot. Le palmier à bétel ou aréquier, fournit la noix d’arec, qui renferme des alcaloïdes aux effets stimulants. Elle peut aussi être enveloppée dans une feuille avant d’être chiquée.
Consommé comme un légume, le cœur de palmier correspond bien à la partie centrale du jeune stipe de plusieurs types de palmiers (voir encadré). L’huile de palme, qui fait l’objet de tant de polémiques, provient des palmiers Elaeis. Le vin de palme est une boisson alcoolisée obtenue par fermentation naturelle de la sève de plusieurs types de palmiers, selon les traditions propres à chacun des pays producteurs.
Sont fabriqués également, à partir des palmiers, les belles fibres comme le rotin ou le raphia, la cire de Carnauba, l’ivoire végétal, des colorants, des médicaments… Et on est loin d’avoir fait le tour des multiples usages et fonctions de cette étonnante famille des palmiers.
Laure Gry
Journaliste horticole, membre du comité de rédaction de Jardins de France