Vos buis sont mangés par la pyrale : Que faire ?
Depuis 2006, des buis sont attaqués en Alsace par un parasite importé d’Asie. Il a été introduit depuis l’Allemagne (2006), la Suisse (2009) et la Belgique (2017). Il s’agit d’un papillon Cydalima perspectalis dont la chenille dévore les feuilles de buis d’Europe et du Caucase. Dès 2014, la pyrale du buis est présente dans l’intégralité des départements métropolitains. Les jardiniers amateurs sont désemparés devant les ravages que causent les chenilles : en quelques jours le jardin bien vert devient marron et grisâtre.
Des différences génétiques probables quant à la résistance à la pyrale.
Il existe probablement des différences génétiques entre les buis européens, Buxus sempervirens, bois bénit, et ceux des Baléares, buis de Mahon, B. balearica à feuilles plus grosses et à port érigé, qui est observé non sensible à la pyrale. Depuis août 2021, de magnifiques buis des Baléares sont attaqués à Montpellier le long du Lez. S’il y a une résistance, elle ne provient pas de la variation de teneur en alcaloïdes entre les individus et espèces. On a néanmoins signalé des cas d’intoxication des prédateurs, notamment des mésanges, qui faisaient des orgies de papillons et de chenilles. Pour savoir s’il y a une différence génétique entre les individus, il n’y a pas de test qui puisse dire clairement si un buis est résistant ou sensible à la pyrale.
Agir au plus tôt
Le papillon et les chenilles sont actifs dès que la température atteint 18 °C. Un papillon pond jusqu’à 1 000 œufs. Si chaque œuf donne une chenille, puis un papillon à la fin de l’été, en septembre, il pourrait conduire à un milliard de descendants. Cette évolution est freinée par les prédateurs des œufs, des chenilles et des papillons. Le coefficient de multiplication de l’insecte est tel qu’il faut le réduire par tous les moyens. Un seul moyen de lutte ne sera pas suffisant et il faudra les combiner en fonction de la saison. Ils peuvent aller des plus sophistiqués, qui font appel aux phéromones et qui ne sont pas à la portée de toutes les bourses, aux plus simples, peu onéreux, de réduire les populations de pyrales afin de prévenir la multiplication au cours des générations, responsables d’une prolifération exponentielle puisque le lépidoptère fait trois cycles de reproduction de mars à novembre. Plus tôt aura lieu l’action (mars-avril) plus on réduira le nombre d’œufs, et donc de chenilles de la génération suivante, plus les conséquences seront visibles en fin de saison.
Action sur les œufs
Soit on tente de détruire les œufs une fois pondus, soit on tente d’empêcher la femelle de pondre. La structure du buisson sera l’élément clé afin de diminuer la progression du papillon pour pondre sur un buis. En haies bien fournies, ils seront hermétiques et le papillon ne pondra que rarement. On verra un arbuste dépérir sur la haie, mais la plupart seront épargnés. En revanche, les chenilles seront protégées et les mésanges, qui en sont de grosses consommatrices, ne pourront les atteindre facilement. Les effets contraires des traitements sont à prendre en compte et à doser prudemment. Toute solution qui semble bénéfique engendre des effets indésirables qui sont encore à évaluer. Agir sur les pontes est faisable en hiver de façon ciblée : on peut les repérer et les gratter. Un traitement chimique d’ensemble serait assez irréaliste, d’une part parce que le feuillage du buis est un frein à la diffusion des produits et, d’autre part, parce qu’on ne peut utiliser de produits agressifs – huiles jaunes, phénols – sans risquer de l’endommager.
Action sur les chenilles
La lutte biologique contre les chenilles peut se faire à une échelle réduite – un jardin, un parc – mais n’est pas envisageable à plus grande échelle, comme elle a été réalisée dans le massif du Mont Ventoux (épandage du bacille de Thuringe). À l’échelle d’un jardin, le Solabiol est préconisé et on trouvera facilement d’autres préparations. Il faut déterminer le stade des chenilles à traiter pour être efficace : les petites chenilles font peu de dégâts sur les feuilles en rongeant juste l’épiderme, alors que les chenilles plus grosses rognent les feuilles et les font disparaître.
Des prédateurs en Europe
En l’absence de prédateurs, les chenilles peuvent provoquer des dégâts très importants, pouvant aller jusqu’à la défoliation totale de leurs plantes-hôtes. Si, en Asie, leurs prédateurs naturels sont nombreux et assurent une certaine régulation, ce n’est pas le cas en Europe où elles se montrent beaucoup plus invasives et dévastatrices du fait de la rareté des animaux qui s’en nourrissent. En Europe, quelques oiseaux sont connus pour manger des chenilles et/ou des adultes de Pyrales du buis, surtout pendant la période de nourrissage des jeunes. La mésange et le rouge-queue noir consomment chenilles et adultes. Le rouge-queue à front blanc consomme surtout les chenilles. Et même des chauves-souris mangent les pyrales.
Action sur les papillons
Le piégeage des mâles par leurs phéromones est très spécifique à l’espèce et va donc priver les femelles du partenaire pour la reproduction. Néanmoins le coût des pièges est élevé. Cette méthode n’a pas conduit à épargner les buis de France.
Les méthodes de biocontrôle préconisées
Plusieurs solutions de biocontrôle, en accord avec les principes de l’extension de la loi Labbé au 1er juillet 2022, existent et doivent être combinées pour une lutte efficace contre la pyrale du buis :
• insecticide de biocontrôle UAB à partir de pyréthrines d’origine végétale (extraits de fleurs) d’huile de colza, le Spruzit® EC PRO de Compo Expert;
• lutte par confusion sexuelle avec le Box T Pro Press®, produit de biocontrôle UAB développé par M2i Life Sciences et distribué par Syngenta.
À l’aide d’une petite pompe manuelle, la phéromone est déposée au cœur du buis, deux fois par an, en amont des périodes de vols des pyrales (avril-mai et juillet-août);
• piégeage de masse, par exemple à l’aide du piège Funnel associé aux capsules de phéromones dédiées Box T Pro Caps® de Syngenta. Ou grâce au piège sec BUXatrap® proposé par Koppert, développé, validé et breveté par l’Inrae ;
• insecticide de biocontrôle à partir de bactéries type Saccharopolyspora spinosa, le Conserve, UAB, proposé par Nufarm.
Comme tout produit phytopharmaceutique, le traitement doit être réalisé par temps sec, avec pas plus de deux applications par an, au cours des deux premiers cycles ;
• insecticide de biocontrôle à partir de bactéries type Bacillus thuringiensis sp. kurstaki, seulement efficace sur les chenilles.
• application de nématodes auxiliaires, à l’instar de ce que propose le Capsanem de Koppert. Les nématodes sont agrémentés de l’adjuvant naturel Squad (Nufarm), qui permet une meilleure efficacité ;
• le lâcher de trichogrammes (macro-organismes) qui sont de petits insectes parasitant les œufs de la pyrale du buis
Que faire pratiquement dans son jardin ?
Dès le mois de mars, il faut débarrasser les buis en les peignant des soies accumulées qui empêchent la circulation des prédateurs (oiseaux, insectes), débarrasser les buis des œufs et nymphes, puis des premières chenilles qui apparaîtront. C’est à ce stade de l’exponentielle que l’action est la plus efficace pour réduire les générations suivantes. Ensuite, dès les premiers vols de papillons, il faudra placer des cuvettes d’eau savonneuse surmontées d’une lampe pour les piéger et enlever régulièrement des cuvettes les papillons morts.
André Bervillé
Membre du comité de rédaction de Jardins de France
Jean-Paul Marger
Vice-président de la SHHNH, ornithologue, herpétologue