Les pivoines sont à l’honneur
Séduisantes et envoûtantes, rivalisant de beauté, les pivoines connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt et nous font toujours rêver.
Cultivé depuis plusieurs millénaires en Chine, le Roi des Fleurs (la pivoine arbustive) n’est arrivé en Europe qu’en 1787. L’Occident ne connaissait alors que les pivoines herbacées dont plusieurs espèces botaniques sont originaires de Méditerranée. Très populaires à la fin du XIXe siècle, faciles à vivre, elles étaient largement cultivées dans les jardins à travers toute l’Europe.
Des plantes herbacées ou arbustives
Dans le genre Paeonia (famille des paeoniacées), on distingue :
• Les pivoines herbacées asiatiques (Paeonia lactiflora, P. anomala, P. obovata…), parmi lesquelles la pivoine herbacée de Chine. Certaines variétés ont un parfum envoûtant, qui a donné naissance à un grand nombre de variétés à fleurs doubles, à fleurs simples et aux japonaises. Chez les fleurs simples, le centre est orné d’une large houppe d’étamines jaune d’or. Citons quelques variétés anciennes encore cultivées de nos jours :
P. lactiflora ‘Duchesse de Nemours’ (obtention Calot 1856), blanc nacré, P. lactiflora ‘Félix Crousse’ (Crousse 1881), rose soutenu tirant sur le rouge brillant, P. lactiflora ‘Karl Rosenfield’ (Rosenfield 1908), rouge cramoisi, et la divine Sarah extrêmement florifère, très parfumée, la P. lactiflora ‘Sarah Bernardt’ (Lemoine 1906), rose argenté, exceptionnelle pour la tenue en bouquets.
• Les pivoines herbacées d’Europe centrale et méridionale
(Paeonia officinalis, P. tenuifolia, P. mascula, P. peregrina, P. daurica…), intéressantes de par leur précocité forment de jolies touffes massives. Citons chez P. officinalis ‘Alba Plena’ blanc à maturité, ‘Rosea Plena’ rose, ‘Rubra Plena’, une pivoine rouge qui reprend bien l’expression « rouge comme une pivoine ».
• Les pivoines arbustives ou ligneuses (Paeoniax suffruticosa, P. rockii, P delavayi…). Ce sont de véritables petits buissons denses, au port dressé et aéré, avec un très grand nombre de variétés, dont beaucoup ont vu le jour il y a un siècle et qui sont encore largement cultivées. Il est bon de rappeler ici que la croissance des pivoines en arbre est lente pendant les premières années.
• Les pivoines hybrides Itoh (ou intersectionnelles). Issues du croisement entre pivoine herbacée et pivoine arbustive (espèces respectives variant en fonction des différents hybrides Itoh), elles ont été obtenues au siècle dernier par un horticulteur japonais dont elles portent le nom. Elles présentent un port compact au feuillage vert lustré, savamment découpé. Leurs fleurs, aux dimensions proches de celles des pivoines arbustives et aux nombreux coloris, séduisent par leur magnificence.
Une place de choix dans les jardins
Les pivoines présentent des feuillages variés, depuis les folioles larges et arrondis, jusqu’à ceux finement découpés, avec parfois de belles colorations automnales. Les différentes espèces et hybrides fleurissent dès la fin avril et jusqu’en juin. Avec une floraison généreuse, aux fleurs doubles, semi-doubles, ou simples, on trouve une large gamme de couleurs : rouge, rose, blanc, jaune, mauve, allant des tons très vifs aux teintes plus délicates. Les fleurs des pivoines arbustives peuvent atteindre 25 cm de diamètre ! Patience, pour des jeunes sujets issus de semis, il faut attendre environ cinq ans pour voir apparaître les premières fleurs.
Au jardin, la plupart des pivoines aiment une exposition bien éclairée, lumineuse. Cependant on aura soin d’éviter les expositions caniculaires, trop chaudes et celles ombragées où elles ne fleuriraient pas. N’aimant pas la cohabitation (surtout les herbacées), la concurrence des arbres et arbustes, on leur accordera un espace vital bien dégagé (une plante au mètre carré). Robustes, elles résistent à -25 °C (les herbacées passent l’hiver sous terre).
Une période de froid hivernal est nécessaire pour que la plante se développe et fleurisse. « Gourmandes », elles préfèrent un sol riche, frais et bien drainant. Plus la fleur est double, plus la plante est gourmande. Certaines espèces botaniques peuvent pousser dans des sols pauvres et pierreux (P. tenuifolia). La plantation s’effectue de préférence vers la fin septembre ou courant octobre. Pour de beaux sujets en conteneurs, elle pourra éventuellement s’effectuer au printemps après la floraison.
À la plantation, il est nécessaire d’effectuer une bonne préparation du sol en travaillant la terre pour l’ameublir sur 0,8 à 1 m2, sur une profondeur de 0,50 à 0,60 mètre. Si le sol est trop argileux, on pourra l’amender avec un apport de tourbe et de sable (attention, la majorité des pivoines craignent les sols sableux). Une bonne fumure de fond sera effectuée avec un compost ou un fumier bien décomposé ou encore par l’apport de corne broyée, de sang desséché (pas de contact avec les racines).
Lors de la plantation, pour les herbacées possédant au moins trois bourgeons, les racines peuvent être recoupées à 20 cm de longueur et les bourgeons seront recouverts de 3 cm (trop enterrés, cela pourrait compromettre la floraison).
Chez les arbustives, greffées de deux à trois ans, le point de greffe sera enterré et recouvert par environ 10 cm de terre meuble, pour permettre à la plante de bien s’affranchir. Les pivoines se cultivent également bien en grands pots ou bacs sur les balcons et terrasses.
Un entretien des plus faciles
Les pivoines herbacées se multiplient par division des touffes, en conservant 3 à 5 bourgeons par éclat et une longueur de racines de 20 cm environ (pour les espèces à racines pivotantes). Les arbustives quant à elles se multiplient par greffage ou par division. La division se fait toujours sur racines lavées (coup de bêche interdit) et peut s’avérer assez difficile selon les sujets. Après la floraison, il suffit de couper les tiges ayant fleuri pour éviter qu’elles ne montent à graines et qu’elles épuisent la plante. On pourra effectuer un apport de matières organiques (compost ou fumier bien décomposé) ou d’un engrais de type NPK 5-10-10, pour que la plante puisse reconstituer ses réserves. Attention cependant à ne pas apporter trop d’azote (N), qui pourrait favoriser les feuilles et compromettre les futures floraisons. Chez les herbacées, il est important de ne pas couper les feuilles avant qu’elles ne sèchent, ce qui se produit en automne sur une plante saine.
Michel Grésille
Spécialiste horticole, vice-président de la SNHF
BIBLIOGRAPHIE
Sadrin F. et Joly J., Pivoines, Ulmer, 2016, 288 p, 32 € (épuisé)