Contre le réchauffement climatique : une forêt urbaine dans Paris
En plein Paris, la place de Catalogne (XIVe arrondissement) constitue un « îlot de chaleur », comme de nombreux autres endroits dans la capitale. Dans le contexte du réchauffement climatique, la politique de la municipalité est de réduire ces îlots de chaleur dans le cadre du Plan Climat (1*). Parmi les solutions envisagées : planter une « forêt urbaine ».
Créer 300 îlots de fraîcheur d’ici 2030, partout dans la capitale, dont des forêts urbaines : tel est l’objectif de la ville de Paris. Plusieurs lieux ont été repérés pour cela : la place du Colonel-Fabien (Xe), le parvis de l’Hôtel de Ville (IVe) et la place de Catalogne (XIVe). Cette dernière, proche de la gare Montparnasse, est la mieux placée car elle présente des conditions favorables, comme peu de réseaux souterrains et une profondeur de sol suffisante pour planter des arbres. Elle a donc été choisie et tout un projet est en cours d’élaboration, avec pour objectif qu’il soit concrétisé pour les Jeux Olympiques de 2024 (2*).
Asphalte, granit et béton
L’îlot de chaleur de la place de Catalogne est caractérisé par, au centre, une immense fontaine en forme de disque incliné, constituée de pavés de granit sombre où est censée couler de l’eau. Mais elle s’affaisse. La restaurer entraînerait un coût exorbitant et pour fonctionner, elle utilise énormément d’eau, dépensée par évaporation. Il est envisagé de la déconstruire. La place est entourée en grande partie d’immeubles conçus par l’architecte Ricardo Bofill. Et entre la fontaine et les immeubles, un rond-point constitué de voies de circulation et de trottoirs en asphalte, béton et dalles diverses. Seuls quelques magnolias en bacs tentent de survivre…
« Créer une forêt urbaine sur la place permettra aussi d’assurer la continuité des espaces verts tout proches : la coulée verte au sud ouest, le jardin Atlantique au nord-est, et l’avenue Mouchotte bientôt réaménagée en promenade végétalisée », précise la Ville de Paris.
Ni un parc, ni un bois
Le projet de forêt urbaine place de catalogne a pris forme, synthétisant les idées des habitants et celles de la mairie. Une consultation a été organisée avec de nombreuses questions : « Doit-on réaliser ou non un quai “lisière”, une zone végétalisée en bordure de la forêt qui marque la limite avec le reste de la place ? » Le projet doit tenir compte également de la fréquentation : comment gérer au mieux la traversée de la forêt ? Comment concilier ouverture de la forêt et respect du végétal, de la biodiversité et de la nature ? Guillaume Durand, adjoint en charge des espaces verts du XIVe arrondissement, précise que l’implantation d’une forêt urbaine est complexe. « Il ne s’agit ni d’un parc, ni d’un bois, ni d’un jardin public, ni d’un lieu d’agrément ouvert en permanence, mais bien d’un espace naturel préservé. »
Innovation et expérimentation
Pour concilier la circulation des véhicules et celle des piétons, le schéma « en fer à cheval » semble le meilleur compromis. Les services de l’arrondissement ont travaillé avec validation finale par la mairie centrale. Un comité de pilotage suit le projet, dont le coût est estimé à environ 9,5 millions d’euros. « En occupant une surface relativement étendue, de plus d’un hectare, avec l’objectif de planter environ 5 000 arbres et arbustes, ce projet constitue une opportunité intéressante d’innovation et d’expérimentation pour les opérations de plantations urbaines », souligne Serge Muller (3*), qui s’est penché sur le cas de la place de Catalogne.
Quelles essences choisir ?
« La doctrine actuelle pour les plantations de microforêts de type “Miyawaki” (4*) (sur des superficies restreintes, de l’ordre de quelques centaines de mètres carrés) est de réaliser des plantations très denses », indique Serge Muller. Si le précepte couramment évoqué est la plantation d’espèces présentes dans la région, il est fortement remis en cause par le réchauffement climatique, ce qu’il souligne également. Il déplore aussi que la forêt indigène actuelle d’Ile-de-France paraisse bien mal en point, menacée par le changement climatique en cours. « Il semblerait plus innovant, et pertinent, de chercher à y créer une forêt urbaine “de demain”, adaptée aux conditions climatiques de la deuxième moitié du XXIe siècle. » Serge Muller se base sur les études et modélisations des aires potentielles de répartition des essences forestières d’ici à 2100. Le réchauffement climatique fait remonter les zones climatiques vers le nord. On peut s’attendre à trouver en région parisienne une végétation méditerranéenne. Ce sont donc de telles essences qu’il faut proposer pour la place de Catalogne.
Échéance Jeux Olympiques 2024
Et Serge Muller d’évoquer, pour les arbres « le chêne pubescent, le micocoulier de Provence, l’érable de Montpellier, l’érable champêtre, l’alisier blanc, l’alisier torminal, le frêne à fleurs, l’if… » Pour les arbustes, il préconise des espèces comme « l’arbousier, le buis, le cornouiller mâle, le laurier des bois, l’amélanchier ovale, le laurier sauce, la viorne tin, le fragon, le pistachier térébinthe, le nerprun alaterne, le myrte commun… » Un autre intérêt, face au choix de ces végétaux, est leur présence sur notre territoire métropolitain. « Toutes ces espèces entrent dans la composition de la forêt de chênes verts méditerranéenne (ou « yeuseraie ») », souligne Serge Muller. Il précise même que certaines d’entre elles (comme le chêne pubescent, l’érable champêtre, les alisiers blanc et torminal, le cornouiller mâle, l’amélanchier ovale, le buis…) sont naturellement présentes en Région parisienne. « L’échéance est la finalisation pour les JO 2024. Il n’y aura pas, à cette date, de grands végétaux. Une réalisation de ce type arrive à maturité entre dix et vingt ans. Mais les plantations seront effectuées », conclut Guillaume Durand.
Jean-François Coffin
Journaliste et membre du Comité de rédaction de Jardins de France
(1*) https://www.paris.fr/pages/nouveau-plan-climat-500-mesurespour-la-ville-de-paris-5252
(2*) https://www.paris.fr/pages/foret-urbaine-place-de-catalognela-concertation-est-lancee-19389
(3*) Serge Muller préside actuellement le Conseil national de la protection de la nature (CNPN). Il est membre associé de l’Autorité environnementale du CGEDD et membre du Groupe sur l’urbanisme écologique (GUE) de l’Institut de la transition environnementale de Sorbonne-Université (SU-ITE). Pour en savoir plus sur ses suggestions pour la place de Catalogne, voir son article très documenté sur: https://theconversation.com/quels-arbres-choisir pour-la-futureforet-urbaine-place-de-catalogne-a-paris-173781
(4*) https://theconversation.com/microforets-urbaines-que-penserde-la-methode-miyawaki-156822