2021, année internationale des fruits et des légumes : Contribution des jardiniers à la réduction du gaspillage
L’un des objectifs de l’année internationale des fruits et légumes, en 2021, était de « réduire de moitié, à l’échelle mondiale, les pertes et les gaspillages de la culture à la consommation d’ici 2030 ». Réduire les pertes, c’est économiser. C’est le parti pris de cet article, avec quelques rappels des moyens pour contribuer aux économies de plants et de semences, de la biomasse produite au jardin – dont les fruits et légumes –, sans oublier les ressources (sol et eau) et la fatigue du jardinier.
Une prévision des récoltes souhaitées et un inventaire des graines en stock évitent les achats superflus. Pour le jardinier qui se fournit en plants, l’adéquation entre besoins et achats est aisée à réaliser. Attention toutefois à l’installation prématurée au regard des conditions météorologiques : la destruction par le gel printanier oblige à renouveler les achats tout en doublant le temps passé.
Semer à la juste dose
Le semis en poquet, technique facile à maîtriser, limite le gaspillage et économise le temps d’éclaircissage. Conseillé pour les grosses graines telles que le pois, les haricots ou les cucurbitacées, il est possible pour les semences de taille moyenne comme la betterave, l’épinard ou le panais, aux intervalles préconisés après éclaircissage. Le plant le plus vigoureux est conservé. Comme pour un semis en ligne, les plants supprimés peuvent être consommés au stade de jeunes pousses, repiqués, offerts, ou encore mis au compost.
Pour les semis en ligne de petites graines (près de 1 000 graines de carotte au gramme), le calcul de la juste dose est souhaitable. La surface ou le métrage à ensemencer sont parfois indiqués sur les sachets. Un moyen empirique consiste à prendre une pincée de graines entre le pouce et l’index, la saupoudrer sur une feuille de papier et compter le nombre de graines.
Selon l’espacement souhaité entre les végétaux pour leur assurer un bon développement, le jardinier a une idée de la longueur du rang qu’il pourra ensemencer avec chaque pincée de graines. Il en va de même pour les semis en pépinière ou à la volée, souvent trop denses.
Réduire la consommation d’eau
Durant la croissance des plantes, le jardinier est amené à irriguer. Afin d’éviter le gaspillage de l’eau, voici quelques conseils utiles :
• Se renseigner sur les besoins des végétaux choisis en adéquation avec le climat et la nature du sol. Limiter l’évaporation en paillant, en binant régulièrement et en protégeant, si possible, le jardin des vents par une haie ;
• Choisir un dispositif adapté au contexte local (goutte-à-goutte, aspersion, gravité, oya). Récupérer l’eau de pluie et valoriser l’eau de lavage des fruits et légumes. Tenir compte des conditions météorologiques et irriguer de préférence en matinée ;
• Moduler l’arrosage en fonction des stades de développement, du semis ou repiquage à la récolte, passant d’arrosages modérés et fréquents à des arrosages plus copieux (sans excès) et espacés. Ceux-ci favorisent un développement racinaire profond, renforçant la résistance des plantes au stress hydrique.
Valoriser la biomasse
Si « un bon binage vaut deux arrosages », « tout ce qui vient du jardin doit rester dans le jardin », excepté les fruits et légumes consommés. En appliquant cet « adage », la notion de « déchets » se transforme en valorisation de la biomasse.
À différents moments de l’année, pour le jardinier inventif, elle assure plusieurs fonctions dans son jardin ou ceux des copains. Herbes spontanées, plants d’éclaircissage, épluchures des fruits et légumes ou certains résidus de cuisine peuvent être compostés sur place, entre les rangs de légumes ou en bac. Tontes, petits branchages de la taille en vert broyés ou coupés menus gagnent à être étalés au pied des petits fruitiers ou dans les massifs.
Ces paillages limitent l’évaporation et freinent le développement des adventices. La décomposition rapide des déchets verts facilite leur incorporation au sol, améliorant sa structure et sa fertilité. Elle est bénéfique à la vie biologique du sol.
À l’automne, les feuilles mortes protègent de l’érosion hivernale (pluie, vent, gel) et limitent le ralentissement de l’activité biologique du sol. Sans oublier les atouts des branchages plus importants : plessis, rames pour plantes grimpantes, tas de bois pour héberger les amis du jardinier (hérisson, microfaune, insectes…).
Conserver ses récoltes
Malgré le soin apporté à la conduite du jardin, les récoltes
fluctuent selon les conditions saisonnières. Quand elles s’avèrent moindres que prévues, il faut compléter par des achats. Mais quand fruits et légumes abondent, de nombreuses options sont disponibles : outre la consommation en frais, chacun pourra puiser dans ce rappel des modes de conservation en l’état ou transformés pour consommer en différé. Plusieurs méthodes, parfois anciennes, sont disponibles :
• La conservation au frais, en cave ou dans un local sec, frais, sombre, hors gel et hors animaux, parfois en extérieur, en silo enterré pour pommes de terre et légumes racines ;
• La congélation crue ou cuisinée, la stérilisation des fruits et légumes en bocaux de verre ou sous forme de jus, la conservation dans le vinaigre, la lactofermentation par ajout d’eau et de sel évitant le contact avec l’oxygène, en respectant les différentes étapes ;
• Sans oublier pour les fruits, les confitures, la déshydratation, les préparations à base d’alcool. Les jardiniers peuvent aussi pratiquer le partage, le troc, le don : autant d’occasions d’échanges enrichissants, de plaisirs partagés, de découvertes d’autres fruits et légumes ou de manières de cuisiner et de consommer.
Intervenir au bon moment
À l’aune de l’économie, il faut penser au jardinier. Ne dit-on pas qu’un jardin évolue avec l’âge du jardinier, pas seulement avec sa vitalité, mais aussi avec son expérience ? Pour bénéficier de celle-ci, une bonne organisation est d’autant plus nécessaire que l’on dispose de peu de temps ou que l’on débute. La tenue d’un cahier de jardinage, associé à un plan auquel on peut se reporter d’année en année, s’avère un outil précieux pour éviter de s’activer dans la précipitation, source d’erreurs dans l’ordre des travaux à réaliser ou d’oublis.
Intervenir au bon moment évite de se faire dépasser par la végétation. Un changement de regard est parfois nécessaire pour jardiner avec la nature et non contre elle. L’anticipation, quand elle est possible, réduit la peine du jardinier. Si les mois printaniers sont généralement fort occupés, les soins apportés dès l’automne et en hiver, comme le semis d’engrais verts, la couverture des planches (feuilles, broyat…), réduisent le travail du sol au printemps en renforçant sa fertilité et en assurant un meilleur départ de la végétation.
Prendre soin de soi et des autres
La préoccupation individuelle – ou collective dans les associations – pour procurer gîte et couvert aux auxiliaires en ménageant des abris pour les attirer et les fidéliser (hérissons, oiseaux, coccinelles, carabes, chrysopes…) sera payée de retour dans la lutte naturelle contre les ravageurs. Enfin, le jardinier prendra soin de se protéger le corps avec des tenues adéquates, en adoptant les bons gestes avec un outillage adapté, sans toutefois dépasser ses limites physiques, source de problèmes de santé qui gâchent le plaisir du jardinage.
L’année internationale des fruits et légumes espérait beaucoup des décideurs, au niveau des États comme des responsables et acteurs du secteur agroalimentaire, pour réaliser les objectifs ambitieux, mais nécessaires, de réduction des pertes et gaspillages dans les années à venir.
Nous espérons avoir montré que chaque jardinier, par le choix de ses actions, peut contribuer à la réalisation de ces objectifs, tout en préservant sa santé, le plaisir de jardiner et la biodiversité.
Philippe Monchaux, Claudine Lanneau, Delphine Persée
Section Potagers et Fruitiers de la SNHF