Mais à qui est cette racine? : deuxième partie
La question de savoir à quelle plante appartient une racine est essentielle et récurrente pour le jardinier: faudra-t-il la laisser, au risque d’être envahi, ou l’ôter et s’en débarrasser ? Notre petit guide en deux parties devrait vous aider à y voir nettement plus clair.
Après une première série de plantes adventices des cultures, on peut évoquer maintenant des espèces soit considérées comme gênantes, soit récemment arrivées sur notre territoire. À cela, une explication: le changement climatique élargit l’importance des régions n’ayant plus ou presque plus de gel en hiver. Il faut donc être vigilant et très observateur, car les risques de confusion sont nouveaux. En outre, nos choix de végétaux pour nos jardins peuvent s’avérer malheureux, transformant une plante décorative ou utile en redoutable envahisseuse !
LE PISSENLIT
Sa racine pivot épaisse et tendre, souvent ramifiée, reste vivace. La plante disparaît en été puis refait une rosette de feuilles et des fleurs à l’automne et au printemps et même tout l’hiver s’il est doux. Si un morceau de racine subsiste en profondeur, il peut reformer une plante entière à partir de bourgeons néoformés et produire plusieurs rosettes. Cette capacité fait de lui une plante difficile à éliminer mais aussi une excellente racine à forcer pour produire une salade blanche. L’élimination se fait à la gouge ou à la fourche-bêche en veillant à extraire, si possible, toute la racine. Il est préférable de l’éliminer avant la floraison, la production de graines étant abondante.
L’OXALIS À LARGES FEUILLES
Sa jolie fleur rose a pu la faire choisir pour décorer jardin ou terrasse. Cependant, cette décision peut s’avérer funeste car à terme, elle régnera en maître au jardin. L’oxalis peut arriver également par le terreau de plantes achetées. La conservation dans la terre se fait sous forme de bulbilles dures et résistantes, couleur bois de rose (facilement teintées en noir par la terre). En hiver ou fin d’hiver, la bulbille peut s’adjoindre une racine pivotante charnue et nacrée, excellente réserve d’eau. Au démarrage au printemps, la fabrication de nouvelles bulbilles blanches est immédiate et abondante. Le travail de la terre ne fait que favoriser la dissémination de la myriade de bulbilles : il est illusoire de vouloir toutes les éliminer. Seul le remplacement de la terre est efficace.
LA FICAIRE
Charmant bouton d’or du printemps, la ficaire peut se répandre rapidement dans les plates-bandes ou le gazon où elle s’installe à partir de graines. Le travail du sol peut disperser ses nombreux petits tubercules allongés qui se détachent facilement. L’envahissement est alors massif. Elle disparaît à la fin du printemps pour revenir en force en hiver et au printemps. Élimination à la fourche-bêche ou à la gouge en enlevant largement la terre autour de chaque pied. Plusieurs printemps peuvent être nécessaires.
LA CYMBALAIRE « RUINE-DE-ROME »
Naguère appelée linaire, c’est une jolie fleur tout au long de la saison, décorant de préférence les vieux murs, d’où son nom. Depuis quelques décennies, à la faveur des hivers plus doux, elle devient vivace et envahissante. Elle gagne alors les plates-bandes et potées. La cymbalaire affectionne les mulchs végétaux à la fois humides et aérés. Elle colonise le substrat d’un dense réseau de racines blanches permettant l’installation de coussins épais. La fragilité de ses nombreuses racines ne doit pas faire illusion: son élimination est difficile. Charmante mais point trop n’en faut.
LE CHIENDENT RAMPANT
Archétype de l’indésirable vivace, le chiendent envahit souvent les pelouses qui lui servent de base arrière pour conquérir les plates-bandes. Ses rhizomes raides, griffus, durs (au point de servir à
fabriquer les brosses portant son nom) progressent vers les plates-bandes, à une profondeur comprise entre 5 et 10 cm, mais aussi
sous le mulch. Des tiges émergent alors pour donner des hampes florales. L’élimination requiert un travail complet du sol à la
fourche-bêche. À faire au moins deux ans de suite. Le chiendent connaît maintenant deux « concurrents » non moins redoutables : le souchet et le paspalum (ci-après).
LE SOUCHET
Contrairement à Cyperus esculentus, le souchet n’est pas comestible, même s’il peut présenter occasionnellement des tubercules sur ses rhizomes. Ceux-ci, traçants, ressemblent beaucoup à ceux du chiendent, à la différence qu’ils sont plus gros, souples et fibreux. Certains plongent profondément dans le sol pour trouver l’eau qu’ils affectionnent: l’éradication est très difficile. On le trouvera dans les massifs de vivaces et d’arbustes bas, en situation bien exposée qu’il préfère, formant des touffes épaisses à proximité d’un goutteur, gênant les autres végétaux qu’elles étouffent. Elles laissent à l’automne un feuillage sec persistant peu décoratif. Les extirper à la fourche-bêche est un travail sans cesse recommencé.
L’HERBE DE DALLIS (PASPALUM)
C’est le gazon tropical, utilisé comme tel, soit planté, soit semé. Très résistant à la sécheresse, il constitue dans les régions chaudes et sans gel une épaisse moquette, certes rugueuse, mais restant verte. Il a été introduit voici plus de cent ans dans l’extrême Sud (Var). Depuis, il ne cesse de gagner les régions à hiver doux, jusqu’en Bretagne. Ses rhizomes forment des touffes compactes et cespiteuses : la progression est lente mais inexorable. L’arrachage à la fourche-bêche est difficile. La dissémination par les graines est très facile vers les plates-bandes de vivaces. Éviter le développement des hampes florales reste impérieux. Le choisir pour faire une pelouse mérite donc réflexion!
Daniel Veschambre
Membre du comité de rédaction de Jardins de France