Recettes maison et jardinage : entre prétentions et bénéfices réels

Les recettes et remèdes maison à utiliser au jardin pullulent sur Internet. Mais qu’en est-il vraiment des preuves scientifiques ? Si certaines de ces solutions sont efficaces, d’autres le sont très peu, voire pas du tout.

 

Les « vertus » du marc de café ne résistent pas à une analyse scientifique. Mieux vaut le réserver au compost © J.-L. Boulard

Le marc de café, des pouvoirs surestimés

Le marc de café serait presque un produit miracle. On prétend qu’il repousse les ravageurs (insectes, mollusques, même les chats), qu’il enrichit le sol, qu’il peut servir d‘acidifiant, qu’il prévient les maladies et plus encore. En fait, ce produit n’offre aucun service très probant. Il présente même des côtés négatifs, dont il faut tenir compte. Malgré la croyance populaire, le marc de café n’a pas d’effet répulsif vérifiable sur les ravageurs habituellement cités (altises, criocères, pucerons, autres insectes, limaces, escargots et chats). Les fourmis ne semblent pas apprécier sa présence, mais elles ont tôt fait de l’enlever et de reprendre leurs habitudes. Le marc de café peut-il servir de fertilisant ? Oui! Il contient suffisamment d’azote (2 à 3 %) et des quantités non négligeables de potassium, de magnésium et de phosphore, sans parler d’autres éléments mineurs. Cependant, il ne libère pas cet azote facilement. Comme bien des matières organiques non compostées, il est trop riche en carbone, ce qui crée une situation de « faim d’azote » : les microbes du sol utilisent l’azote présent pour décomposer le carbone et, pendant ce temps, les plantes n’en profitent pas. Quand l’azote est enfin libéré, les dommages aux plantes sont déjà faits. Peut-il lutter contre les maladies des plantes ? Au début de sa décomposition, il semble réprimer plusieurs champignons nuisibles, mais il s’agit de résultats obtenus en laboratoire. Ceux obtenus en plein champ ont été jugés « peu concluants ». Le petit bénéfice dépend donc des circonstances. De plus, le marc de café réprime certains champignons nécessaires au compostage. La croyance qu’il est acide et peut servir à acidifier les sols alcalins ou à maintenir le pH du sol des plantes acidophiles s’avère non fondée. Il est vrai que, pendant sa décomposition, le pH (niveau d’acidité) bascule vers le côté acide, pour aboutir à une valeur de 6,5 plutôt neutre.

Par ailleurs, ses défenseurs oublient que, lorsqu’il est appliqué au pied des plantes, il peut avoir un effet d’inhibiteur de croissance, notamment sur les tomates, moutardes, trèfles et pélargoniums. Certaines plantes en meurent. On étudie même la possibilité qu’un dérivé du marc de café puisse servir un jour d’herbicide ! Il faudrait donc le voir non pas comme un produit miracle mais comme un déchet végétal dont la véritable place serait le composteur où, mélangé avec d’autres déchets, il complétera sa décomposition, éliminant tout effet inhibiteur et libérant les minéraux sous une forme absorbable par les plantes.

Un dérivé du marc de café servira-t-il un jour d'herbicide? © Michal Jarmoluk - Pixabay
Arroser les plantes avec l’eau de cuisson est avant tout une manière logique de recycler l’eau © Three-shots - Pixabay

Eaux de cuisson et eaux bouillantes, des effets à relativiser

Est-il vrai que l’eau de cuisson des légumes, des pâtes, des céréales ou des œufs peut être bénéfique pour les plantes ? Oui, un peu, à condition qu’elle soit non salée et refroidie. Il faut cependant préciser que les denrées cuites à l’eau perdent essentiellement des vitamines que les plantes ne peuvent pas utiliser, car elles sont incapables d’absorber les molécules complexes. En revanche, certains minéraux, comme le fer, le calcium, le magnésium, le potassium et le sodium, libérés dans l’eau sont facilement absorbés par les racines des plantes. Leur taux est néanmoins très faible.

Arroser les plantes avec l’eau de cuisson est surtout une façon logique de recycler l’eau, beaucoup plus intéressante que de la verser dans l’évier. Le fait qu’elle contienne un faible apport de minéraux est alors un plus. L’eau bouillante versée sur les plantes adventices peut-elle servir d’herbicide ? Oui, bien sûr! Elle  sera à environ 95 °C à la sortie de la bouilloire, assez pour tuer les cellules de la plupart des feuilles. Un seul traitement peut généralement éliminer les germinations encore fragiles et les mauvaises herbes annuelles mais sera moins efficace contre les vivaces, car l’eau refroidit rapidement et n’endommage pas nécessairement le cœur de la plante et encore moins les racines enfouies profondément dans le sol. Ainsi, habituellement ces plantes repoussent assez rapidement. À force d’appliquer de l’eau bouillante chaque fois qu’il y a une repousse, il est toutefois possible de les affaiblir et, éventuellement, de les tuer. Mais n’aurait-il pas été moins compliqué de les arracher ?

Marc de café, peau de banane, etc. En dépit des croyances populaires, leurs vraies vertus semblent plutôt résider dans le compost que dans le
soin aux plantes © Ben Kerckx – Pixabay

De plus, il faut faire très attention de ne pas endommager les plantes désirables voisines quand on arrose avec l’eau bouillante. Celle-ci peut tuer les fourmis. Voici une autre croyance populaire. Parfois oui. En premier lieu, il faut se demander si on a vraiment intérêt à éliminer les fourmis, qui sont souvent inoffensives, voire bénéfiques. Si nous supposons que oui, le traitement des fourmis à l’eau bouillante présente le même défaut que celui des mauvaises herbes : l’eau refroidit très rapidement au contact du sol et endommage les plantes voisines. Si la reine de la petite colonie de fourmis se trouve juste sous la surface du sol (car pour détruire un nid de fourmis, c’est la reine qu’il faut tuer), l’eau peut encore être assez chaude pour l’éliminer et alors, le nid sera détruit. Si elle s’est sagement installée en profondeur, l’eau aura eu le temps de refroidir avant de l’atteindre et la colonie continuera à prospérer. Et les autres ? Il existe beaucoup d’autres traitements maison recommandés sur Internet, certains efficaces, d’autres moins et plusieurs complètement inutiles. Avant d’appliquer de tels remèdes, il est toujours utile de vérifier leur efficacité sur un site web sérieux, basé sur des études scientifiques, comme le site d’une université, et surtout pas sur Facebook !

 

Larry Hodgson
Écrivain, journaliste horticole canadien
et chroniqueur à la radio et à la télévision

PEAU DE BANANE

Compost à la banane © Ben Kerckx – Pixabay

Vous avez sûrement entendu dire qu’ajouter des peaux de banane au fond d’un trou de plantation peut nourrir la plante en potassium et en magnésium.

Mais comme pour le marc de café, ce minéral n’est pas immédiatement disponible: il faudrait que la peau se décompose auparavant. Le résultat sera donc long à venir.

La peau de banane ne contenant que très peu d’azote, élément d’autant plus important pour la croissance des plantes, une plante « nourrie » uniquement avec ce produit risque de souffrir d’une sérieuse carence en azote.

La peau de banane n’est qu’un déchet végétal parmi d’autres et sa plus grande utilité viendrait, comme pour le marc de café, de son dépôt dans le bac à compost.

BICARBONATE DE SODIUM

Une pulvérisation de savon noir et de bicarbonate de sodium
limitera l’expansion de maladies comme l’oïdium, la rouille, la
tavelure ou le mildiou © T. Huxham – CC BY-NC-ND 2.0

On entend dire qu’un traitement au bicarbonate de sodium, utilisé notamment en cuisine pour faire lever la pâte et réduire les odeurs dans le réfrigérateur, peut réprimer les maladies des plantes. Et cela se révèle exact ! Néanmoins, il aide davantage à les prévenir qu’à les réprimer. Pour les maladies comme l’oïdium, la rouille, la tavelure et le mildiou, la recommandation habituelle est de vaporiser les feuilles à protéger d’une solution de 5 ml de bicarbonate de sodium et 5 ml de savon noir (qui agit pour aider le bicarbonate à bien se fixer sur les feuilles) dans un litre d’eau. Il faut traiter les plantes toutes les semaines dès que les risques d’apparition de la maladie sont présents. Il faut réappliquer le mélange également après chaque pluie. Au niveau de son fonctionnement, la surface de la feuille devient moins acide, limitant ainsi la capacité des spores de champignons à s’y développer.