Bigot Fleurs : le leader discret de la fleur coupée
Une entreprise de la Sarthe produit des millions de fleurs coupées. Bigot Fleurs, qui les cultive au Kenya ou à Allonnes (Sarthe), garantit un délai de 48 heures après récolte pour les livrer chez le consommateur. Une performance liée à l’organisation sans faille d’une entreprise familiale. Le patriarche Jean Bigot, fondateur de l’entreprise en 1958, nous accueille sous les milliers de mètres carrés de serres.
Avec ses yeux malins, sous un chapeau qu’il semble affectionner particulièrement (ce doit être son fétiche), on perçoit un cerveau en constante ébullition, que l’âge ne semble pas avoir perturbé. Car le patriarche Jean Bigot, âgé de 89 ans, officie toujours dans l’entreprise de production de fleurs qu’il a créée.
Il est issu d’une famille de maraîchers dont l’un de ses plus vieux ancêtres connus « exerçait déjà ce métier en 1647 », nous dit-il. Dans cette lignée, ses parents produisaient des fruits et des légumes, qu’ils allaient vendre sur les marchés locaux et au porte-à-porte. Jean Bigot commence une activité en 1958, sur le terrain de sa famille, avec 1 300 m² de serres plastiques dédiées aux roses. « Déjà, à l’école du village, mon maître ne souhaitait pas que j’écoute ma volonté de “rester au jardin” mais que je suive d’autres études », explique-t-il. Il intègre en 1951 l’École d’horticulture de Versailles (ENH) d’où il sort ingénieur horticole, en tête du classement.
Repéré par les Américains
Bénéficiant d’une bourse attribuée à seulement dix ingénieurs, Jean part en stage en Californie puis doit revenir en France pour accomplir son service militaire. Après deux mois de classes, il devient acheteur en fruits et légumes pour l’armée américaine qui le réclame et on l’installe aux Invalides « avec, à ma disposition, une Jeep! » La parenthèse du service militaire refermée, l’entreprise de Jean Bigot ne cesse de se développer. En trois générations, avec fils et petits-fils, elle est devenue la plus importante en France pour la production de fleurs coupées.
Des roses venues d’Afrique
Les roses sont produites au Kenya où, en 2002, Jean a planté quelques dizaines de milliers de rosiers. Les 23 variétés, produites sous 53 hectares de serres, sont vendues pour moitié en France et pour l’autre en Angleterre et en Allemagne essentiellement.
« Les douanes françaises ne travaillant pas le week-end, l’arrivée des roses doit passer par les Pays-Bas », déplore Jean Bigot car il est impératif de livrer en deux jours des produits frais et tous les jours de la semaine sauf le dimanche.
L’entreprise accorde de l’importance à contrôler entièrement toute la chaîne d’approvisionnement, « ce qui garantit une traçabilité et une fraîcheur incomparables », souligne Jean Bigot en précisant qu’une rose passe entre 23 mains depuis sa cueillette jusqu’à sa vente. Les clients sont avant tout les chaînes de la grande distribution. Mais l’e-commerce pour les particuliers et pour les fleuristes se développe vite, avec presque 15 % des ventes en 2020. « Au total, ce sont plus de 25 millions de roses qui sont réceptionnées et conditionnées chaque année dans nos ateliers français », précise-t-il.
Leader en tulipes
L’autre grande spécialité de l’entreprise est la tulipe, dont elle est le leader en France. Leur production et leur commercialisation sont assurées par l’EARL Bigot Jean-Philippe, créée en 1981 par Jean Philippe Bigot, le fils de Jean. L’entreprise possède 10 hectares de terres au Chili, pour la production de bulbes hâtifs qui sont acheminés par bateaux frigorifiques. Mais elle achète la plupart des bulbes à forcer en aux Pays-Bas. Les bulbes subissent différentes étapes de traitement pour garantir un état sanitaire et une croissance irréprochables : désinfection à l’ozone, traitements thermiques adaptés… À leur disposition, 20 000 m³ de frigos et 25 000 m2 de serres pour produire 40 millions de tiges de tulipes. « Chaque jour, ce sont plus de 250 000 tiges de tulipes multicolores qui sont cultivées, cueillies, conditionnées et expédiées partout en France, à destination de toute la grande distribution, généraliste et spécialisée, et des fleuristes. » Toute une logistique a été mise en place, dont cinq chaînes de conditionnement, utilisées également pour les autres productions.
Muguet et pivoines
Sur le site d’Allonnes (Sarthe), en pleine terre, Bigot Fleurs France produit et conditionne du muguet. « Pour la collecte, nous embauchons 600 temporaires », souligne Jean Bigot. Ce sont près de trois millions de brins de muguet qui sont récoltés en moins de dix jours. Sur ce site, Bigot produit également des pivoines, qu’il commercialise au printemps.
La qualité est prioritaire
Le contrôle de la qualité est un élément majeur. Pas question de laisser passer le moindre pathogène ou lot dont la survie en vase serait trop courte. « Il faut rester en dessous de 1 % de réclamations », souligne Jean Bigot. Pour cela, une salle de test a été créée où sont contrôlés des échantillons pris au hasard.
Crise solidaire
La crise de la Covid-19 a frappé de plein fouet l’entreprise. Bigot fleurs a dû jeter des millions de fleurs, faute de pouvoir les commercialiser. Rien qu’en novembre, l’entreprise a dû en détruire 6,7 millions ! Mais la solidarité a permis de limiter l’impact des confinements de 2020. Bigot Fleurs a pu poursuivre en partie son activité car des clients « ont joué le jeu », notamment grâce au e commerce et à certaines grandes enseignes de la grande distribution, qui ont continué à s’approvisionner, voire à vendre « à prix coûtant ». Souhaitons à l’entreprise de résister à cette crise, dans un contexte où les fleurs devraient être considérées comme des denrées essentielles !
Jean-François Coffin
Journaliste et membre du Comité de rédaction de Jardins de France
Bigot Fleurs
Les Mardelles – 72700 Allonnes
Tél. : 02 43 77 07 07
www.bigot-fleurs.fr