La musique commence par le son

Vous affirmez que la musique vous fait vibrer ? Vous ne pensez pas si bien dire, car c’est tout à fait cela. Le son est une question de longueur d’ondes.  Mais alors, qu’est-ce qui fait d’un simple son une musique ?

Flûte néolithique de Jiahu. Musée provincial du Henan (Chine) © Cangminzho – CC BY-SA 4.0

Dans la lettre de Gargantua à son fils Pantagruel, résumé de toute bonne éducation au XVIe siècle selon François Rabelais, Gargantua écrit que « des ars libéraux, Geometrrie, Arimeticque et Musicque, je t’en donnay quelque goust quand tu estaoys encores petit, en l’eage de cinq à six ans(1*) ».

L’apprentissage de la musique ne date donc pas d’hier et on a même retrouvé certains instruments dans les fouilles archéologiques (flûtes en os, en particulier). Mais il est clair que des instruments de musique fabriqués dans des matériaux comme le bois ou des végétaux divers (roseaux…) ne peuvent se conserver bien longtemps.

De ce fait, les instruments de musique dont nous disposons aujourd’hui ne sont que rarement antérieurs au XVIe siècle. Mais avant de parler de musique, intéressons-nous au son, base de la musique, en entrant par le portail physique.

Un son est d’abord un train d’ondes, une vibration mécanique dans un fluide. Celle-ci est produite par une source sonore (corde vibrante, variation de pression dans un tuyau, etc.) et se déplace dans le fluide (air, matériau solide ou liquide) par l’intermédiaire des molécules mise en mouvement de proche en proche. Elle a la forme d’une sphère qui se transmet dans toutes les directions, et dont le rayon varie avec le carré de la distance. Cette vibration arrive enfin à nos oreilles et est analysée par notre système récepteur (tympan et osselets).

Dans l’air, le son se déplace à une vitesse de l’ordre de 330 m/s. Cette vitesse varie en fonction de l’atmosphère (température, pression, milieu hétérogène, vent) et est beaucoup plus grande dans les milieux solides (acier: 5 600 à 5 700 m/s) et dans les milieux liquides (eaux : 1 500 m/s). Une particularité que les Anciens connaissaient bien: la densité de l’air diminuant avec l’altitude, le son « monte » et se déplace plus facilement qu’à l’horizontale, ce qui explique la conception des théâtres et des stades. Le son est caractérisé par un certain nombre de paramètres physiques : la fréquence mesurée en hertz(2*) (ou hauteur, mesurée en octave ou savart(3*) ) et l’intensité mesurée en décibels (ou amplitude mesurée en phone ou sone(3*) ) représentés par une sinusoïde. Si on se limite à ces deux caractéristiques, on obtient un son pur assez désagréable à l’oreille et très rare dans la nature.

Les instruments de musique rajoutent un troisième paramètre, le timbre : ce dernier correspond à l’adjonction d’harmoniques au son pur. Les physiciens, à partir d’un son complexe, sont capables, par des théories mathématiques (décomposition en séries de Fourier (4*) ), de découper chaque son composé en une infinité de sons purs.

 

Le système auditif, composé des deux oreilles externes (pavillon, conduit et tympan), moyennes (cavité du tympan, trompe d’Eustache et osselets) et internes (vestibule, cochlée, nerfs) © D.R.

Quels sont les producteurs des sons ?

Intéressons-nous maintenant aux producteurs de son. On trouve tout d’abord la corde vibrante, celle que l’on rencontre dans les instruments « à cordes » frottées (violons, violoncelles, vielles), pincées (guitares, harpes, lyres, clavecins), frappées (pianos). Le principe de mise en vibration de la corde est de la décaler volontairement de sa position de repos et de la laisser y revenir! Si on observe par phénomène stroboscopique le mouvement de la corde, on voit nettement se dessiner une sinusoïde qui correspond à la fréquence du son de base de la corde (« fondamentale »). Par exemple, une corde de la sur le violon va émettre un son de fréquence 440 hertz, que l’on peut bien sûr ajuster en tendant plus ou moins ladite corde avec les clés situées sur le manche. L’accord de l’orchestre est à ce prix !

 

 

L’acoustique est l’étude des sons, de leur production, de leur propagation, dans tous les milieux. Elle est toujours prise en compte pour la conception des salles de spectacles, pour les isolations phoniques, pour les pathologies liées à l’audition… Elle a de multiples ramifications (cf. schéma en bas de cette page).

Ensuite vient l’anche. C’est une petite languette mobile en métal, bois, plastique ou canne de Provence que l’on trouve dans les orgues, certains cuivres (saxophones), les bois (clarinettes, hautbois, bassons), l’accordéon, la cornemuse, etc.

L’air envoyé dans l’embouchure, soit par des souffleries, soit par le souffle de l’instrumentiste, fait vibrer l’anche et produit la variation de pression dans le tuyau créant le son en fonction de la longueur du tuyau.

Les clés qui peuvent ouvrir ou boucher des trous situés le long du tuyau permettent de modifier la fréquence fondamentale.

Puis on rencontre l’embouchure. Elle se retrouve dans les cuivres (trompettes, cors, flûtes, trombones, tubas).

La note est formée par l’instrumentiste, soit par la vibration de ses lèvres, soit par la vibration de l’air qui passe dans un conduit en biseau. Là aussi elle est modifiée par les clés.

Enfin, dans le cas des instruments à percussion, c’est la frappe sur une plaque de métal, une peau, un morceau de bois… ou celle d’éléments durs remués fortement dans une cavité, qui provoque des vibrations se transmettant à l’air ambiant. On n’oubliera pas les caisses de résonance, souvent en bois, qui amplifient le signal initial.

 

Comment faire d’un son une musique ?

Maintenant que nous savons un peu mieux comment se forme le son, nous n’avons toutefois pas vraiment fait de la musique. Il reste encore à examiner la succession dans le temps, c’est à-dire le rythme (ou cadence), la dynamique (variation des intensités) et la mélodie (variation des hauteurs).

Tout ceci est enchevêtré dans l’espace avec peut-être de l’écho (traînée sonore), une direction d’où provient le son, et le « relief », mélange de direction et de distance.

Si l’on ajoute que la superposition de sons est en accord, on fait alors de la musique, et si cette superposition est une gêne, alors, on fait du bruit. Quelle complexité !

Venons-en maintenant au récepteur sonore, c’est-à-dire le système auditif, composé des deux oreilles externes (pavillon, conduit et tympan), moyennes (cavité du tympan, trompe d’Eustache et osselets) et internes (vestibule, cochlée, nerfs). C’est lui qui va transformer la vibration reçue en informations nerveuses.

Nous serons ainsi capables d’entendre les dif­férentes caractéristiques des sons, mais dans certaines limites. Ainsi la bande de fréquences audible se situe généralement entre 20 et 20 000 Hz. La fréquence maximale audible diminue fortement avec l’âge. L’intensité du son audible varie aussi avec l’âge, mais également avec la fréquence : un son grave (basse fréquence) ou aigu (haute fréquence) est plus difficilement entendu qu’un son de moyenne fréquence : la voix humaine normale est ainsi positionnée entre 150 et 10 000 Hz.

Pour les animaux, les limites de l’audition sont très différentes : un chat ou un chien pourront entendre des sons jusqu’à 50 kHz, un dauphin ou une chauve-souris, 500 kHz. Les baleines utilisent des sons très graves (< 100 Hz) pour augmenter la distance de perception par leurs congénères.

L'ESPRIT HUMAIN EST CLASSIFICATEUR…

Ayant observé que la production volontaire des sons se résume à frapper, gratter ou souffler, l’esprit humain s’est ingénié à regrouper les instruments de musique de l’ensemble des civilisations dans ces
trois catégories.

Dans la première, savamment appelée idiophones,
nous trouvons naturellement l’immense famille des tambours, des xylophones, mais aussi le piano, puisque ses cordes sont mises en vibration par percussion.

Dans la seconde, celle des cordophones, nous rassemblons tous les instruments à cordes, violons, harpes, koras africaines… clavecins, dont les cordes sont mises en vibration par le pincement des doigts,
par le frottement d’un archet ou par une « plume ».

Dans la troisième catégorie, les aérophones accueillent tous les tubes recevant le souffle par l’intermédiaire d’un sifflet, d’une anche, d’une embouchure de trompette, voire pas d’embouchure du tout… Les bois et les cuivres de l’orchestre sont les plus connus. Ajoutons les exemples de la flûte de pan, de la cornemuse et des orgues.

Daniel Lejeune

(1*) François Rabelais, Œuvres complètes revues et corrigées par G. Demerson, éd. Du Seuil 1995, Pantagruel chap.8.

(2*) Unités physiques.

(3*) Unités physiologiques.

(4*) J. Fourier, Théorie analytique de la chaleur, voir le texte sur Gallica [archive], alinéa 235 p. 259 et alinéa 417 p. 551.

 

Michel Dorion
Ingénieur EFREI, membre de la SNHF

 

BIBLIOGRAPHIE

J.-J. Matras, Acoustique et électroacoustique, Eyrolles 1965.
R. Besson, Électronique, Radio, TV, Hifi, Dunod, 1985