L’arrosage des plantes en pot : une complexité décryptée
La vie en pot des plantes d’intérieur ou de balcon peut être source de carence ou d’excès d’eaux. Cet article répond à plusieurs questions sur l’arrosage: quels indicateurs, quelle technique, quel volume, quelle fréquence, quelle automatisation? Il est le complément d’une réponse proposée sur Hortiquid. Suivez les conseils d’un spécialiste.
Pour qu’une plante d’intérieur ou de balcon ait une autonomie hydrique maximale, avant de mettre en place un système spécifique d’apport, il faut commencer par s’assurer que la totalité de la motte du substrat est humide. Pour cela, il existe plusieurs possibilités en fonction du degré de dessiccation du substrat et en gardant à l’esprit que les racines respirent et ont donc besoin d’oxygène. Assurer l’humidité de la motte.
Trois situations peuvent se présenter. Si le substrat est complètement déshydraté (rétracté et fissuré) et de ce fait est devenu en partie hydrophobe (Figure n° 1), cela signifie qu’il se réhumecte difficilement, c’est ce qui arrive en période chaude au retour d’une longue absence.
Dans cette situation, un arrosage par le dessus est inefficace puisque l’eau suit des chemins préférentiels (Figures n° 2 et 3) et sort rapidement par le dessous du pot sans réhumecter la totalité de la motte. L’apport d’eau par trempage du pot est LA solution pour réhumecter tout le substrat. Mais pour ne pas mettre les racines en situation d’hypoxie (peu d’oxygène) ou pire, d’anoxie (sans oxygène), il faut limiter le temps de trempage, à quinze minutes par exemple, quitte à réitérer ce traitement les jours suivants jusqu’à atteindre la masse maximale du pot.
Signalons le cas particulier des orchidées épiphytes (implantées avec de la mousse et des résidus végétaux sur la fourche de branches d’arbre de la canopée) pour lesquelles l’arrosage par un trempage du pot de courte durée (cinq minutes maximum) est le seul mode d’irrigation recommandé car il mime une averse de pluie. Un temps plus long conduit inévitablement à la dégénérescence racinaire suite à l’asphyxie provoquée par l’immersion. Si le substrat est partiellement déshydraté, le meilleur mode d’irrigation est d’effectuer un apport dans une soucoupe sous le pot pour permettre une remontée capillaire de l’eau dans le substrat.
Cet apport peut durer 24 heures car le risque d’anoxie racinaire est plus faible par rapport au trempage, mais il existe. C’est pour cela qu’il n’est pas souhaitable d’avoir en permanence une soucoupe contenant de l’eau, surtout si le substrat est peu drainant car il devient alors asphyxiant. Si le substrat est régulièrement humecté, l’arrosage par le dessus est le plus pertinent, sachant qu’en descendant l’eau libère la macroporosité du substrat et renouvelle l’air (oxygène) de la phase gazeuse autour des racines. La soucoupe sous le pot sert alors d’indicateur d’adéquation des apports aux besoins : la présence de lessivat indique que le volume d’apport est suffisant, voire en excès par rapport aux besoins de la plante à ce moment-là, son absence indique qu’il faut augmenter la dose d’apports pour éviter un dessèchement progressif du substrat, qui conduira à terme à sa déshydratation complète.
Vers un apport d’eau automatique
Un bon moyen d’éviter cette déshydratation progressive du substrat est de réfléchir à un apport automatique. Le volume apporté sera fonction de la taille de la plante (et donc de son potentiel transpiratoire) et de la taille du pot (et donc du potentiel évaporatoire du substrat). Ce volume est évalué à partir de la disponibilité en eau du substrat, qui est mesurée entre deux états hydriques extrêmes du substrat, à savoir un état saturé après égouttage et un état provoquant un stress hydrique à la culture. Ce volume, multiplié par le volume du pot, donne la réserve hydrique du substrat. L’apport du tiers de cette réserve à chaque irrigation quotidienne répond à la majorité des situations.
Cette approche donne une dose d’irrigation de 240 ml pour un pot de 4 litres avec un substrat drainant composé de tourbe et d’écorce et 400 ml pour un substrat peu aéré composé de tourbe et de sable (Nicolas, 1991). Ces doses correspondent à une plante cultivée en serre et doivent donc être diminuées dans le cas de plantes en intérieur, surtout si elles sont placées dans un endroit limitant leur consommation (lumière et température limitées). De plus, le volume apporté devra être idéalement inférieur au volume nécessaire pour saturer le substrat en eau.
En effet avec une humidité sub-optimale, la plante va mettre en place des mécanismes de limitation de l’utilisation de l’eau comme la fermeture des stomates de manière plus précoce et plus longtemps sur la journée (Figure n° 4). Il est donc judicieux d’appliquer une restriction hydrique pour augmenter l’autonomie du système substrat-plante mais en faisant attention à ne pas placer la plante en stress hydrique, ce qui serait préjudiciable à sa qualité visuelle.
Quant à la fertilisation, elle peut être aussi diminuée (dilution par 2 par exemple) pour limiter la croissance des organes et donc la mise en place de surface évaporante comme les feuilles, via les stomates (Figure n° 4).
Tester les étapes avant une longue absence
Voici donc les étapes à réaliser avant une longue absence, à tester au moins une semaine à l’avance.
- S’assurer que la totalité de la motte du substrat est bien
hydratée, sinon procéder comme indiqué ci-dessus :
• Diminuer l’évapotranspiration de la culture :
– En limitant la transpiration: enlever la plante de la pièce la plus chaude et surtout éviter le soleil direct (derrière une fenêtre au sud) mais aussi rentrer les plantes de balcon qui bénéficieront d’une atmosphère plus humide et moins chaude à l’intérieur;
– En limitant l’évaporation par le substrat en le surfaçant avec un paillage organique (disque de fibre, broyat de bois), minéral (ardoises broyées, graviers), voire plastique (disque découpé)…
• Le mode d’apport de l’irrigation peut être :
– Passif: par le dessous avec un pot à réserve d’eau et remontée capillaire vers le substrat par des mèches en tissu;
– Passif: par le dessus avec une bouteille à l’envers, avec soit le bouchon percé avec un trou de 3-4 mm de diamètre soit en le remplaçant par une bougie poreuse, l’objectif est que la bouteille délivre une petite quantité d’eau en continu. Cette solution est à tester pour adapter le débit à la plante et le volume de la réserve à la période d’autonomie !
– Actif avec horloge et pompe alimentant un ou plusieurs pots par un réseau de goutteurs. Le volume délivré par goutteur étant fixe l’augmentation du nombre de goutteurs par pot permet d’adapter la dose au volume du pot. Cependant, la mise en place d’au moins deux goutteurs par pot est conseillée pour conserver une bonne hydratation de la totalité du substrat en évitant la formation d’un seul bulbe d’humectation sous le goutteur, qui réduit le volume utile du substrat (Figure n° 5). Une phase de mise au point et de test préalable est obligatoire pour déterminer le rapport entre le temps de fonctionnement de la pompe et le volume délivré par le goutteur, mesuré en remplaçant le pot par une bouteille graduée ou par pesée (avant de le remettre dans le pot!);
– Actif avec smartphone (mettre une alarme) ou par mesure du climat in situ (pot connecté mesurant l’évolution de l’humidité du substrat et déclenchement à un seuil). Là aussi un test préalable est indispensable !
– Dans ces deux derniers cas, le moment de l’apport doit éviter les heures les plus chaudes où l’évaporation est forte. Aussi un apport le matin et un autre le soir, pour permettre à la plante de retrouver un équilibre hydrique pour la nuit, sont à privilégier. Cet équilibre permettra, si ce n’est de la croissance, au moins un fonctionnement des tissus en maintenant un flux de molécules (comme les sucres et les éléments minéraux) entre les feuilles et les racines.
• Réduire la fertilisation de moitié ;
• Prévoir bacs et/ou soucoupe pour contenir (et recycler!) un éventuel débordement en cas de dérèglement du système d’apport! Il est judicieux d’anticiper cette situation estivale lors du rempotage des plantes en début de printemps en choisissant un substrat dont la composition favorise la rétention en eau. En effet, l’incorporation d’éléments fibreux comme les fibres grossières de tourbe, les fibres de bois, de coco ou de certains produits minéraux comme la perlite, améliore l’aération du substrat tout en favorisant son humectation (Morel, 1991). On peut ainsi atteindre une rétention en eau de 70 % du volume du substrat, soit une disponibilité en eau de 400 ml par litre de substrat, ce qui augmentera sensiblement l’autonomie du système pour l’été prochain!
Retrouvez la question initiale sur Hortiquid : www.hortiquid.org/questions/arrosage/
Vincent Guérin
Ingénieur de recherche Inrae – Unité de recherche Institut de recherche en horticulture et semences (IRHS) – Angers
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Guérin V., Lemaire F., Rivière LM., Sintès G., Charpentier S., Chasseriaux G., 1995. Gestion des apports hydriques et minéraux sur les cultures en conteneurs. PHM Revue Horticole. 356: 39-46
Nicolas H., 1991. Les indicateurs pour le pilotage de l’irrigation – le climat en culture protégé. Colloque L’irrigation en horticulture – Pépinières et plantes en pot. Octobre 1991 – CNIH Chambourcy
Michel J.C., Jackson B.E., Fonteno W.C., 2017. Classification of Organic Substrates’ Wettability from Contact Angle Measurements and Hydration Efficiency Tests. Acta Horticulturae, 1168: 199-206. doi.org/10.17660/ActaHortic.2017.1168.26)
Michel J.C., 2018. Projet Ecol’eau Terreau: des substrats toujours plus performants. Le Lien Horticole, 1071 : 12-13
Morel P., 1991. Mise en œuvre et contrôle de la subirrigation pour culture de plantes en pot. Colloque L’irrigation en horticulture – Pépinières et plantes en pot. Octobre 1991 – CNIH Chambourcy