Le BioDiVerger : une plateforme d’apprentissage et d’échanges sur la permaculture et l’agroforesterie
Bio comme Biologique, Di comme Diversité : le BioDiVerger, un verger créé à titre expérimental dans le canton de Vaud, en Suisse, constitue une véritable boîte à outils pour les amateurs d’agriculture durable. Depuis 2013, une partie en agroforesterie et une autre en permaculture contribuent à l’acquisition d’expériences.
Le concept
Situé sur le domaine de l’école d’agriculture de Marcelin, à Morges, dans le canton de Vaud en Suisse, le projet du BioDiVerger a vu le jour en 2013. Il émane de la collaboration entre la Direction générale de l’agriculture, de la viticulture et des affaires vétérinaires (DGAV) du canton de Vaud, le FiBL (Institut de recherche en agriculture biologique) et la Ferme bio des Sapins. La DGAV dirige et finance le projet, le FiBL réalise le suivi du verger et la communication/vulgarisation autour du BioDiVerger et la Ferme des Sapins se charge de l’entretien des cultures.
Porté par la volonté de diversifier les vergers traditionnels monovariétaux et par l’attrait des consommateurs pour des aliments sains, locaux et la distribution via les circuits courts, ce projet a pour objectif principal de développer des alternatives innovantes et durables aux vergers classiques. Profitant du marché à la ferme des Sapins et sur le site de Marcelin, toute la production du verger est écoulée via les circuits courts.
Deux modèles de vergers diversifiés
La parcelle de 5 300 m² qui constitue le BioDiVerger est composée de deux parties : un verger en agroforesterie et un verger en permaculture dit « verger-épicerie ».
Le verger agroforestier couvre la majorité de la parcelle, soit 4 400 m². Il se compose de rangées extensives de différentes variétés de pommiers, poiriers, pruniers, pêchers et arbustes de baies, le tout en alternance avec des haies composites, des plantes productrices d’azote et des cultures maraîchères.
Les espèces sont plantées en lignes de largeur suffisante, de manière à laisser l’espace pour cultiver des bandes maraîchères mais aussi pour rationaliser et simplifier les travaux d’entretien. Ainsi, les arbres fruitiers à pépins, d’une part, et les arbres fruitiers à noyau, d’autre part, sont regroupés. Les variétés ont été choisies pour leur faible sensibilité aux principales maladies qui touchent les vergers de la région.
Le verger-épicerie, inspiré des principes de la permaculture, intègre sur 900 m² une grande diversité d’arbustes à petits fruits, d’arbres fruitiers, de légumes, d’herbes aromatiques, de plantes de service et de plantes ornementales. Contrairement aux vergers classiques, les végétaux y sont associés, de manière dense, en essayant au maximum de se rapprocher du fonctionnement des écosystèmes naturels.
Le fait d’avoir ces deux types de vergers au cœur du domaine de Marcelin permet de les comparer l’un à l’autre, ainsi qu’aux systèmes biologiques et conventionnels classiques environnants.
Le verger-épicerie, inspiré des principes de la permaculture, intègre sur 900 m2 une grande diversité d’arbustes à petits fruits, d’arbres fruitiers, de légumes, d’herbes aromatiques, de plantes de service et de plantes ornementales © F. Lebleu
L’entretien et la promotion de la biodiversité
Le BioDiVerger regorge d’éléments favorisant la biodiversité tels que des nichoirs, des perchoirs, des tas de branches ou de pierres… Un petit point d’eau a même récemment été implanté afin de permettre aux animaux qui visitent le verger de s’abreuver et de développer une faune et une flore aquatique. Des plantes de service ont été choisies pour garnir les haies. Le but est d’attirer les insectes bénéfiques afin de réguler naturellement les ennemis des cultures et d’assurer la présence des pollinisateurs.
Cultivé sous le label Bio Suisse, le verger va plus loin que les exigences de l’agriculture biologique en se limitant aux interventions strictement nécessaires et en offrant le temps et les moyens à la nature de se défendre seule contre ses agresseurs. Dès le démarrage du projet, une charte a été acceptée par les trois acteurs du projet afin de garantir un impact minime des actions de l’homme sur le verger et de promouvoir l’équilibre de l’écosystème. Certaines matières actives, comme le cuivre ou les pyréthrines, bien qu’autorisées en arboriculture biologique, sont proscrites sur le verger ou utilisées seulement dans des cas particuliers afin de garantir sa pérennité.
L’enherbement dans l’inter-rang est fauché (un rang sur deux), des bandes fleuries sont semées et la surface sous le rang est désherbée mécaniquement. Très peu d’éléments nutritifs externes sont apportés : seuls du compost et du fumier sont ponctuellement amenés. Les débris de taille sont restitués. Toujours dans un souci de limiter les intrants, aucun système d’irrigation n’a été mis en place. Seules une arrivée d’eau et des rampes pour le maraîchage ont été installées en 2018. L’arrosage est donc très ponctuel et réservé aux périodes de sécheresse prolongées. Dans de tels systèmes, l’énergie est davantage consacrée à la conception et à l’installation du verger, puis au fur et à mesure, il est amené à gagner en autonomie.
Des résultats encourageants et des expériences acquises
Les cinq premières années ont été vouées à la conception, à l’installation et à l’apprivoisement du verger. Des premiers apprentissages en sont ressortis : l’intérêt des cultures maraîchères dans un premier temps pour dégager un revenu dès les premières années, l’importance de la diversification des cultures afin d’assurer des récoltes de qualité, le besoin en eau des cultures et surtout des jeunes plantations, la nécessité de se prémunir contre le campagnol et le devoir de rester cohérent avec les objectifs du projet, dont l’un des principaux est de diminuer les coûts de production et la charge de travail plutôt que d’intensifier le système.
Dès 2017, la partie en agroforesterie a pu dégager une marge commerciale, qui ne cesse, depuis, d’augmenter. Le verger-épicerie a connu plus de déboires liés à la sécheresse, à des faims en azote engendrées par un BRF de mauvaise qualité, à de fortes pressions de limaces… Des pertes de jeunes plants et de récoltes sont à noter et cette partie du verger peine donc un peu plus à augmenter sa marge.
Le verger agroforestier couvre la majorité de la parcelle, soit 4400 m2. Il se compose de rangées extensives de différentes variétés de pommiers, poiriers, pruniers, pêchers et arbustes de baies, le tout en alternance avec des haies composites, des plantes productrices d’azote et des cultures maraîchères © F. Lebleu
La diffusion
Un autre objectif du projet est de créer une plateforme d’échanges de savoirs et de connaissances. Le BioDiVerger fait office de support pour divers cours, travaux d’études, visites et conférences. Il s’établit ainsi comme un verger de référence dans la région pour les producteurs, les écoles et les consommateurs. Les bonnes et les mauvaises expériences ainsi que les données économiques issues du projet sont propagées afin d’informer et d’aider les personnes intéressées par ces systèmes de production.
Flore Lebleu
Conseillère en arboriculture et cultures spéciales
Pour en savoir plus : visiter les sites du FiBL www.bioactualites.ch et www.fibl.org.
(1*)Le BRF (bois raméal fragmenté) de mauvaise qualité nécessite
la présence de bactéries pour sa dégradation. Elles-mêmes sont
consommatrices d’azote, d’où la carence en azote des plantes
en place.