Le climat breton : idéal pour les jardins d’acclimatation de Roscoff et de l’île de Batz
L’extrême ouest du continent européen recèle, en provenance des quatre coins du monde, des trésors insoupçonnés pour qui ne connaît pas le climat particulièrement doux du nord de la Bretagne. Le Jardin exotique et botanique de Roscoff et celui de l’île de Batz en sont les plus purs joyaux.
Roscoff est un petit port breton situé dans le pays du Léon, au nord de la Bretagne. Le littoral de roches granitiques est parsemé de petites plages de sable blanc. Les terres agricoles en bordure de l’océan sont destinées aux cultures maraîchères « primeurs » : les choux-fleurs, les artichauts, les échalotes sont les principaux légumes labellisés.
La petite ville est très belle avec ses grandes maisons en granite, construites par des armateurs, et son église, elle aussi en granite, au clocher de dentelle. Le port, où les passagers attendent le bateau pour l’île de Batz et où les chalutiers débarquent leurs caisses de poissons, est un lieu très animé. Les paquebots de la Brittany Ferries assurant des liaisons hebdomadaires avec Plymouth, Cork et Santander mouillent dans le port en eaux profondes à proximité du bourg.
Le Jardin exotique et botanique de Roscof
Le Jardin exotique et botanique de Roscoff est classé « jardin remarquable et conservatoire botanique » pour de nombreuses espèces. Situé près du port de plaisance à l’entrée de la ville, il bénéficie d’une belle vue panoramique sur la mer depuis son piton granitique de 18 mètres de haut. Sur un terrain rocailleux de 17 000 m2 acheté en 1986 par le Département du Finistère et rétrocédé en gestion à la Ville de Roscoff, deux hommes du pays passionnés, Louis Kerdiles et Daniel Person, ont créé ce jardin de collection.
Près de 3 500 espèces de plantes subtropicales d’Afrique du Sud, d’Australie et des Iles Canaries tapissent les rocailles. Grâce à ces plantes en grande partie de l’hémisphère sud, le dépaysement est total. Elles sont installées dans des chaos rocheux à l’ombre d’eucalyptus géants, de palmiers des Canaries (Phoenix canariensis) ou de Dracaena. On retiendra les protéacées d’Afrique du Sud à grosses fleurs rouges ou jaunes, les Echium (vipérines) aux belles grappes de fleurs bleues, les cactus de plein air, les agaves et les aloès, les géraniums de Madère, les Callistemon (rince-bouteilles) à fleurs jaunes, les Kniphofia aux fleurs orange ou encore les tapis
d’agapanthes bleu foncé.
L’île de Batz
Depuis Roscoff, le bateau conduit en vingt minutes sur l’île de Batz, dont l’approche est rendue délicate par les nombreux îlots rocheux présents dans la baie. L’île de Batz fait trois kilomètres de long sur un kilomètre de large. Elle est habitée par 400 personnes en hiver et 2 000 en été. Elle est constituée d’un massif granitique dépassant seulement de 20 mètres le niveau de la mer où le phare, si précieux pour la navigation dans la Manche, a été construit. La pêche côtière y est encore active, tout comme les cultures de primeurs (pommes de terre, choux-fleurs, oignons et carottes).
Batz bénéficie d’un microclimat particulièrement doux en toute saison, ce qui a facilité l’installation du Jardin d’acclimatation. C’est par le sentier côtier sud qu’on le rejoint, à pied ou à vélo.
Le Jardin Georges Delaselle dans l’île de Batz
Autrefois dénommé Jardin colonial de l’île de Batz, le Jardin Georges Delaselle a été aménagé par un seul homme, Georges Delaselle, à l’extrémité sud-est de l’île. Il présente aujourd’hui une collection botanique de plus de 2 000 espèces subtropicales importées des cinq continents. Il est propriété du Conservatoire du littoral.
En 1896, en vacances à Batz, Georges Delaselle fait l’acquisition de plusieurs parcelles sur l’île. Le terrain est constitué d’une lande d’ajoncs et d’un monticule rocheux. En 1899, il y fait construire une petite maison et découvre sur l’île des végétaux exotiques introduits par les marins du pays, de retour des mers lointaines. C’est en 1900 qu’il décide d’y créer un jardin de cinq hectares appelé « jardin colonial ». Quelques années plus tard, il creuse un vallon de cinq mètres de profondeur, aidé par des amis de l’île. Les bords sont stabilisés en terrasses et plantés de pins pour protéger la cuvette du vent. Une collection de palmiers arrosés par l’eau d’un puits y est
installée.
Six ans plus tard, le plan du jardin est dessiné avec une pelouse centrale, épaulée d’un côté par une allée sablée qui longe le talus planté d’Eucalyptus globulus, et, de l’autre, par un massif de fleurs de Nouvelle-Zélande et de cordylines australes appelées palmier du Torquay. On y introduit d’autres plantes alors inconnues en Bretagne telles que les Protea à grosses fleurs rouges ou les agapanthes à fleurs bleues d’Afrique du Sud, les Amaryllis belladone, les Echium ou vipérines aux tiges en pain de sucre et à fleurs bleues. En 1918, Georges Delaselle, malade, s’installe définitivement dans sa maison ilienne afin de se soigner. Il poursuit le développement de son jardin en introduisant dans l’île des plantes exotiques ou méditerranéennes telles que cinq nouvelles essences de palmiers installés dans le bas-fond: Trachicarpus fortunei (palmier de Chine) Chamaerops humilis, Phoenix canariensis, Washingtonia filifera, et Jubae chilensis achevant de donner au vallon un caractère de jardin tropical.
Une mare d’eau alimentée par le puits creux est bordée de fougères basses et de quelques fougères arborescentes d’Australie. Le sentier qui la surplombe est couvert de géraniums de Madère aux splendides fleurs violettes. Plus loin, une grande clairière tapissée de gazon d’Espagne, rose (Armeria maritima), laisse entrevoir la mer et la côte rocheuse de l’île. Enfin, une collection de cactées et de plantes succulentes de terrain sec telles qu’Opuntia, Mammillaria ‘Black boy’ est installée dans la rocaille sud-africaine, face à la rade de Roscoff au pied d’un calvaire du XVIIe siècle.
Un retour mouvementé
En 1937, Georges Delaselle a 77 ans. Il vend le jardin à Monsieur Nast, qui en profitera pour planter des cyprès Lambert sur le talus afin de protéger le jardin des vents marins. En 1956, un hiver rigoureux touche la végétation tropicale. Le jardin est revendu à une colonie de vacances de la région parisienne et partira par la suite en friche.
En 1985, une association locale des rives de l’Elorn reprend son exploitation. Elle fait appel à un paysagiste parisien, Philippe Feignon, pour aider les bénévoles dans la restauration. Malheureusement, il subit de nouveaux dégâts avec l’ouragan du 16 octobre 1987 qui ravage la Bretagne.
L’Association des Amis du jardin George Delaselle est créée en 1989. En 1999, le Conservatoire du Littoral se porte acquéreur du domaine. Le conseil de Gilles Clément est sollicité, puis un autre paysagiste, Guillaume Geffroy-Dechaume, intervient pour la restructuration et l’installation d’un réseau d’arrosage. Les travaux sont financés par les ministères de la Culture et de l’Environnement ainsi que par la Région Bretagne. Aujourd’hui, le Conservatoire du Littoral a confié la gestion et l’entretien du parc à la Communauté du Pays de Léon avec du personnel jardinier compétent pour garder
en état les collections en place, qu’un nombreux public peut découvrir de début avril à mi-octobre.
Jacques Postic
Ingénieur horticole, ancien chef des jardins de LorientJardin Georges
Delaselle Ile de Batz (Finistère)
Tél. : 02 98 61 75 65